Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Signalement de la luciole Photinus signaticollis dans les Pyrénées-orientales

Observée pour la première fois en France durant l’été 2020 par une habitante du village de Maureillas-las-Illas dans le sud du département des Pyrénées-orientales, cette espèce de luciole est originaire d’Amérique du sud (Uruguay et Argentine). Intriguée par la lumière émise, l’habitante a contacté l’Observatoire des Vers luisants et des Lucioles (OVL) permettant ainsi l’identification rapide de Photinus signaticollis (Blanchard, 1846). Les premiers signalements européens ont été émis dans la région de Gérone (Catalogne, Espagne) probablement dès 2016.

Suite à de premiers signalements en 2018 dans la péninsule Ibérique , l’espèce avait été déterminée et nommée en première instance Photinus immigrans (Zaragoza-Caballero et Vinolas, 2018). Des recherches complémentaires ont depuis permis de déterminer qu’il s’agit en réalité de l’espèce Photinus signaticollis, originaire d’Uruguay et d’Argentine. Trois programmes de sciences participatives ont été mobilisés, y compris  sur le territoire français en 2020 (Koken et al., 2022) afin de suivre son évolution.

La vitesse d’expansion de Photinus est d’environ 10 km/an. On la retrouve maintenant dans toute la partie sud-est des Pyrénées-Orientales, de la frontière espagnole jusqu’au sud de Perpignan.

Présentation de l’espèce

Le “lampyre” à corselet marqué, Photinus signaticollis (Coleoptera) est un insecte de la famille des Lampyridae, également appelés vers luisants ou lucioles, originaire d’Uruguay et d’Argentine.  Étroit et allongé, pourvu d’antennes noires, son corps d’environ 1,5 cm de long est de couleur gris brunâtre assez clair.

Stades de vie de Photinus signaticollis. (A–D) Femelle adulte (France), dorsale : (A) et vue ventrale (B); mâle adulte (France), vue dorsale (C) et ventrale (D).  (E) Larve (Argentine, crédits photo L.E.R.). (F) Larve (panneau de gauche), et la femelle sortie (panneau du milieu et de droite). (G) Pupes (Espagne) (gauche-mâle ; droite-femelle). Les flèches indiquent les lanternes ; les pointes de flèches montrent les vittae (issu de Koken et al., 2022)

Il se distingue des 12 espèces natives en France par des caractéristiques morphologiques propres : un prothorax pourvu d’une tâche centrale noire presque carrée, flanquée de deux lignes épaissies rosées puis de deux zones plus sombres. Les élytres ont une bordure claire. la partie centrale est brun foncé avec un ligne brun clair appelée vitta. Les femelles sont ailées et capables de voler, contrairement aux espèces natives. Les stades larvaires de cette espèces ne ressemblent en rien à ceux des espèces natives (fig.F).

Bioluminescent, l’insecte émet une lumière clignotante, de couleur jaune-orangée par réaction biochimique de l’enzyme luciférase oxydant une molécule appelée luciférine. La femelle est pourvu d’un unique segment lumineux sur sa face ventrale tandis que le mâle en est pourvu de deux. La bioluminescence est observée durant les vols, 30 minutes après le coucher du soleil. Ces clignotements pouvant être émis par les deux sexes servent à attirer les partenaires.

La période de bioluminescence a été observé entre juin et octobre chez P. signaticollis en Espagne et dans les Pyrénées-Orientales (Koken et al., 2022). Cette saison est beaucoup plus longue que celle des espèces natives ont généralement des saisons qui durent 3 à 4 semaines.

En Espagne et en France, il existe deux espèces de vers luisants natifs cette même famille (Photinini) : Phosphaenus hemipterus (Geoffroy in Fourcroy, 1785) et Phosphaenopterus metzneri (Schaufuss, 1870), tous deux aussi des prédateurs des vers de terre.

 

Origine et introduction Catalogne espagnole et française

Bien qu’il n’existe pas de preuve formelle de la voie d’introduction exacte de Photinus en Europe, l’hypothèse privilégiée par les chercheurs français serait un transport indirect et passif de larves ou de pupes dans la terre de plantes d’ornementation en provenance d’Amérique du Sud.

Chez les Lampyridae européens, la dispersion n’est possible qu’au stade larvaire car les femelles adultes ne volent pas et ont une courte durée de vie.

Au contraire, chez Photinus signaticollis, les ailes bien développées des spécimens observés en Espagne et en France suggèrent une capacité effective de vol et, de ce fait, une capacité de colonisation de nouveaux sites. Cependant, il semble que leur capacité de vol est différente entre début et fin de la saison de reproduction. En début de saison, les jeunes femelles portent leurs œufs et seraient trop lourdes pour de longs vols, alors qu’à la fin de la saison de ponte, allégées, elles pourraient ainsi coloniser de nouveaux territoires. La dispersion des femelles serait ainsi séquentielle, par analogie avec une autre espèce étudiée par Kaufmann en 1965, Luciola discicollis.

 

Habitats et écologie de l’espèce

En Argentine, on la retrouve notamment dans les prairies après la fauche et près des cultures intensives. Les observations de terrain rapportées dans l’étude de Koken et al. indiquent que les individus fréquentent principalement les habitats ouverts, tels que les champs de maïs et de luzernes, les prairies permanentes et les pelouses des jardins (Koken et al., 2022).

 

Quels impacts ?

La larve de P. signaticollis est un prédateur de vers oligochètes (vers de terre) tandis que les larves des espèces européennes se nourrissent plutôt d’escargots et de limaces. La présence de P. signaticollis pourrait donc avoir un impact délétère sur les populations locales de vers de terre. Le régime des lucioles adultes reste encore inconnu des scientifiques.

 

Mise en place de mesure(s) de contrôle

En France, bien qu’elle se soit assez rapidement répandue en l’espace d’une année, l’espèce reste encore relativement localisée dans le sud-est des Pyrénées-orientales. Sa capacité de dispersion d’environ 10 km/an est considérée comme moyenne. En comparaison, la Coccinelle asiatique Harmonia axyridis (Pallas, 1773) a un taux de dispersion estimé entre 100 et 5000 km/an (Brown et al., 2011).

À ce stade, des mesures de contrôle de ses populations pourraient être développées avant qu’elle ne colonise d’autres régions. Des travaux sont déjà en cours pour évaluer l’impact de cette nouvelle espèce sur la biodiversité et élucider l’origine des populations européennes, avec notamment la réalisation d’analyse ADN sur des spécimens capturés en France, en Espagne et en Argentine.

 

Signalements

Trois programmes de sciences participatives sont spécifiquement dédiés aux vers luisants, en France, en Espagne et en Catalogne. Vous pouvez y participer en signalant vos observations à l’Observatoire des Vers luisants et Lucioles.

Un formulaire en ligne a été mis à disposition pour faciliter le suivi de cette nouvelle venue : Accédez au formulaire

 

 

Rédaction : Coraline Jabouin, Office français de la Biodiversité

Relectures : Madeleine Freudenreich (Comité français de l’UICN), Alain Dutartre (expert indépendant) et Marcel Koken (Observatoire des Vers Luisants)

Version mise à jour le 13/05/2022

 

Références :

  • Brown, P.M., Thomas, C.E., Lombaert, E., Jeffries, D.L., Estoup, A. & Handley, L.J.L. (2011). The global spread of Harmonia axyridis (Coleoptera: Coccinellidae): Distribution, dispersal and routes of invasion. BioControl, 56, 623–641
  • Koken, M., Guzmán-Álvarez, J. R., Gil-Tapetado, D., Romo Bedate, M. A., Laurent, G., Rubio, L. E., … & Cock, R. D. (2022). Quick Spreading of Populations of an Exotic Firefly throughout Spain and Their Recent Arrival in the French Pyrenees. Insects, 13(2), 148. https://www.mdpi.com/2075-4450/13/2/148/htm
  • Zaragoza-Caballero, S., & Viñolas, A. (2018). Photinus immigrans sp. nov.(Coleoptera: Lampyridae: Photinini): Primer registro del género Photinus en Cataluña, España. Revista gaditana de Entomología, 9(1), 273-286.

 

Illustration de couverture © Photinus signaticollis, Lucas Rubio – CC BY 4.0, Wikimedia