Assises nationales “Plantes Exotiques Envahissantes” 2024 : des solutions à long terme

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Mardi 6 février 2024, un webinaire sous-titré “Maîtriser la prolifération des plantes aquatiques exotiques envahissantes aquatiques a été organisé par Voies navigables de France (VNF) et l’Office français de la biodiversité (OFB). Présentant les difficultés de la gestion des plantes aquatiques exotiques envahissantes dans le réseau de canaux géré par VNF, ces deuxièmes “Assises”, après celles organisées le 31 janvier 2022, sont disponibles en replay. Les différentes présentations ayant servi de supports aux échanges sont également disponibles en ligne.

La matinée de webinaire a comporté cinq séquences successives, dont une présentant des retours d’expériences.

N.B. : les illustrations sont extraites des présentations du webinaire mise à disposition en ligne.

 

 

Lors de la séquence introductive, Anne DEBAR, Directrice générale déléguée de VNF a présenté le contexte très particulier des difficultés de gestion de plantes aquatiques exotiques envahissantes rencontrées par VNF et Loïc OBLED, Directeur général délégué de l’OFB, a brossé un panorama global des engagements de l’OFB sur cette problématique des invasions biologiques. Marie-Laure METAYER, directrice adjoint de la Direction de l’eau et de la biodiversité du MTE, est également intervenue pour apporter des informations sur les objectifs de la Stratégie Nationale EEE et de la Stratégie Nationale de la Biodiversité 2030, et sur les possibilités de financement d’actions de gestion dans le cadre du Fonds vert.

Intitulée “La prolifération de plantes exotiques envahissantes sur les voies d’eau : état des lieux et avancées“, la deuxième séquence a porté presque exclusivement sur le Myriophylle hétérophylle (Myriophyllum heterophyllum) qui est l’espèce qui pose depuis plusieurs années des difficultés croissantes sur les canaux gérés par VNF.

 

Virginie MAIREY POTIER, Directrice de l’infrastructure de l’eau et de l’environnement de VNF, a présenté les caractéristiques de l’espèce et a donné des indications sur les linéaires qu’elle colonise, avec une progression de 25 % depuis 2020 pour un linéaire en 2023 de 800 km. Elle a également exposé les techniques de gestion déjà mises en place pour gérer l’espèce et les expérimentations mises en place depuis trois ans (tests de matériels et de techniques) en indiquant les besoins financiers en forte progression pour assurer une réalisation efficace de cette gestion, avec un budget 2023 de l’ordre de 3,5 millions d’euro.

 

Marie-Line DUPARC, maire de Saint-Jean-de-Losne (Côte d’Or), a ensuite donné des informations sur les expérimentations mises en place par VNF depuis deux ans dans le port de plaisance de la commune. Ce port fluvial très important était fortement colonisé. Il a servi de site expérimental pour tester différentes possibilités de gestion de la plante, associant des techniques déjà connues et appliquées régulièrement, telles que faucardage et récolte, et d’autres, moins traditionnelles comme des rideaux de bulle, de l’aération, un traitement bactérien devant agir sur les sédiments et l’application de colorant. Elle a aussi rappelé l’engagement des différents partenaires dans la mise en place de cette démarche collective. Elle a enfin indiqué que les résultats obtenus par ces expérimentations lui paraissaient satisfaisants, en particulier avec une très forte réduction des volumes de déchets de plante évacués du port (150 m3 en 2023 contre 450 en 2022), et que l’activité du port avait pu reprendre.

Des retours d’expériences

Une séquence d’une heure et demi a ensuite été consacrée à la présentation de 6 exemples d’actions mises en place, cinq portant sur la gestion de M. heterophyllum et un sur celle de la Jussie. Ces exemples comportaient chacun environ 10 minutes d’exposé suivies de 5 minutes d’échanges.

 

1 – Détection précoce et intervention rapide pour limiter la propagation du Myriophylle hétérophylle

Le premier d’entre eux portait sur les méthodes de détection précoce et d’intervention rapide pouvant permettre d’agir efficacement sur l’extension des colonisations. Présenté par Martin MANIGOLD de VNF, l’exemple se référait à une observation durant l’été 2021 d’un fragment flottant de cette espèce retrouvé à proximité d’une écluse du Canal du Rhône au Rhin entre Mulhouse et Belfort. Cette identification a été suivie d’une intervention d’arrachage manuel en février 2022 sur 600 m de linéaire du bief présentant un début de colonisation par M. heterophyllum. Des passages ultérieurs réguliers ont à chaque fois permis de retirer un ou deux nouveaux pieds, sans que l’espèce ne développe une colonisation pouvant générer des nuisances dans le bief obligeant à une intervention mécanique de plus grande envergure. En notant qu’il s’agissait bien sûr d’un cas particulier, Martin MANIGOLD a rappelé l’importance des efforts de détection des plantes mis en place au sein de VNF pour mieux prévenir les colonisations. Rappelons qu’une “FICHE REFLEXE” présentant un “Protocole d’identification des plantes aquatiques sur le réseau VNF” a été mise au point et distribuée au personnel courant 2021 pour faciliter les déterminations des espèces présentes dans ce réseau.

 

2 – Réduire la dispersion des plantes aquatiques et faciliter le ramassage par l’association de deux techniques

Le deuxième exemple a présenté une expérimentation réalisée par l’emploi conjoint de deux techniques permettant de diminuer la dispersion des fragments flottants de M. heterophyllum et d’en faciliter le ramassage pour réduire la pénibilité des travaux pour les agents. Organisée à l’amont d’une écluse du canal du Rhône au Rhin sur la commune de Deluz (Doubs), cette expérimentation supervisée par Hugo TEMPLE de VNF a comporté la mise en place d’une barrière de bulleurs à l’entrée de l’écluse, créant un tourbillon de surface empêchant le passage des fragments de tiges de plantes dans cette écluse, et le balayage de surface de la zone proche de l’écluse pour les récupérer avec un engin amphibie. L’engin porte-outils utilisé était équipé d’une tête d’aspiration reliée à une remorque installée sur la berge par un tuyau flottant pour évacuer ces fragments. Il s’agissait de tester à la fois la limitation effective de la dispersion des fragments flottants et la facilité de leur récolte. Cette première expérimentation a permis de constater l’efficacité de la barrière de bulle et de l’aspiration des fragments flottants et devrait être suivie d’adaptations et/ou de mises au point ultérieures.

 

3 – S’associer pour lutter contre la Jussie

Consacré à la gestion de la Jussie engagée depuis une dizaine d’années sur une partie du cours de la Saône dans le département de la Haute-Saône, cet exemple a été présenté par Guillaume BLONDEL GABORIEAU de l’EPTB Saône et Doubs. Après une première observation de l’espèce en 2009 suivie d’une intervention d’enlèvement localisée, une concertation mise en place en 2010 avec les différentes parties prenantes concernées par les risques et les enjeux de cette colonisation a débouché sur l’élaboration d’un contrat dans le cadre Natura 2000 permettant un financement ultérieur des interventions prévues. Ces interventions ont comporté des prospections des rives pour identifier les zones concernées, des arrachages manuels réguliers accompagnés de pose de filet pour réduire la dispersion des fragments de plante sur les sites colonisés et des évacuations des plantes extraites pour compostage en zones non inondables. Le premier contrat Natura 2000 a été suivi de deux autres assurant la continuité des financements nécessaires. Les quantités de plantes annuellement extraites se sont fortement réduites mais cette gestion rencontre encore quelques difficultés à résoudre, sur des questions telles que les possibilités d’interventions sur des terrains privés ou son extension à d’autres territoires proches dans des contextes administratifs ou règlementaires différents.

 

4 – Lutte contre le développement du Myriophylle hétérophylle à l’aide d’un colorant

Parmi les interventions et expérimentations de gestion de M. heterophyllum engagées par le Conseil Départemental de la Somme depuis 2011 se trouve un recours récent à l’application d’un colorant bleu devant réduire la quantité de lumière transmise dans l’eau de manière à limiter la croissance de la plante. Gautier DESENCLOS du Conseil Départemental de la Somme a rappelé les enjeux hydrauliques, écologiques et touristiques de ces interventions qui comportent depuis cette époque des extractions mécaniques des plantes, en particulier par faucardage et hersage des fonds, sur des superficies cumulées dépassant 300 ha. Des informations sur les travaux engagés de 2011 à 2017 sont d’ailleurs rassemblées dans un retour d’expérience disponible sur le site du CDR EEE. Le “bleu marine E133“, composé chimique de synthèse, est un colorant alimentaire utilisé dans de nombreux aliments transformés. Ses applications ont débuté en 2021, tout d’abord dans une zone test de 2 km de longueur, puis poursuivies en 2022 et 2023 dans un bief de 14 km. Des réductions de croissance des plantes ont été notées mais la réalisation d’autres interventions dans le même site, dont des faucardages (un en 2021 et en 2023, deux en 2022), ne permettent pas d’évaluation précise de l’efficacité de l’utilisation de ce colorant.

 

5 – Passer d’une gestion ponctuelle curative à un plan de gestion préventif

Dans sa présentation de la démarche en cours d’évolution de la programmation de la gestion de M. heterophyllum vers un plan de gestion préventif, Cécile PESTELARD de VNF a commencé par des rappels sur l’historique des interventions sur les plantes aquatiques destinées à maintenir la navigation fluviale dans le réseau. Ces interventions étaient la conséquence d’une programmation d’actions curatives en réaction à de fort développements estivaux de plantes dans certains sites. En se référant à des résultats de recherches en cours sur l’écologie de l’espèce, elle a ensuite rappelé que M. heterophyllum ne montrait pas une forte régression hivernale de biomasse similaire à celles des autres plantes aquatiques observées. En conservant une importante présence durant toute l’année dans les milieux qu’elle colonise, cette particularité lui offre une forte capacité de repousse printanière rapide et une magnification de son impact négatif sur les autres plantes. En intégrant cette spécificité, une programmation d’interventions d’enlèvement de M. heterophyllum en période hivernale (octobre à janvier) a débuté en 2020. Par cette organisation des travaux en décalage important avec le passé, elle rencontre encore des contraintes portant à la fois sur des questions de programmation budgétaire annuelle et d’organisation concrète des interventions, autant en interne VNF que dans les relations avec les prestataires extérieurs, mais les résultats encourageants déjà obtenus devraient conduire à mener cette démarche à son terme.

 

6 – Développer une filière de co-compostage

Ainsi que l’a présenté Benjamin COUTURIER de la société INOVAL / PROBUL, le développement d’une filière de co-compostage des déchets verts issus de la gestion de M. heterophyllum est une des pistes envisageables de valorisation de cette biomasse. Après avoir rappelé ce qu’est le co-compostage à la ferme utilisant les divers types de déchets végétaux disponibles, il a fourni diverses précisions sur les conditions de réalisation de cette technique selon les types de plantes aquatiques, l’absence de production de graines viables par M. heterophyllum étant une facilitation de mise en œuvre. Transformer les déchets de l’espèce en ressource utilisable tout en réduisant leur transport par des traitements proches des canaux gérés est un des principaux intérêts de cette démarche de valorisation à établir dans le contexte de la gestion mise en place par VNF. En indiquant que les expérimentations locales réalisées depuis deux ans avaient donné des résultats encourageants, il a conclu en listant les clés nécessaires pour la structuration et le financement d’une telle filière, s’appuyant sur une sensibilisation et une coordination des acteurs concernés, en particulier au sein du monde agricole, et ce à diverses échelles administratives.

 

Une table ronde pour aller plus loin ensemble

L’animateur du webinaire rappelle les objectifs de cette table ronde, “donner de la perspective à cette action” pour “tenter de contraindre ces espèces exotiques envahissantes“, “voir ensemble les conditions pour changer d’échelle“, pour “préserver, s’associer, valoriser et industrialiser les solutions“.

Les personnes successivement présentes dans cette table ronde ont été d’abord Sylvie VARRAY, Chargée de mission EEE au sein de la Fédération Nationale des CEN et Jean-Pierre HARRY, Directeur Support des Opérations, Projets & Expertises, Suez Recyclage et Valorisation, puis Patrice PERROT, député de la Nièvre et rapporteur de la Mission de l’Assemblée Nationale sur les EEE en 2021, et Marie-Line DUPARC, maire de Saint-Jean-de-Losne. Enfin, Hubert DE JENLIS, Vice-Président du Conseil Départemental de la Somme, a participé en liaison vidéo.

Après une présentation sur les objectifs et les actions du réseau national des CEN (Conservatoires d’Espaces Naturels), Sylvie VARRAY a rappelé la mission donnée à ce réseau depuis 2019 par le Ministère chargé de l’écologie pour organiser et structurer les déclinaisons régionales de la Stratégie Nationale sur les EEE, en indiquant que les disparités historiques de fonctionnement des réseaux régionaux étaient en bonne voie d’évolution.

Elle a ensuite présenté comme exemple très positif d’action de gestion des EEE à l’échelle régionale, la mise en place depuis 2016 d’une “brigade d’intervention précoce” sur les EEE par le CEN de Basse-Normandie, permettant détections et interventions rapides sur des colonisations de plantes exotiques nouvellement arrivées (espèces “émergentes”) pour éviter leur dispersion ultérieure (une arme fatale ? selon l’animateur du webinaire). Comportant également des efforts de sensibilisation des organisations et publics concernés, ces interventions ont déjà permis d’intervenir sur sept espèces différentes de plantes exotiques envahissantes. A l’heure actuelle, deux brigades sont en action en région Normandie et montrent l’intérêt de ce mode d’organisation pour intervenir dès l’arrivée d’espèces, permettant ainsi d’empêcher de nouvelles colonisations.

Elle a enfin indiqué l’appui que pouvait apporter CEN et FCEN pour accompagner les démarches d’identification d’espèces et de programmation d’interventions en rappelant l’importance de réflexions et d’organisations de la gestion de ces espèces aquatiques à l’échelle des bassins hydrographiques.

Jean-Pierre HARRY (Suez Recyclage et Valorisation) a listé les objectifs et les techniques de son entreprise de valorisation des déchets organiques de différentes natures pour produire de l’énergie, des matières fertilisantes, voire contribuer à du captage de CO2 par méthanisation, compostage et épandage. Il a ensuite présenté la plateforme de recherche et d’innovation de SUEZ permettant les études, analyses et expérimentations permettant le développement des ces procédés de valorisation. Les conditions de mise en œuvre opérationnelle de ces procédés comportent une sélection des matières à traiter, une évaluation correcte du gisement à collecter et les conditions de cette collecte, débouchant sur un choix de la voie de valorisation la plus appropriée dans le contexte examiné et intégrant la traçabilité de l’ensemble du processus et l’évaluation de l’intérêt pour le retour au sol de la matière fertilisante produite.

En ce qui concerne les plantes aquatiques, il a signalé que des travaux avaient déjà été réalisés sur du compostage de Jussies, d’Elodées et de Renouées asiatiques, avec des retours d’expériences plutôt positifs, et que, si des tests avaient déjà été réalisés sur Myriophyllum heterophyllum, aucune approche de compostage industriel n’avait été mise en place. Il a attiré l’attention sur la nécessité d’hygiéniser le compost par des températures élevées permettant de détruite toute capacité de développement ultérieur des plantes traitées. Des tests de germination sur le compost produit permettent de s’assurer du succès du traitement. Il a enfin insisté sur la planification indispensable de l’organisation du compostage ou du co-compostage, en particulier sur les apports successifs et le stockage éventuel des matières organiques pour en optimiser le fonctionnement.

En liaison vidéo, Hubert DE JENLIS (CD de la Somme) est intervenu pour présenter l’historique des interventions de gestion de M. heterophyllum réalisées par le département depuis 13 ans avec des dépenses cumulées de 3 millions d’euro. Rappelant l’ampleur de travaux de faucardage et d’hersage qu’il juge traumatisants ou polluants pour le milieu naturel, il fait état d’une recherche de modes d’intervention plus doux (Cf. l’exemple N° 4 présenté un peu plus tôt par Gautier DESENCLOS) et cite en particulier le recours au colorant bleu et les tests de stress hydrauliques de la plante. Il est satisfait de la prise de conscience nationale en cours sur ces questions de gestion et des aides financières possibles pour les travaux à engager mais estime que la réflexion est à faire évoluer à l’échelle européenne et que, compte tenu des enjeux considérables de cette gestion des EEE, la mise en place d’un pilotage opérationnel national est nécessaire.

L’importance nationale du sujet est tout à fait évidente pour Patrice PERROT qui rappelle les propositions figurant dans le rapport de la mission de 2021 sur les EEE, comportant à la fois des éléments d’organisation à mettre en place, comme celles de référents de bassins assurant la coordination des actions, et la mise en place d’une enveloppe financière dédiée permettant des interventions immédiates. Il s’agit de changer d’échelle, de mieux anticiper pour préserver les espaces non soumis à ces colonisations et de prêter attention au changement climatique, développer une capacité d’anticipation et de rechercher des moyens pour intervenir…

Marie-Line DUPARC indique avoir suivi avec intérêt les travaux réalisés dans le département de la Somme et considère que l’évolution actuelle est dans une bonne démarche de rassemblement des actions. Elle précise être dans une démarche de mise en réseau des territoires avec un projet de création d’une Association des communes navigables de France pour soutenir les filières fluviales (une Assemblée constitutive de cette association est prévue le 6 avril 2024) pour fédérer les territoires qui agissent et protéger ceux qui ne sont pas encore touchés.

Patrice PERROT note son intérêt pour ce projet d’association pour contribuer à l’information sur la plante et son extension croissante, un outil important à valoriser. La mobilisation des acteurs sur l’ensemble des territoires, comme par exemple les pêcheurs, pour une prise de conscience citoyenne est à développer pour structurer un réseau d’alerte.

Hubert de DE JENLIS interroge Marie-Line DUPARC sur son projet d’association et la participation d’autres collectivités publiques que les communes pouvant y apporter leur contribution. Elle indique avoir déjà fédéré des communes et des métropoles sur ce projet et qu’un travail en cours avec un bureau provisoire pour en préciser la finalité reste ouvert à des propositions. Ensuite, en évoquant les travaux engagés par le département de la Somme, elle ajoute à propos des retours d’expériences que l’utilisation du colorant lui semble être un outil intéressant, sortant des autres actions qui ont été menées.

Hubert DE JENLIS remercie Patrice PERROT des propositions émanant du rapport de mission en rappelant les capacités d’action des territoires permettant d’agir rapidement et indique son accord sur ce projet d’association de collectivités locales. En revenant sur les interventions de gestion et la recherche de modes doux, il précise, par exemple, qu’avec de fortes augmentations de coûts sur le faucardage, en 2023 23 ha ont été traités pour un montant de 283 000 €. Il note l’intérêt des échanges d’expérience sur des modes de gestion doux sur lesquels des informations ne sont pas toujours disponibles. Il cite ensuite le coût annuel de 20 000 € d’utilisation du colorant par le département, en indiquant que l’application de ce produit a permis une baisse de croissance de la plante de 45 cm évitant ainsi une des deux interventions de faucardage prévues.

En estimant que certaines actions locales ont ainsi été mises en place sans attendre une stratégie nationale, il a rappelé la forte implication du département de la Somme et de son personnel engagé dans la gestion de cette espèce. Tout en relevant la disponibilité de divers financements pour ces interventions, y compris au niveau européen, il a regretté que le Fonds vert soit actuellement la seule mesure présente dans la stratégie nationale de la biodiversité pour accéder à des financements complémentaires, trop peu compte tenu des enjeux colossaux de cette gestion.

Après un constat de l’intérêt d’intégration et de comparaison des informations obtenues sur les résultats des différents retours d’expérience, Patrice PERROT est revenu sur l’amélioration de l’organisation des modes de financement des interventions. Le chemin important parcouru depuis 4 ans, démontrant l’intérêt de ces assises, doit être poursuivi de manière beaucoup plus collective, en continuant de travailler sur les aspects recherche et développement de filières.

A une question de l’animateur du webinaire sur les aspects de communication vers le grand public, Marie-Line DUPARC indique avoir alerté VNF sur les besoins de communication à l’échelle locale sur les expérimentations en cours. Elle évoque ensuite l’importance de la mise en réseau national projetée pour que les élus concernés puissent communiquer ensemble sur ce sujet, y compris vers les instances nationales, afin d’être mieux accompagnés.

 

Conclusion

Anne DEBAR a adressé ses remerciements aux animateurs et aux personnes ayant participé à l’organisation de ces assises. Si VNF est en première ligne de ce combat, l’organisme n’est pas seul et se sent soutenu. Les résultats sont déjà importants mais il reste beaucoup à faire, avec toutes les bonnes volontés bienvenues. Le rôle d’opérateur national de VNF dans le cadre de la transition écologique se décline dans les territoires avec des besoins d’amélioration de son organisation nationale qui se territorialise en partageant mieux connaissances et expériences et en s’appuyant sur tous les partenariats établis, publics ou privés.

Dans un constat similaire, Loïc OBLED note une profusion d’idées et d’initiatives nécessitant de réussir les allers et retours entre les initiatives territoriales, les échanges de bonnes pratiques et les avancées de la science pour mettre en branle quelque chose de cohérent et arrêter de tâtonner. Il lui paraît que les premières Assises de 2022 ont porté leur fruit, les présentes Assises transformant l’essai.

Pour le cadrage à venir de l’action, pour capitaliser ce qui a été entrepris, il indique qu’un plan d’action doit être établi (et L’OFB y prendra sa part pour épauler VNF) pour crédibiliser les actions afin de rassurer les co-financeurs potentiels sur un projet global, efficace et évalué, portant sur la recherche, les nouvelles technologies, la surveillance, les bonnes pratiques de gestion, la sensibilisation et la mobilisation du public : un plan d’action stratégique et concret précisant les contributions de chacun des acteurs.

Anne DEBAR est pleinement en accord avec ce projet de plan d’action devant porter un programme central de politique publique dans le cadre de la Stratégie Nationale de la Biodiversité et un sujet de transition écologique nécessitant une planification à décliner selon les territoires.

Autres informations disponibles depuis le site de VNF

Un dossier de presse de 19 pages en date de février 2024 intitulé “Plantes exotiques envahissantes aquatiques : L’urgence de maîtriser leur prolifération sur les voies navigables” comporte divers éléments d’informations :

  • un communiqué de synthèse
  • 3 questions à” Loïc Obled, Directeur général délégué de l’OFB
  • 3 questions à” Anne Debar, Directrice générale déléguée de VNF
  • un texte présentant la situation à laquelle se trouve confronté VNF avec les colonisations végétales en cours, la mise en place d’actions préventives et d’une stratégie de gestion de Myriophyllum heterophyllum
  • un texte présentant les actions de l’OFB en matière d’espèces exotiques envahissantes, rappelant la dimension européenne du phénomène, la stratégie nationale mise en place sur ces espèces avec un plan d’action pour la renforcer et la publication de la stratégie nationale biodiversité à l’horizon 2030. Un encart est consacré au Centre de Ressources sur les Espèces Exotiques Envahissantes.
  • un texte présentant le développement d’expérimentations et de partenariats pour mettre en place des “solutions pérennes” de gestion, comportant des informations sur des test de l’efficacité du faucardage hivernal sur le Canal de Bourgogne et les expérimentations mises en place dans le port de Saint-Jean-de-Losne.

D’autres pages du site de VNF donnent également accès à des informations sur des travaux en cours, comme par exemple la mise en place en 2023 d’interventions de gestion dans le nord du bassin Rhône Saône sur deux espèces, les jussies (arrachages) et l’érable négundo (écorçage).

 

Commentaires

Avec une participation, à notre connaissance, d’environ 300 personnes, ces deuxièmes Assises nous semblent avoir très bien joué leur rôle d’alerte sur la problématique des espèces exotiques envahissantes et des enjeux de leur gestion à l’échelle nationale.

Les échanges entre personnes représentantes de VNF et de l’OFB ont montré l’indispensable convergence des efforts à mettre en œuvre pour organiser et financer les nécessaires interventions destinées à réduire les nuisances et dommages créés par ces espèces. Les éléments apportés par les personnes présentes lors de l’état des lieux et de la table ronde vers la fin du webinaire sont venus compléter les réflexions en apportant à la fois des éléments très concrets et des propositions alimentant le panorama général de cette très vaste entreprise de gestion. Les six exemples de retours d’expérience ont également illustré la dynamique d’expérimentation et de réflexion déjà mise en œuvre pour améliorer les pratiques. Enfin, la mise à disposition en ligne en replay de l’ensemble des échanges et des présentations peut permettre à toute personne intéressée à y accéder pour mieux appréhender l’ensemble de la situation présentée et les actions en cours.

Si ces Assises ont été intitulées “Plantes Exotiques Envahissantes”, la quasi-totalité des échanges et des présentations a porté sur Myriophyllum heterophyllum, espèce devenue, par son extension extrêmement rapide depuis quelques années dans une partie croissante du réseau fluvial, tout à fait prioritaire pour VNF. Lors des échanges de ce webinaire, d’autres espèces ont également été citées, comme les Elodées, et la Jussie a fait l’objet d’une présentation d’un retour d’expérience. M. heterophyllum est cependant sans conteste la plante aquatique actuellement la plus problématique dans le réseau fluvial en métropole et sa dynamique d’expansion semble devoir se poursuivre, il est donc tout à fait cohérent qu’une attention particulière et adaptée à l’ampleur de cette dynamique soit accordée à sa gestion pour réduire les difficultés qu’elle cause. D’autres espèces aquatiques exotiques envahissantes ont déjà fait l’objet d’interventions de gestion par VNF comme les Elodées ou Egéria (Egeria densa).

Sur la page internet de VNF “Tout savoir sur les plantes invasives“, le quiz comportant 21 questions-réponses sur le Myriophylle hétérophylle a été à quelques reprises utilisé par l’animateur du webinaire pour examiner avec les personnes présentes les informations “grand public” mises ici à disposition sur cette espèce “particulièrement problématique“.

Enfin, des recherches sur l’écologie de l’espèce sont actuellement menées dans le cadre d’une thèse de l’Université de Lorraine au financement assuré pour une moitié par l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse et pour l’autre par VNF et le Conseil Départemental de la Somme. Ces recherches ont été citées à diverses reprises lors des échanges en indiquant que les analyses étaient en cours et que leurs résultats seraient prochainement disponibles. Comme une partie notable de ces investigations de recherche est en lien direct avec les expérimentations mises en place dans le département de la Somme et dans le port de Saint-Jean-de-Losne, les résultats de ces travaux devraient permettre de mieux en évaluer l’efficacité.

Sur ce point, ainsi que l’a par exemple signalé Gautier DESCENCLOS dans le retour d’expérience sur l’utilisation du colorant, le fait que d’autres interventions aient eu lieu dans le même site ne permet pas d’évaluation précise de l’efficacité de cette technique particulière. Il pourrait en être de même dans le cas des expérimentations mises en place dans le port de Saint-Jean-de-Losne. En effet, dans ce site d’un peu plus de 8 ha en eau, diverses techniques ont été testées. Même si le résultat “intégré” de leurs applications est jugé satisfaisant par Marie-Line DUPARC par la forte diminution de la quantité de plantes extraites du site, il se pourrait qu’une évaluation de leur efficacité respective soit difficile à faire et rende donc complexe le déploiement dans d’autres sites ou situations de ces différentes techniques.

 

Rédaction : Alain Dutartre (expert indépendant),
Relectures : Camille Bernery (Comité français de l’UICN),
Julie COUSEIN (VNF), Élisabeth Maria Gross, Hélène Groffier (Université de Lorraine)

 

Crédit de la photo en bandeau : VNF – Victor Tonelli – Opération de faucardage de plantes envahissantes dans la Somme.

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