Une équipe coordonnée par l’Initiative pour les petites îles de Méditerranée (PIM), déploiera au mois de mai plusieurs missions visant à contrôler la présence du Rat noir (Rattus rattus), sur les îlots des archipels des Sanguinaires et de Scandula. Ces opérations, élaborées depuis 2021 grâce au soutien de la Délégation de façade maritime Méditerranée de l’OFB et en étroite collaboration avec les gestionnaires locaux (Parc naturel Régional de la Corse, Syndicat mixte du Grand Site des Iles Sanguinaires et de la pointe de la Parata, etc.), poursuivent un objectif commun : protéger les colonies d’oiseaux marins nicheurs, dont la survie est menacée par ces rongeurs invasifs.
Une mission pour contrôler l’efficacité des dératisations, et étendre le dispositif à d’autres îles
Les équipes mobilisées par Initiative PIM et des gestionnaires locaux engageront conjointement au mois de mai 2024, une nouvelle mission sur les îlots périphériques de Corse afin d’évaluer l’efficacité des opérations réalisées en 2023 à Scandola, et de prévoir la future opération prévue sur l’archipel des Sanguinaires en 2025. Elles seront accompagnées par l’entreprise HELP SARL, chargée de déployer le dispositif d’éradication, mais aussi d’entomologistes, herpétologues, botanistes… Autant d’experts scientifiques qui seront chargés de mettre en place et de poursuivre des protocoles de suivi des écosystèmes sur le long terme afin d’évaluer les bénéfices potentiels de cette mesure de gestion. Les actions se déclineront différemment dans plusieurs zones, suivant le stade d’avancement dans le processus d’éradication du Rat noir (Rattus rattus). Il s’agira dans la Réserve naturelle de Scandola, de contrôler l’efficacité de la dératisation mise en œuvre en septembre 2023, sur les îlots de Gargalu et de Garganellu. Les rats ont-ils complètement disparu des zones ciblées ? Observe-t-on des changements au sein des populations d’insectes, de reptiles et de plantes répertoriées par les scientifiques en amont ? Observe-t-on un impact positif sur la reproduction de la petite colonie de Puffins de Scopoli nicheuse sur Gargalu ? Si oui, ces évolutions sont-elles liées au départ des rats ?
Dans les Sanguinaires, où la dératisation est envisagée pour l’automne 2025, les experts mobilisés se pencheront sur les étapes à respecter pour la préparer : inventaires naturalistes pour évaluer l’état initial de l’écosystème local, étude de faisabilité et cartographies des spots à cibler pour la pose des pièges.
La survie des oiseaux marins en jeu
Ces interventions poursuivent un objectif commun, celui de protéger les oiseaux marins. Le Rat noir (Rattus rattus) a été introduit par l’homme en Méditerranée il y a plus de 2000 ans. Il engendre des effets néfastes sur les communautés natives des milieux insulaires d’oiseaux terrestres, de reptiles, de mammifères, d’invertébrés, de flore, et plus particulièrement d’oiseaux marins : les îles constituent des refuges et des sites de nidification indispensables à leur reproduction. Pendant ces périodes de présence à terre, ils sont exposés à de nombreuses menaces et surtout celles des rats, qui s’attaquent aux œufs et aux poussins pour les manger, et créent un dérangement poussant les adultes à abandonner leurs nids, provoquant un taux de mortalité élevé chez les jeunes. Les petites espèces nichant dans des cavités, sur le sol ou dans les arbrisseaux sont particulièrement impactées : les rats représenteraient l’un des principaux risques d’extinction pour 68 % des espèces de la famille des Procéllaridés à travers le monde (Puffins et Océanites tempête ; BirdLife International, 2000) ainsi que pour les Martinets pâles. Plusieurs années de prospections réalisées en Corse par le réseau PIM, ont permis de confirmer la présence du Rat noir sur 34 îlots corses, dont 11 îles qui abritent en concomitance des Puffins de Scopoli et des Océanites tempête (aussi appelés Pétrels). Ces espèces d’oiseaux sont d’autant plus vulnérables que les couples de ces colonies ne pondent qu’un seul et unique œuf par an, ne pouvant être remplacé en cas de destruction.
Une stratégie pour les protéger
Forte de ses nombreuses expériences dans ce domaine et grâce au soutien de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), Initiative PIM a élaboré en 2021 une stratégie de lutte contre les espèces invasives impactant négativement les oiseaux marins des îles périphériques de Provence et de Corse. Dans ce cadre, plusieurs actions essentielles ont été identifiées : éradiquer les populations de rats des îles qui accueillent des colonies d’oiseaux, augmenter la surface d’habitats favorables à la reproduction autour des colonies existantes, créer de nouveaux espaces « refuges » pour les inciter à s’y installer, et contrôler la Griffe de Sorcières (Carpobrotus), espèce de plante invasive dont l’expansion peut être corrélée à celle du Rat noir.
PIM et le Parc naturel Régional de Corse ont ainsi réalisé en septembre 2023 une opération pilote pour l’éradication du Rat noir de Garganellu (1 ha) et de la partie Sud de Gargalu pour améliorer les conditions de reproduction de la colonie de puffins de Scopoli qui y niche (Réserve naturelle de Scandola). Des protocoles de suivis naturalistes (insectes, reptiles, végétation, oiseaux) ont été mis en place afin de recueillir des données avant l’opération, et seront renouvelés dans les années à venir pour mesurer l’évolution de ces compartiments biologiques.
Des opérations de biocontrôle permettront d’évaluer la présence de rats dans d’autres archipels qui avaient déjà fait l’objet de campagnes d’éradications, mais sur lesquels leur retour est confirmé. Ces derniers pouvant en effet nager sur de longues distances (jusqu’à 500 mètres) pour repeupler certaines îles, un des enjeux déterminants pour le succès de ces opérations réside dans leur pérennité. Afin d’assurer un suivi efficace sur le long terme, le dernier axe de ce plan d’actions se concentrera sur le renforcement de capacités des agents d’espaces naturels, pour les former à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes.
Une équipe expérimentée dans la lutte contre les espèces invasivesL’Initiative PIM est une ONG internationale basée à Marseille, composée d’experts internationaux spécialistes des enjeux de conservation de la nature spécifiques aux îles. Depuis 2005, elle coordonne des actions concrètes de terrain avec l’appui de partenaires institutionnels, scientifiques et associatifs. Celles-ci visent à une meilleure connaissance des petites îles, à une meilleure gestion de ces territoires, au renforcement de capacités des parties prenantes à leur protection, à la restauration des écosystèmes insulaires dégradés, ainsi qu’à la sensibilisation du grand public et des décideurs à leur préservation. Un de ses axes d’intervention principaux sur le terrain est la lutte contre les espèces exotiques envahissantes. Elle compte en effet à son actif plusieurs éradications de populations de Rat noir réussies : l’îlot de Zembretta (Tunisie) en 2009, l’archipel des Kuriat (Tunisie) en 2015, et les opérations combinées de lutte contre la Griffe de sorcière et le Rat noir sur l’île du Grand Rouveau (Var, France) en 2012 et de Tavolara (Sardaigne, Italie) en 2017. Deux ans après les opérations d’éradications du Rat noir sur les îles de Zembretta-Zembrettina (Tunisie, 2009), le nombre de couples reproducteurs de Puffins yelkouan (Puffinus yelkouan) avait ainsi augmenté de 10,4 % et atteignait 175 couples reproducteurs (Bourgeois et al. 2013), appuyant le fait que les opérations d’éradication sur des populations de rats introduites depuis des siècles, s’avèrent fructueuses. |
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous rendre sur le site internet d’Initiative PIM ou à contacter l’équipe : pim@initiative-pim.org
Rédaction : L’équipe d’Iniative PIM
Toutes les photographies proviennent de l’équipe d’Initiative PIM.