Cette page a été publiée dans le cadre d’un article de synthèse sur les spirées ornementales échappées en France métropolitaine (M. Vuillemenot, 2021)
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Spiraea ×billardii Herincq / spirée de Billard
Répartition et statuts
Ce taxon relève d’un « complexe horticole assez nébuleux » (Tison & de Foucault, 2014). En effet, il est traité comme un collectif peu dissociable d’hybrides à fleurs roses, issus de croisement entre au moins les espèces suivantes : Spiraea alba et S. douglasii, deux espèces originaires d’Amérique du Nord, et S. salicifolia, une spirée originaire d’Europe centrale et orientale, de Sibérie et d’Asie orientale. Toutes ces espèces ont joué un grand rôle en horticulture et sont considérées comme parentes de nombreux hybrides horticoles.
Inflorescences à corolles rose vif de Spiraea ×billardii © CBNFC-ORI / Marc Vuillemenot |
Corolles rose pâle de Spiraea ×billardii © CBNFC-ORI / Marc Vuillemenot |
Outre les populations de S. ×billardii sensu stricto, les stations de S. ×billardii sensu lato peuvent inclure ou non, selon les conceptions, les époques et les territoires, les données S. ×pseudosalicifolia et de S. salicifolia. En notant que la présence en Europe occidentale, et particulièrement en France, de ce dernier taxon, nécessite d’être démontrée (Tison & de Foucault, 2014) dans la nature comme dans les jardins. Par ailleurs, le besoin de vérification des données de S. salicifolia est d’autant plus nécessaire qu’au XIXe siècle, l’identification S. salicifolia était traitée au sens large. Elle correspondait aux spirées à inflorescence en panicule et aux feuilles glabres, dentées sur presque toute leur longueur, lancéolées aiguës. Cette conception semblait ainsi réunir aussi bien S. salicifolia que S. alba. Dès lors, toutes les évocations, horticoles comme naturalistes, de S. salicifolia semblent avoir souffert de cette confusion. Les mentions anciennes de S. salicifolia par les botanistes de terrain pouvaient ainsi correspondre à S. alba, possiblement aussi à S. salicifolia sensu stricto et progressivement à tous les hybrides à fleurs blanc rosé à roses.
En France, Tison & de Foucault (2014) considèrent S. ×billardii (intégrant S. ×pseudosalicifolia) comme un taxon « occasionnel à naturalisé, parfois envahissant par multiplication végétative ».
En Auvergne, Antonetti et al. (2006) indiquent que S. ×billardii est un taxon « peu mentionné mais certainement sous-prospecté et probablement le plus fréquemment naturalisé ». Bart et al. (2014) évaluent les Spiraea du groupe douglasii (incl. S. douglasii, S. salicifolia, S. ×billardii et S. ×pseudosalicifolia) comme des espèces exotiques envahissantes avérées dont la répartition est localisée. Elles colonisent des végétations de fourrés et de manteaux arbustifs.
Dans la Loire et dans le Rhône, Spiraea ×billardii et S. ×pseudosalicifolia sont considérés comme des taxons « peut-être sous-évalués au profit de S. douglasii et de S. salicifolia » (CBNMC, 2013). Ils sont à surveiller en raison de leur caractère envahissant dans certaines régions.
Dans certains territoires, comme dans les Pays de la Loire, les taxons de l’agrégat de S. salicifolia n’ont pas été évalués du fait d’un niveau de connaissances insuffisant (Dortel & Geslin, 2016). Actuellement, quelques populations, rattachées à S. ×billardii, sont considérées comme établies et en voie de naturalisation (Dortel & Geslin, comm. pers.).
En Franche-Comté, Spiraea ×billardii est le taxon de spirée le plus représenté avec S. alba. Néanmoins, à la différence de cette dernière qui s’illustre par la forte concentration de ses stations dans le piémont vosgien, S. ×billardii est également représentée dans le massif jurassien. Considérant sa naturalisation avérée, son dynamisme dans certaines stations, son aptitude à former fréquemment des populations denses et à se développer dans des milieux naturels ou semi-naturels, ce taxon a été qualifié d’espèce exotique envahissante (Vuillemenot et al., 2016). Sa rareté régionale a conduit à la situer parmi les espèces émergentes.
Pour l’heure, en Franche-Comté, seules quelques localités de S. ×billardii sont préoccupantes en raison de la sensibilité des habitats concernés. Parmi elles, une station, située dans un méandre du Drugeon, dans le Haut Doubs, est fauchée annuellement depuis 2014 par l’EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue. La superficie semble stable mais la densité des tiges a, en revanche, nettement diminué (Sauret, comm. pers.). Les méthodes de gestion préconisées portent surtout sur la fauche répétée des tiges, voire idéalement l’arrachage du système souterrain (Halford et al., 2010a). De telles opérations pourraient être envisagées dans d’autres sites patrimoniaux en Franche-Comté ou présentant des risques de dispersion pour ces espèces si leur efficacité est démontrée.
Dans le piémont vosgien, une station de S. ×billardii (Bettinelli, 2014) proche d’une tourbière gérée par le Conservatoire d’espaces naturels de Franche-Comté a fait l’objet d’essais de fauche et d’arrachage pendant deux ans. Les raisons de leur échec mériteraient d’être approfondies. La surveillance régulière de son extension à la zone humide voisine ou d’apparition de nouvelles micro-stations doit venir guider la décision d’une éventuelle nouvelle intervention.
Les données lorraines récentes sont toutes localisées dans le massif vosgien, totalisant une cinquantaine de stations naturalisées (Duval. comm. pers), dont certaines peuvent couvrir plusieurs kilomètres de linéaires cumulés et former des fourrés monospécifiques très denses (vallée de la Zorn, pourtour du lac de Xonrupt).
En Alsace, la naturalisation de S. salicifolia est rapportée dans quelques vallées vosgiennes (auteurs divers, 1982). Ces données mériteraient d’être vérifiées avec les connaissances actuelles, même si ces auteurs identifiaient déjà l’existence d’hybrides puisque qu’ils disaient observer localement, « une forme hybride de S. salicifolia et de S. douglasii », donc S. ×billardii s.l. Le constat que la majorité de ces stations régionales ou proches de la Franche-Comté se situent dans ou à proximité des massifs montagneux montre une bonne adaptation de l’espèce aux fortes précipitations et aux rigueurs climatiques.
En Belgique, Spiraea ×billardii est « souvent cultivé pour l’ornement dans les parcs et les jardins » (Lambinon & Verloove, 2012). Ce taxon est donné comme subspontané ou naturalisé. Halford et al. (2010b) indiquent que la « distribution des populations est souvent associée à des plantations volontaires ». Branquart et al. (2010) classent S. ×billardii parmi les plantes invasives à impact modéré et distribution localisée, devant faire l’objet d’une surveillance. Ces auteurs se demandent si elle est capable d’inhiber les successions végétales comme S. alba.
En Suisse, l’agrégat de S. salicifolia ne figure pas sur les listes de plantes exotiques envahissantes (Buholzer et al. 2014). En Grande-Bretagne, Rich & Jermy (1998) indiquent que des hybrides de S. salicifolia peuvent former des fourrés étendus.
Écologie
En France, Tison & de Foucault (2014) situent Spiraea ×billardii dans des prairies, des ourlets et des sous-bois clairs mésohygrophiles. En Belgique, cet hybride est observé dans de vieilles haies, des bords des chemins, des talus et des terrains vagues (Lambinon & Verloove, 2012). Halford et al. (2010b) soulignent cette position régulière le long d’éléments linéaires (routes ou cours d’eau). Ils évoquent aussi des situations prairiales ou forestières.
Cette diversité de situations ne confirme que partiellement la description souvent donnée par les pépiniéristes indiquant que Spiraea ×billardii, si elle accepte quasiment toutes les natures de sol, préfère les sols acides et surtout pas trop humides. En effet, l’envahissement de certaines zones humides, localement en Franche-Comté et à plus grande échelle en Belgique, montrent la tolérance du taxon aux contraintes hydromorphiques.
En termes d’habitats occupés en Franche-Comté, comme Spiraea alba, S. ×billardii affectionne particulièrement les sols frais à humides. En montagne jurassienne, elle a, par exemple, été rencontrée dans des prairies hygrophiles, basiphiles et mésotrophiles de sols paratourbeux (Trollio europaei – Molinietum caeruleae), dans une mégaphorbiaie dérivant d’une magnocariçaie de bordure des ruisseaux (Aconito napelli – Filipenduletum ulmariae) et dans une saulaie calcicole à acidiclinophile des sols tourbeux (Salicetum pentandro – cinereae). Dans le massif vosgien, sa présence est connue dans une aulnaie-frênaie nitrophile de bords de cours d’eau lent (Aegopodio podagrariae – Fraxinetum excelsioris) et dans une aulnaie marécageuse neutroacidiclinophile mésohygrophile (Carici elongatae – Alnetum glutinosae).
En dehors des milieux humides, la spirée de Billard est observée en pied des haies, en bordure de prairies, sur des talus routiers, des places de dépôts de bois en lisière de forêts fraîches. Les végétations correspondent à des ourlets nitrophiles héliophiles à hémisciaphiles des sols frais et profonds (Heracleo sphondylii – Sambucetum ebuli), des ronciers hémisciaphiles neutrophiles (Agrimonio – Trifolienion medii), des talus rocailleux calcaires mésoxérophiles (Trifolio medii – Geranienion sanguinei) ou encore des lisières de prairies de fauche mésotrophiles et neutrophiles (Arrhenatheretum elatioris).
En Lorraine, Spiraea ×billardii, rencontrée dans une grande diversité de situation (Duval, comm. pers.), semble avoir des préférences écologiques moins strictes que les autres espèces de spirées.
En Suisse, Eggenberg et al. (2018) commentent de manière collective l’écologie de l’agrégat Spiraea salicifolia (incl. S. salicifolia, S. ×billardii et S. ×pseudosalicifolia). Il s’agit de néophytes rudérales des sols moyennement humides, légèrement acides à neutres, riches en substances nutritives, en conditions moyennement ensoleillées.
Article complet : Les spirées ornementales échappées en France métropolitaine : synthèse des connaissances sur leurs comportements et leurs statuts (lien)
Références bibliographiques :
- Antonetti P., Brugel É., Kessler F., Barbe J.-P. & Tort M., 2006. Atlas de la flore d’Auvergne. Conservatoire botanique national du massif central, 984 p.
- Auteurs divers, 1982. Flore d’Alsace. Plaine rhénane, Vosges, Sundgau d’après Issler É., Loyson E. & Walter É. (1952). Société d’étude de la flore d’Alsace. 2ème édition. 621 p. d’après Parent (1984)
- Bart K., Antonetti P. & Chabrol L., 2014. Bilan de la problématique végétale invasive en Auvergne. Conservatoire botanique national du Massif central / Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne, 34 p.
- Bettinelli L., 2014. Tourbière du Sennepey et zone humide de la Cornaz Mâchurée (Saint- Barthélemy et Montessaux, 70). Bilan du plan de gestion 2008-2012. Plan de gestion 2015-2024. Conservatoire d’espaces naturels de Franche-Comté, Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, Conseil régional de Franche-Comté, Conseil général de Haute-Saône. 57 p + figures et annexes.
- Branquart É., Dupriez P., Vanderhoeven S., Van Landuyt W., Van Rossum F. & Verloove F., 2010. Invasive alien species in Belgium, Species List : Spiraea alba, Spiraea douglasii, Spiraea tomentosa, Spiraea ×billardii. http://ias.biodiversity.be/species/all (novembre 2018).
- Buholzer S., Nobis M., Schoenenberger N & Rometsch S., 2014. Listes des espèces exotiques envahissantes de Suisse. Info Flora, 2 p.
- Conservatoire botanique national du massif central (CBNMC), 2013. Plantes sauvages de la Loire et du Rhône, atlas de la flore vasculaire. Conservatoire botanique national du massif central, 760 p.
- Dortel F. & Geslin J., 2016. Liste des plantes vasculaires invasives des Pays de la Loire. Liste 2015. DREAL Pays de la Loire. Conservatoire botanique national de Brest, Brest, 36 p., 3 annexes.
- Eggenberg S., Bornand C., Juillerat P., Jutzi M., Möhl A., Nyffeler R. & Santiago H., 2018. Flora helvetica, guide d’excursions. Info Flora (Hrsg.), Haupt, 1ère éd., Bern, 813 p.
- Halford M., Frisson G., Delbart E. & Mahy G., 2010a. Fiche synthétique de gestion – Les spirées nord-américaines (Spiraea spp.). http://hdl.handle.net/2268/103664 (novembre 2018)
- Halford M., Frisson G., Delbart E. & Mahy G., 2010b. Fiche descriptive – Les spirées nord-américaines (Spiraea spp.). http://hdl.handle.net/2268/103659 (novembre 2018)
- Lambinon J. & Verloove P., 2012. Nouvelle flore de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg, du Nord de la France et des régions voisines (Ptéridophytes et Spermatophytes). Édition du Jardin botanique national de Belgique, 6ème éd., Meise, 1195 p.
- Rich T.C.G. & Jermy A.C., 1998. Plant crib 1998. Botanical society of the British Isles, London, 392 p.
- Tison J.-M. & de Foucault B. (coords), 2014. Flora Gallica. Flore de France. Biotope, Mèze, XX + 1196 p.
- Vuillemenot M., Ferrez Y., André M., Gillet F., Hendoux F., Mouly A., Thiery F., Tison J.-M. & Vadam J.-C. 2016. Liste hiérarchisée des espèces végétales exotiques envahissantes et potentiellement envahissantes en Franche-Comté et préconisations d’actions. Conservatoire botanique national de Franche-Comté – Observatoire régional des Invertébrés, 32 p. + annexes.