Le réseau internet est utilisé pour toutes sortes d’échanges commerciaux, et les espèces exotiques envahissantes ne font pas exception. Au Royaume-Uni, les sites marchands ebay et Amazon ont récemment transgressé la loi en proposant à la vente des espèces interdites de commercialisation. En effet, le « Wildlife and country side Act » de 1981 interdit le commerce de sept espèces végétales exotiques envahissantes en Angleterre : trois espèces de jussie (L. peploides, L. grandiflora et L. uruguyaensis), l’Hydrocotyle fausse-renoncule (Hydrocotyle ranunculoides), le Myriophylle du Brésil (Myriophyllum aquaticum), la Crassule de Helms (Crassula helmsii) et l’Azolle fausse fougère (Azolla filiculoides). La vente illégale de ces plantes peut conduire à une amende de 5 000 livres ou 6 mois d’emprisonnement.
Cette réglementation peut s’appliquer efficacement sur les filières commerciales « officielles », avec des vendeurs bien identifiés comme les horticulteurs et les jardineries. En revanche, elle a des impacts très limités sur les ventes réalisées directement par des particuliers. Ainsi, en mai 2016, ebay proposait à la vente des plants d’Hydrocotyle fausse-renoncule, d’Azolle fausse-fougère et de Myriophylle du Brésil. Les vendeurs étaient originaires de Lituanie, Australie, Pologne, Allemagne mais aussi de Grande-Bretagne. Après avoir été informé de la réglementation en vigueur, Amazon a retiré les offres de son site internet, mais celles sur ebay sont restées en ligne. Le Département de l’alimentation et des affaires rurales du Royaume-Uni (DEFRA) a confirmé que la vente de ces espèces était condamnable, mais n’a pas pu préciser si des poursuites judiciaires seraient engagées.
Le problème ne se limite malheureusement pas au Royaume-Uni ou à ebay et Amazon. Dans un article récent, des chercheurs de L’École polytechnique fédérale de Zurich ont recensé plus de 500 plantes exotiques envahissantes vendues à l’échelle mondiale par dix des principaux sites de vente en ligne, dont ebay : ils estiment que le contrôle de ces activités est impossible pour les autorités, malgré la mise en place de règlementations, de mesures de biosécurité et de contrôles aux frontières (“our results indicate that biosecurity is not effectively regulating online plant trade“). Un autre exemple concernant la faune indique qu’aux Etats-Unis, plus de 15 000 personnes et 4 000 commerces vendent des reptiles en ligne. Ce nombre serait encore plus important pour les poissons et les mollusques.
En France, la problématique est la même sur les sites de vente entre particuliers. Il est ainsi encore possible aujourd’hui de trouver très facilement en vente de la jussie dans des lots de plantes pour bassin d’ornement (https://www.leboncoin.fr/jardinage/814114207.htm?ca=12_s). Dans cette annonce, la jussie est présentée comme « très prolifique, donc gourmande en nitrates, parfaite pour fleurir rapidement le plan d’eau ». Les particuliers proposant ces espèces à la vente ne sont certainement pas informés de la règlementation et des risques que présente l’introduction de ces espèces dans le milieu naturel. L’Office national de la chasse et de la faune sauvage réalise une veille régulière sur le commerce illégal d’espèces sur internet mais une campagne d’information et de sensibilisation auprès de ces enseignes et des particuliers viendrait renforcer ces actions et permettrait le développement d’une approche préventive plutôt que répressive.
Le commerce en ligne est en pleine croissance et devrait doubler au niveau mondial entre 2013 et 2018. Des spécialistes de la Convention sur la Diversité Biologique se sont réunis à Montréal au mois de mai pour discuter de cette problématique. Interdire la commercialisation des espèces exotiques envahissantes à l’échelle internationale restera toutefois très complexe, car les espèces ne présentent pas de caractère invasif dans toutes les régions du monde et l’Organisation mondiale du Commerce reste difficile à convaincre dans un contexte de libre-échange. Un premier levier serait de responsabiliser les sites de vente en ligne, qui pourraient rappeler la réglementation en vigueur et supprimer les profils des vendeurs ne la respectant pas. Cette coopération et ces engagements nécessitent d’être accompagnés d’actions de sensibilisation et d’information du grand public qui restent encore très rares actuellement.
Enfin, le règlement européen sur la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes va imposer aux États membres des interdictions de commercialisation, d’échange et de détention pour les espèces qui seront inscrites sur la liste d’espèces prioritaires pour l’Union. Sa mise en œuvre et son application sont une opportunité à saisir pour sensibiliser les professionnels et les particuliers sur les risques posés par le commerce des espèces exotiques envahissantes.
En savoir plus :
- Lire l’article original publié dans « The Guardian » : http://www.theguardian.com/environment/2016/may/06/amazon-and-ebay-hosting-ads-for-banned-invasive-species
Humair F., Humair L., Kuhn F., Kueffer C., 2015. E-commerce trade in invasive plants. Conservation Biology, Volume 29, No. 6, 1658–1665.