Des invasions presque invisibles ?

 In dossiers de la lettre d'information

Certaines nous arrivent par les airs…

L’éditorial du numéro 13-14 (28 avril 2015) du Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut de Veille Sanitaire (INVS) disponible en ligne et un des articles du même numéro font le point sur les maladies (arboviroses) transmises par les moustiques Aedes en France.

La fin du titre de l’éditorial de Jean-Claude Desenclos (INVS), “un risque devenu durable !“, est sans équivoque. Après un bilan de la situation outremer faisant état d’épidémies en 2013 et 2014 dans la Caraïbe et le Pacifique, il rappelle que depuis l’apparition de près de 300 cas de chikungunya en Italie en 2007, le risque de transmission du virus du chikungunya lié à l’expansion d’A. albopictus était avéré en métropole. Un plan “anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en métropole” a été établi et reconduit chaque année. Il associe un dispositif de surveillance humaine et entomologique à des mesures de prévention et de contrôle.

CDC-Gathany-Aedes-albopictus-1

Aedes albopictus. CDC-Gathany

http://www.invs.sante.fr/beh/2015/13-14/2015_13-14_0.html

L’article d’Alexandra Septfons et de ses collègues présente la surveillance de chikungunya et de la dengue mise en place en métropole ou le moustique tigre, A. albopictus, vecteur de la dengue et du chikungunya, est présent depuis 2004.

La surveillance épidémiologique mise en place comprend deux dispositifs nationaux pérennes basés sur la déclaration obligatoire (DO) et un réseau de laboratoires, ainsi qu’un dispositif local et saisonnier de surveillance renforcée dans les départements où A. albopictus est implanté, pendant sa période d’activité, du 1er mai au 30 novembre.

En 2014, en métropole, 489 cas de chikungunya et 201 cas de dengue ont fait l’objet d’une DO et 2327 cas de chikungunya et 953 cas de dengue ont été rapportés par le réseau de laboratoires. Du 1er mai au 30 novembre, 454 cas de chikungunya et 167 cas de dengue ont été identifiés dans les 18 départements où A. albopictus était implanté. Quatre cas autochtones de dengue ont été détectés en région Provence-Alpes-Côte d’Azur et un foyer autochtone de chikungunya (11 cas confirmés) dans l’agglomération de Montpellier.

Les auteurs estiment que le plan de surveillance a permis de limiter les épisodes autochtones, mais qu’il devra évoluer en fonction de l’extension rapide du vecteur pour être réactif, exhaustif et efficient.

http://www.invs.sante.fr/beh/2015/13-14/2015_13-14_1.html

Pour 2015, les données de la surveillance renforcée en France métropolitaine font état de 206 cas suspects signalés du premier mai au 26 juin, dont 23 cas importés de dengue et 7 cas importés de chikungunya ont été confirmés. Les régions les plus concernées sont Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes, avec respectivement 10 et 2 cas, l’Aquitaine (1 et 3 cas) et Midi-Pyrénées (1 cas de dengue).

http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-transmission-vectorielle/Chikungunya/Donnees-epidemiologiques/France-metropolitaine/Chikungunya-et-dengue-Donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-France-metropolitaine-en-2015

D’autres par les eaux…

Dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire N° 23, en date du 23 juin 2015, Cécile Marie et ses collègues présentent les investigations menées en juin 2014 sur un épisode de dermatite du baigneur dans un plan d’eau en Auvergne.

http://www.invs.sante.fr/beh/2015/23/2015_23_1.html

Provoquant rougeurs et démangeaisons de la peau, cette affection est considérée comme un problème de santé publique en Europe. De plus en plus fréquente, elle occasionne chez le sujet atteint une gêne plus ou moins importante selon l’étendue et la durée des signes et expose à un risque de surinfection cutanée. Selon les auteurs de l’article, elle représente un problème économique dans les zones touristiques autour des lacs.

Elle est due à des furcocercaires (cercaire à queue fourchue) à ocelles, forme infestante d’un Trématode (ver parasite) pouvant pénétrer la peau et appartenant à la famille des schistosomes aviaires. L’hôte définitif de ces parasites dont les adultes ne dépassent pas 25 mm de longueur est un oiseau aquatique (Anatidae). Des œufs libérés dans les eaux sortent des larves nageantes (ou miracidium) qui vont ensuite pénétrer dans un mollusque gastéropode d’eau douce pouvant appartenir à plusieurs genres de Lymnaeidae, Planorbidae ou Physidae. Les cercaires libérées du mollusque au bout de quelques semaines poursuivent leur cycle en pénétrant sous la peau d’un hôte définitif, qui est normalement un oiseau aquatique.

Les humains se baignant peuvent devenir des hôtes accidentels de ce parasite et la pénétration des cercaires sous la peau occasionne des rougeurs et des démangeaisons très désagréables. Selon les auteurs de l’article, le passage des parasites à travers le derme vers les viscères n’est pas documenté mais il ne peut être formellement exclu. Toutefois, cette affection cutanée ne semble pas présenter de danger important pour la santé et les soins restent de courte durée.

Furcocercaire prélevée dans l’eau de baignade, observée sous microscope inversé, grossissement x100. © Athos Environnement

Des cas suspects de dermatite du baigneur (“puce du canard”) dans un plan d’eau du Puy-de-Dôme signalés à l’Agence régionale de santé (ARS) d’Auvergne ont conduit à la mise en place d’une étude “cas-témoins” menée par la Cellule de l’Institut de veille sanitaire en région Auvergne. Elle a comporté un recueil d’informations, basé sur un questionnaire, obtenues auprès d’un échantillon de 30 personnes ayant fréquenté le plan d’eau durant le week-end du 7 au 9 juin 2014 et des investigations environnementales (prélèvements et analyse de l’eau de baignade et des gastéropodes). Toutes les personnes contactées se sont baignées et ont rapidement présenté des démangeaisons (prurit) débutant en majorité dans les 24 heures après la baignade et qui ont duré 10 jours ou plus dans les 3/5 des cas.

Les auteurs ont noté que la baignade au niveau des plages aménagées était associée à un risque plus élevé de survenue de dermatite du baigneur par rapport à un site non aménagé (p<0,05). Les gastéropodes ont été identifiés (genre Radix de la famille des Lymnaeidae) et des furcocercaires ont été observées dans l’eau de baignade, ce qui a permis de confirmer le diagnostic de dermatite du baigneur.

Préconisées par l’ARS, des mesures de gestion ont été rapidement prises dès le jour du signalement (12 juin), sans attendre les résultats des investigations. Comportant un arrêté municipal d’interdiction temporaire de la baignade et le ramassage des escargots sur les plages, ces actions semblent avoir limité la survenue de nouveaux cas.

Suite à la disparition des escargots sur les plages, l’interdiction de baignade a été levée le 5 juillet et des conseils aux baigneurs ont été affichés. Le dispositif de surveillance mise en place a montré qu’à court terme, les mesures de gestion prises ont été efficaces puisqu’aucun nouveau cas de dermatite n’a été rapporté en 2014.

Les auteurs remarquent qu’à long terme, le ramassage manuel des escargots n’est pas une mesure efficace et que l’élimination du parasite reste difficile même avec d’autres méthodes (molluscicide, élimination de la végétation, vidange du plan d’eau, traitement des canards par un antihelminthique, régulation de la population des canards).

D’autres documents sur cette affection un peu surprenante sont évidemment disponibles, comme par exemple une plaquette du ministère de la Santé et Services Sociaux du Québec : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2012/12-270-01F.pdf

De nombreuses informations sont également disponibles sur le site du SILA, Syndicat Mixte du lac d’Annecy (http://www.sila.fr/), sur ce qui y est dénommé “dermatite cercarienne” : http://www.sila.fr/spip.php?page=recherche&recherche=dermatite+cercarienne&bouton.x=0&bouton.y=0

En effet, le SILA a depuis plusieurs années mis en place un plan de lutte contre la dermatite qui a montré son efficacité. “Alors qu’on dénombrait plusieurs centaines de baigneurs touchés par jour et par plage au début des années 2 000, on compte aujourd’hui quelques dizaines de cas par an.

Les interventions de ce plan de lutte portent sur la réduction du nombre de mollusques aquatiques, avec des campagnes de destruction mécanisée des mollusques sur les plages concernées, la régulation des populations de canards colverts particulièrement infectés par la cercaire en concertation avec l’État, les sociétés de chasse et la Ligue pour la Protection des Oiseaux, et la communication pour limiter le nourrissage des canards avec des panneaux d’information, la réalisation d’une BD pédagogique et de campagnes de presse annuelles.

Cette communication est indispensable pour que les usagers des plages puissent modifier leurs représentations et pratiques vis-à-vis des oiseaux et en particulier ne les nourrissent plus : ce n’est sans doute pas un hasard si dans le cas du plan d’eau en Auvergne, les atteintes de dermatite étaient significativement plus élevées sur les plages aménagées.

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