Plus connu sous le nom erroné de Rossignol du Japon, cet oiseau d’origine asiatique appartient à la famille des Leiothrichidae (une famille de passereaux). Ce n’est toutefois pas un hasard si on en fait un rossignol : cette espèce est capable de différents chants, dont certains puissants et modulés, notamment le chant du mâle qui peut permettre de le repérer à grande distance. Ce petit oiseau de 15 cm d’envergure et de 21 à 25 g a un autre important atout vis-à-vis du grand public : il est très coloré ce qui le rend sujet de nombreuses prises de vues parmi les ornithologues et plus largement par le grand public. Le régime alimentaire de cette espèce forestière est principalement insectivore mais elle consomme également d’autres invertébrés et des fruits. Son aire de répartition naturelle est limitée à l’Himalaya, au sud-est de la Chine et aux territoires proches. Elle a été introduite comme oiseau de cage à Hawaii, à la Réunion, au Japon et se trouve également en Europe, en France métropolitaine, en Espagne, au Portugal, en Allemagne et en Italie.
En métropole
Selon la note de Clergeau (2003), des individus probablement échappés d’élevages ont été régulièrement observés dans la nature sur le territoire et la reproduction de l’espèce avait été constatée à plusieurs reprises dans les années 1990 dans les Yvelines. Malgré la difficulté à quantifier le nombre exact d’oiseaux présents dans la nature (le fait qu’il s’agit d’une espèce forestière doit en effet la rendre plus difficile à observer), Dubois et Cugnasse évaluaient les effectifs en métropole à 5 000 individus en 2015.
Les populations les plus importantes se situaient autour de Pau en Pyrénées-Atlantiques. Ils signalaient l’existence de “noyaux périphériques”, notamment près de Lourdes, de Bordes et de Clarac (Hautes-Pyrénées) ainsi qu’en en Gironde (la carte actuelle de répartition de l’INPN signale également des observations de l’espèce dans une douzaine de mailles du département des Landes). Les observations sur cette espèce en Nouvelle-Aquitaine présentées sur le site https://www.faune-aquitaine.org/ dans le cadre de l’Atlas des Oiseaux Nicheurs sont localisées dans 27 mailles dont la plupart dans les Pyrénées-Atlantiques.
Les deux autres zones de métropole où sont observées ces oiseaux se situent en Île-de-France (Val-d’Oise (forêt de Montmorency et Vexin français) et dans les Yvelines, autour de Meulan) avec à peu près 200 individus, et dans les Alpes-Maritimes, dans la région de Nice, avec 140 à 160 individus.
Dubois et Cugnasse indiquaient que leur évaluation de nombre d’oiseaux est la même que celle de 2011 car les observateurs des Pyrénées-Atlantiques observaient “un maintien, voire une légère régression des zones de présence de l’espèce”. Ils notaient qu’une extension de l’aire de l’espèce était probable en Île-de-France, au moins dans le Val-d’Oise, que la population niçoise était en augmentation et qu’il ne semblait pas que de nouvelles régions aient été colonisées depuis la précédente enquête.
En Espagne
L’espèce est également présente en Espagne, aux deux extrémités des Pyrénées (Pays basque espagnol et Catalogne). Les populations de Léiothrix des Pyrénées-Atlantiques pourraient d’ailleurs être à l’origine de celle en cours d’installation en Gipuzkoa, une des trois provinces de la communauté autonome du Pays basque espagnol. Sanz-Azkue et ses collègues (2014) relatent leurs premières observations de cette espèce dans cette province en 2012, 2013 et 2014, dans des municipalités proches de la frontière française. Au Pays basque espagnol, une seule autre observation de l’espèce avait été faite en 2003 à Durango en Biscaye, un site plus éloigné de la France. Ces informations ont conduit les auteurs de l’article à conclure que ces oiseaux pouvaient avoir migré depuis les populations établies dans le sud de la France. Cet oiseau étant classé comme une espèce exotique envahissante en Espagne (http://invasiber.org), une attention particulière devrait être portée à l’évolution de ses populations dans la province.
A l’inverse, il est possible que la population de Catalogne atteigne les Pyrénées-Orientales dans quelques années (Herrando et al., 2010). Depuis sa première observation en 1992 en milieu naturel dans le parc de Collserola, proche de Barcelone, le Leiothrix s’est étendu aux zones forestières voisines. Cette population sauvage semblait dans une phase de croissance exponentielle (figure ci-dessous) et les auteurs signalent que, selon les modèles d’habitats qu’ils ont utilisés, la répartition de l’espèce pouvait devenir beaucoup plus importante en Catalogne (jusqu’à 36 fois plus !) et dans d’autres régions européennes dans un avenir proche.
Une espèce très adaptable
Le cas du Leiothrix semble particulièrement intéressant d’un point de vue écologique car il peut vivre dans différents types d’habitats forestiers de feuillus et d’arbres à feuilles persistantes avec un sous-étage dense, ce qui contraste avec les tendances observées sur la plupart des autres oiseaux introduits, occupant plus généralement des habitats ouverts et/ou perturbés. Au Japon, l’espèce est présente dans une grande variété de forêts si la couverture du sous-étage en bambou est suffisamment grande (Amano & Eguchi, 2002a, Tojo & Nakamura, 2004). À Hawaï, où elle a été observée depuis 1911, l’espèce est également présente dans les forêts tropicales indigènes et exotiques, avec un sous-étage bien développé (Scott et al., 1986). Sa propagation y est bien documentée. Ses populations ont beaucoup fluctué sur différentes îles et ont même disparu sur certaines d’entre elles (Male et al., 1998). Les causes de ces fluctuations de population restent inconnues et les capacités réelles de l’espèce à atteindre une aire de répartition potentielle prévue selon des modèles de qualité de l’habitat restent donc à envisager avec prudence.
Cette diversité des habitats choisis par le Leiothrix ne semble donc pas constituer un facteur limitant son extension future en Europe. En effet, bien que cette espèce provienne d’une région subtropicale, les données disponibles suggèrent qu’elle pourrait devenir une espèce invasive dans le bassin méditerranéen.
Un oiseau de compagnie…
Cet oiseau est élevé en cage et en volière depuis des siècles et son intérêt ornemental explique en quasi-totalité sa répartition actuelle en dehors de son aire de répartition naturelle. Il est très recherché par les oiseleurs. Fin 2012, un article du journal régional Sud-Ouest dénombrait 6 000 éleveurs amateurs français. Facilement transporté en cage, il peut toutefois s’échapper et s’installer assez facilement en forêt où il reste peu facile à observer et à capturer. Figurant sur l’annexe II de la CITES, sa commercialisation est autorisée accompagnée par un justificatif de provenance licite, et au delà de 50 individus ,sa détention nécessite un certificat de capacité et une autorisation d’ouverture d’élevage.
L’espèce est également concernée par le trafic (Basly, 2007). Nous n’avons pas d’informations actuelles sur l’importance de ce trafic mais un oiseau peut se négocier à au moins 300 € et des articles de différents médias font état depuis plusieurs années d’opérations de police concernant cette espèce, comme par exemple en 2012 dans le Sud-Ouest, en avril 2014 à proximité de Montpellier, ou encore en mars 2017 dans le Lot.
Élevage et trafic peuvent donc contribuer indirectement à la dispersion de cette espèce dans des proportions qu’il semble impossible de prévoir. En complément des actions judiciaires portant sur le trafic proprement dit, des efforts de sensibilisation devraient être réalisés auprès des propriétaires éleveurs de cette espèce pour tenter d’éviter sa dispersion en milieux naturels.
Quels impacts ?
Parmi les impacts potentiels des oiseaux exotiques envahissants figurent l’homogénéisation de l’avifaune naturelle, par compétitions pour les sites de nidification, la recherche de nourriture, etc., les modifications écologiques des habitats, la transmission de parasites, l’hybridation ou différents dommages économiques. D’après les différentes études, rien ne prouve à l’heure actuelle que le Leiothrix ait provoqué des perturbations écologiques notables, que ce soit en Catalogne, au Japon ou dans les Pyrénées-Atlantiques, mais l’accroissement de ses populations pourrait engendrer de tels impacts.
À Hawaï, il ne semble pas avoir d’effet néfaste direct sur les populations d’oiseaux indigènes mais il a été signalé comme vecteur de propagation de plantes introduites produisant des fruits charnus dont il se nourrit. Cette capacité de dispersion de graines est par ailleurs présentée comme un impact positif sur les plantes indigènes dans la synthèse rédigée par Martin-Albarracin et al. en 2015 sur les impacts de 39 espèces d’oiseaux exotiques envahissants : la majorité des oiseaux indigènes disperseurs ayant disparu et les restants étant rares.
Les expérimentations de Tassin et Rivière (2001) ont porté sur cette dispersion potentielle, en cherchant à préciser le rôle de l’espèce dans la germination de plantes invasives à la Réunion. Alors que sur un arbuste, le Goyavier de Chine (Psidium cattleianum), l’ingestion des fruits par les oiseaux n’a montré aucun effet significatif sur le taux de germination, les résultats étaient au contraire très positifs sur deux autres espèces, le Longose (Hedychium gardnerianum) et le Troène robuste ou Privet (Ligustrum robustum). Sur l’île, Léiothrix participerait également à la propagation de plantes invasives telles que le framboisier d’Asie (Rubus rosifolius) et la Clidémie hérissée ou Tabac Bœuf (Clidemia hirta).
Basly (2007) note qu’aucun comportement de l’espèce visant à exclure de leur territoire les autres espèces d’oiseaux n’a été observé, même en forte densité. En revanche, des expérimentations menées en environnement fermé ont montré que des individus de Léiothrix étaient dominants par rapport à ceux d’espèces indigènes sans pour autant que l’espèce exotique soit plus agressive que l’indigène (Pereira et Rui Lourenço, 2018).
Par ailleurs, le Léiothrix présente différentes techniques de capture de ses proies, notamment des sauts rapides d’obstacles, qui n’ont pas été observées chez les espèces indigènes (Amano et Eguchi, 2002b). Dans leurs travaux menés au Portugal sur l’espèce, Pereira et al. (2017) ont également montré qu’en matière de recherche de nourriture, il se montrait plus efficace que ses concurrents potentiels, comme le Rouge-gorge (Erithacus rubecula) ou la Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla), ce qui lui donnait un avantage compétitif dans le développement de sa population. Au Japon, l’espèce semble en concurrence indirecte avec une autre espèce de passereau, la Bouscarle chanteuse (Horornis diphone), en modifiant les relations avec les prédateurs de la Bouscarle (Amano et Eguchi, 2002a ; Eguchi et Amano, 2004).
Dans la synthèse de Martin-Albarracin et al. (2015), le Léiothrix est identifié comme pouvant présenter des impacts négatifs en terme de compétition (Asie, Pacifique), y compris avec d’autres espèces exotiques, et de transmission de parasite (malaria ou paludisme aviaire). Il est d’ailleurs présenté parmi les cinq espèces d’oiseaux invasifs pouvant provoquer des impacts locaux, ce qui, selon ces auteurs, devrait conduire à les rendre prioritaires pour leur régulation dans les régions d’introduction.
Un dernier impact possible sur la biodiversité est en lien avec les capacités de chant de l’espèce. Les observations de Farina et al. (2013) sur une population de Léiothrix introduite dans l’est de la Ligurie en Italie ont en effet montré que les fortes vocalisations de l’espèce se font entendre durant toute l’année, y compris en juillet et en août, lorsque les autres oiseaux sont silencieux. Les auteurs ont estimé que sa production de chant était la plus importante et représentait 37 % des sons émis par l’ensemble de la communauté des oiseaux. Selon eux, cette domination acoustique pourrait potentiellement modifier les schémas sonores de la communauté d’oiseaux indigènes.
En ce qui concerne le rôle potentiel de transmission de paludisme aviaire cité dans les bases d’information internationales (GISD, CABI), la seule référence que nous avons pu consulter indiquait que le Léiothrix était la seule espèce d’oiseaux trouvée comme non contaminée par le parasite Plasmodium relictum dans les conditions de l’étude à Hawaï (Van Riper et al., 1986). Ce risque resterait donc à confirmer.
Les risques de transmission de parasite ou de maladie liés à cette espèce ne concerneraient pas seulement le paludisme aviaire. En effet, des travaux menés en Chine en 2011 sur 14 familles d’oiseaux de compagnie pour évaluer les risques de transmission de cryptosporidiose ont identifié Léiothrix lutea comme porteur de ce protozoaire parasite, pathogène pour l’homme et divers groupes de vertébrés, dont les oiseaux (Qi et al. 2011).
Ces questions de risque de transmission de parasites par cette espèce devraient faire l’objet d’une évaluation en métropole et à La Réunion car ses populations peuvent s’accroître dans les années à venir. Le paludisme aviaire est déjà bien présent en métropole (Bichet, 2012) et pourrait s’étendre en lien avec le réchauffement climatique (figure ci-dessous).
Quel statut pour cet oiseau exotique ?
L’espèce fait déjà l’objet d’un statut d’espèce exotique envahissante en Australie et en Espagne. En Australie, selon les informations fournies par le GISD, le Léiothrix jaune rentre dans la catégorie de menace “sérieuse” suite à une évaluation des risques. En Espagne, un statut de l’espèce figure dans la plate-forme Internet “InvasIBER“. La fiche sur Léiothrix lutea, rédigée en 2010, en se basant sur la dynamique d’expansion des populations et sur le fait qu’il s’agisse d’une espèce forestière présentant un processus d’acclimatation particulièrement remarquable, a conduit à la classer dans la liste des oiseaux envahissants d’Espagne, avec le statut C1 (“espèces ayant été introduites ou réintroduites par l’homme délibérément ou accidentellement dans la région, ayant établi des populations reproductrices qui se maintiennent sans avoir besoin de nouvelles introductions ou de réintroductions”). La fiche précise que dans la liste européenne des oiseaux exotiques introduits, elle est classée comme C (espèce exotique introduite).
Plate-forme mise en place depuis 2004 avec pour objectif d’agréger les informations sur les espèces introduites et établies dans la péninsule ibérique. Elle comprend tous les taxons des écosystèmes terrestres, d’eau douce et marins. En sont en principe exclues les espèces non établies (importées non introduites, en captivité ou occasionnelles) et les îles ne sont pas concernées (Baléares, Canaries,…).
En France, selon l’INPN, le statut donné à cette espèce est “introduite” en France métropolitaine et “introduite envahissante” à la Réunion. Il figure dans la catégorie C de la Liste des oiseaux de France (LOF) : “espèces introduites ou échappées de captivité en France métropolitaine depuis plusieurs années, qui ont fait souche et dont au moins une population se maintient par reproduction en milieu naturel, indépendamment d’éventuels apports supplémentaires d’origine humaine”. En règle générale, l’implantation doit être constatée depuis au moins 10 ans ou trois générations pour qu’une espèce figure sur cette liste. En terme de statut règlementaire, cette espèce n’est pas chassable en France.
Deux évaluations de statut ont été réalisées à l’échelle régionale, l’une en Nouvelle-Aquitaine, l’autre en Provence-Alpes-Côte d’Azur. En 2015, les analyses de Slaghuis et Barneix dans le cadre de l’Observatoire aquitain de la faune sauvage sur les connaissances disponibles en région ont permis de proposer un statut régional de “C2” pour le Léiothrix jaune, ce qui correspond à une espèce exotique, localisée à l’échelle régionale et présentant des impacts environnementaux jugés faibles, selon le protocole d’évaluation ISEIA utilisé.
En 2016, la Délégation interrégionale Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage s’est associée avec la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) PACA pour élaborer une stratégie de lutte régionale contre la faune exotique envahissante continentale. Le Léiothrix jaune figure dans la liste d’espèces exotiques envahissantes en région PACA et la proposition de statut à lui attribuer a été établie après application du protocole ISEIA déjà cité. Cette évaluation a été complétée par l’application d’un autre protocole, basé sur le même système d’évaluation de risques à trois niveaux d’impacts (fort, modéré, faible) mais portant sur l’évaluation des risques socio-économiques et sanitaires des EEE. Proposé par Cyril Cottaz et présenté dans son mémoire de stage, ce second protocole, intitulé “Invasive Species Socioeconomic (and Sanitary) Impact Assessment (ISSIA)”, a été validé par le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de la région en mai 2016.
Présente dans le recueil de 33 fiches de synthèse des EEE animales évaluées pour la région PACA, la fiche de présentation et d’évaluation de risque du Léiothrix jaune a conduit à proposer pour l’espèce un statut “B1” selon le protocole ISEIA (c’est-à-dire populations isolées présentant des impacts environnementaux modérés) et “C1” selon le protocole ISSIA (impacts socioéconomiques faibles). Cette fiche détaille sur deux pages (43 et 44 du document) les différentes informations extraites de la bibliographie disponible sur l’espèce.
Ainsi, ces deux évaluations de risque à l’échelle régionale ne conduisent-elles pas tout à fait à la même proposition, la différence reposant sur une divergence d’évaluation du niveau de risques environnementaux (faible dans un cas, modéré dans l’autre). Le nombre réduit d’informations disponibles sur cette espèce, en matière de biologie et d’écologie, est une des difficultés de ces évaluations. Toutefois, dans la mesure où l’évaluation de risque la plus élevée (région PACA) n’a pas été faite dans la région où les populations de cet oiseau sont les plus abondantes, peut-être serait-il utile de reconsidérer le statut actuel proposé dans le cadre INPN.
Quelles possibilités de régulation ?
La bibliographie disponible sur cette espèce n’est pas très abondante et la très large proportion des références proposées par les bases d’informations internationales (CABI, GISD) porte sur l’intérêt ornithologique à l’échelle mondiale de cet oiseau, celles plutôt consacrées aux questions d’impacts et de gestion restant en faible nombre et apportant peu d’informations conclusives.
La fiche du GISD cite seulement les possibilités de prévention de nouvelles introductions de l’espèce en Australie à la suite de son classement comme menace “sérieuse”. Ce classement permet un contrôle spécifique aux frontières autorisant seulement des introductions en conditions contrôlées pour des objectifs de recherche scientifique ou d’éducation.
En matière de prévention, la fiche du CABI indique qu’il est peu probable que le grand public ait connaissance de problèmes liés à L. lutea en tant qu’espèce introduite, car l’espèce ne présente pas d’impact significatif. Dans ce domaine, les ornithologues et oiseleurs pourraient cependant faire l’objet d’efforts accrus de sensibilisation, à la fois sur les conséquences des évasions d’oiseaux et sur les risques liés à la santé animale et humaine.
Selon cette fiche, les seules mesures de contrôle de cette espèce semblent se limiter à la législation concernant l’exportation, l’importation et la vente des oiseaux. Aucune possibilité d’intervention directe de régulation des populations présentes sur un territoire donné n’y est citée. Des besoins de connaissances et de recherche sont également mentionnés, et il est fait état du peu d’éléments de preuve sur les questions de concurrence avec les communautés aviaires indigènes dans les territoires où sont installées des populations importantes (Hawaï, Japon) et sur les risques de transmission du paludisme aviaire. Des propositions concernent des besoins d’études à long terme dans des zones où les populations sont en expansion, par exemple en Europe (France et Espagne) et au Japon, pour étudier leurs effets sur la faune et la flore indigènes, et d’études dans le domaine sanitaire sur les risques de transmission de parasites ou de maladies. Enfin des recherches sembleraient également utiles pour établir des bilans de l’exploitation commerciale de cette espèce, des trafics illégaux qu’elle engendre et des risques futurs liés à ces activités d’introduction intentionnelle ou non dans de nouvelles zones.
Quelle stratégie mettre en œuvre en métropole ?
Il s’avère donc que les connaissances disponibles sur la biologie et l’écologie de cette espèce, et sur les risques que ses populations introduites peuvent faire courir aux communautés indigènes et, éventuellement, à la santé humaine, sont actuellement très insuffisantes pour définir une position à adopter quant à sa gestion. Le fait qu’il s’agisse d’un oiseau considéré comme un animal d’ornement conduit à une certaine exploitation commerciale, contrôlée par la CITES. Mais comme cette exploitation légale peut se doubler d’une exploitation illégale, comportant des échanges entre oiseleurs et des captures en milieux naturels accroissant alors les risques d’une dispersion incontrôlée.
C’est pourquoi il semblerait utile qu’un programme spécifique d’acquisitions de connaissances sur cette espèce se mette en place, s’appuyant notamment sur les réseaux d’ornithologues amateurs. Des actions permettant de préciser sa répartition et d’évaluer la dynamique de ses populations, ainsi qu’une quantification des impacts écologiques, au moins en métropole, pourraient fournir des pistes de gestion de cette espèce.
Rédaction : Alain Dutartre, expert indépendant
Relectures : Doriane Blottière et Emmanuelle Sarat, Comité français de l’UICN, Jean-François Maillard, ONCFS
Bibliographie
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