Entretien : « Faciliter les échanges et le partage d’informations sur les EEE dans les Hauts-de-France »

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Marie Angot et Guillaume Kotwica lors de la Journée technique EEE Hauts-de-France au Parc Samara © DREAL Hauts-de-France

Bonjour, qui êtes-vous et dans quelle région agissez-vous ?

Marie Angot : Je m’appelle Marie Angot, je suis chargée de mission EEE au Conservatoire d’espaces naturels des Hauts-de-France (CEN Hdf). J’interviens en tant qu’animatrice de l’élaboration de la Stratégie régionale EEE (SREEE).

Guillaume Kotwica : Guillaume Kotwica, je suis chargé de mission connaissance à la Dreal Hauts-de-France. Je travaille sur différentes missions : les plans nationaux d’actions (PNA), l’élaboration des listes rouges régionales, le système d’information Nature et paysages (SINP). J’interviens également sur la thématique des EEE avec Marie, et assure le pilotage de la SREEE pour la Dreal.

Qui sont vos partenaires ? Avec quels organismes travaillez-vous le plus souvent ?

MA : Nous travaillons avec un grand nombre de structures, telles que le Conservatoire botanique national de Bailleul (CBNBl), le Cerema, la Fredon, l’Office français de la biodiversité (OFB), les agences de l’eau… C’est compliqué de tous les citer.

GK : Il y a aussi les universitaires, notamment l’Université Jules Verne de Picardie, et les associations naturalistes comme le GON (Groupe ornithologique et naturaliste du Nord et du Pas-de-Calais) et Picardie nature, qui sont les structures de connaissances régionales sur la faune, et également les fédérations régionales de chasse, de pêche ainsi que les DDT.

Quelles sont vos principales missions et objectifs ?

GK : Au niveau de la Dreal, nous avons été identifiés par le ministère comme pilote régional de l’élaboration de la SREEE. Mes missions concernent essentiellement de s’assurer de l’élaboration de la SREEE mais aussi l’organisation de ce pilotage et l’appui au travail d’animation réalisé par le CEN Hdf. Je participe aux réunions thématiques et peux en organiser certaines ou être à l’initiative.

MA : L’objectif principal de mon poste est la rédaction de la SREEE. En termes de missions, cela se traduit principalement par de l’animation et de la coordination. Je suis arrivée il y a un an, et jusque-là les acteurs ne se connaissaient finalement qu’assez peu. Il a donc d’abord fallu structurer le réseau et aider l’ensemble des acteurs pour qu’ils se connaissent davantage et échangent entre eux. C’est la plus grande partie de ma mission pour l’instant.
J’ai aussi des missions qui relèvent plus de la communication et de la sensibilisation, avec l’animation de notre site internet et la production de documents. Il y a aussi des missions plus scientifiques et techniques avec la hiérarchisation des EEE en fonction de leurs impacts, et de plus en plus, un appui sur la gestion où je vais conseiller les acteurs qui m’en font la demande.

Pouvez-vous présenter en quelques mots votre réseau et sa structuration ?

GK : Dans les Hauts-de-France, nous avons la Gouvernance Régionale de la Biodiversité (GRéB) qui regroupe tous les acteurs qui agissent pour la préservation de la biodiversité. La GréB est co-pilotée par la Dreal Hauts-de-France, l’OFB et les deux agences de l’eau (Artois Picardie et Seine Normandie). Il y a 5 briques au sein de la GRéB, dont une dédiée aux EEE (pour en savoir plus sur cette organisation régionale).
Dans le cadre du pilotage de la SREEE, nous avons mis en place un comité, le GESTe (Groupe d’expertise scientifique et technique) dans lequel est réuni ce que nous pourrions appeler le premier cercle ou la “cheville ouvrière” et qui réunit les structures les plus impliquées sur la thématique EEE ainsi que celles qui vont avoir une expertise sur la thématique. Puis dans un second cercle, il y a ceux qui travaillent de manière générale sur la thématique EEE, comme les communautés de communes ou les collectivités.

La Gouvernance Régionale de la Biodiversité (GRéB) Hauts-de-France – brique EEE

MA : Avant mon recrutement au CEN Hdf, il n’y avait pas d’outils pour permettre à ce réseau régional d’échanger et de communiquer. Nous avons donc organisé une première journée d’échange technique le 24 juin 2021 et nous continuerons d’en proposer une à deux fois par an. Des outils de communication ont été créés, avec une liste de discussion qui leur permet d’échanger par mails et le site internet qui permet l’accès à des connaissances régionales.

GK : C’était en effet quelque chose qui manquait dans notre région, quelqu’un qui puisse contribuer à la structuration du réseau puis à son animation. On s’est aperçu qu’il y avait déjà beaucoup de personnes qui travaillaient de près ou de loin sur les EEE, mais de façon non-coordonnée à l’échelle régionale et sans animation directe. Le CEN Hdf porte donc maintenant ce rôle, tandis que la Dreal se positionnera plutôt en accompagnement et en pilotage de la SREEE.

Êtes-vous en relation avec d’autres coordinations régionales ?

MA : J’ai quelques échanges avec ma collègue du CEN Normandie, Charlotte Bouin, notamment car nous avons parfois des acteurs locaux qui la contacte lorsqu’ils sont en difficulté et elle les renvoie alors vers moi. Nous sommes aussi régulièrement en lien avec la Fédération des CEN et nous avons des relations plus ponctuelles avec d’autres coordinations, par notre présence à des réunions ou des formations sur les EEE.

GK : Cela dépend aussi des thématiques, par exemple dernièrement nous avons été en contact avec un réseau belge pour échanger sur le Xénope Lisse, qui est présent dans un plan d’eau à proximité de la frontière franco-belge. Notre participation au Réseau d’expertise scientifique et technique (REST EEE) nous permet aussi d’échanger avec les autres régions.

MA : Tout à fait. Pour citer un autre exemple, nous avons beaucoup communiqué avec le réseau Occitanie et PACA, qui travaillent également sur la hiérarchisation des EEE.

Journée d’échanges du 16 septembre relative à la stratégie régionale EEE © Sylvie Varray

Comment décririez-vous votre réseau en un mot ?

MA : Au sein du réseau, on voit que les membres sont impliqués et tous les acteurs sont là, puis sont intéressés. Il y a une dynamique qui est agréable. Pour le décrire, je dirais qu’il est « diversifié ».

GK : C’est un mot qui me va bien également. Il reflète assez bien la cinquantaine de structures différentes et les échanges que nous avons avec eux.

Vos actions concerne-t-elle uniquement la faune ou la flore, ou bien les deux ? Travaillez-vous sur le milieu marin ?

MA : Nos actions concernent la faune et la flore, mais nous ne travaillons pas encore sur les espèces marines.

GK : C’est une thématique que nous souhaiterions approfondir pour 2022. Nous n’avons pas encore commencé à travailler dessus mais il s’agit d’un réseau très spécifique et différent de celui sur les espèces continentales.

Rencontrez-vous des difficultés ou des contraintes sur certaines thématiques ?

GK : Les difficultés sont souvent d’ordres financières. Il est parfois difficile de mobiliser des fonds, notamment pour les chantiers de gestion. Pour le poste d’animation qu’occupe Maris, nous avons réussi à trouver le financement en 2020 avec l’OFB. Le poste avait été réfléchi en 2019 et ça a pris un peu de temps pour mettre en place le recrutement. Une fois en place, ça a été un véritable accélérateur d’avoir quelqu’un pour l’animation.

MA : La difficulté, et c’est aussi ça le rôle de l’animateur, c’est de garder le contact et de faire en sorte que les personnes se sentent impliqués au sein du réseau. C’est un réseau qui n’a pas forcément été mobilisé, un réseau qui apprend à se connaitre, et ils n’ont pas encore toujours le réflexe de venir vers nous.

Quelles sont les EEE sur lesquelles vous êtes actuellement les plus sollicités ?

MA : La renouée du Japon, beaucoup.

GK : L’Hydrocotyle fausse-renoncule, et le Myriophylle également car ce sont des plantes aquatiques très présentes et problématique dans les Hauts de France.
Dans le cadre du réseau HdF, la Fredon anime également des GT sur le Ragondin et le Rat musqué, puis pour rester dans les espèces à enjeux sanitaire, un groupe de travail est en cours de formation animé par la Fredon et l’Agence Régionale de la Santé (ARS) pour les ambroisies et la Berce du Caucase dans la région.

En parlant d’espèces, avez-vous des listes régionales et qui les réalise ?

MA : Au CEN Hdf, nous nous occupons de la liste pour la faune. Nous avons établi une première liste d’espèces, très large. Celle-ci a été créée à partir d’un référentiel faunistique pour la région, dans lequel nous avons gardé uniquement les espèces ayant un certain statut d’après le référentiel TAXREF de l’INPN, puis nous y avons ajouté celle qui étaient présente dans les départements limitrophes. Au total, cette première liste (non-publiée) comprend un peu plus de 300 espèces animales. Il faudra donc maintenant faire un tri, pour ne garder que celles qui sont pertinentes à notre échelle. Une fois cette liste fixée, nous pourrons commencer la hiérarchisation régionale.

GK : L’élaboration des listes pour la flore a été confiée au CBNBl, qui travaillent également sur leur hiérarchisation. La première liste pour la flore avait été réalisée en 2012 pour la Picardie, et doit intégrer prochainement les ex-régions Haute-Normandie et Nord Pas-de-Calais.

Présentation des enjeux Xénope Lisse lors de la formation EEE en métropole © CDR EEE

Si vous aviez la possibilité de faire disparaître de votre région une population d’EEE, laquelle serait-ce et pourquoi ?

MA : Je dirais le Myriophylle hétérophylle, c’est une espèce qui se propage très vite et qui engendre des coûts financiers très importants, notamment pour la navigation. Si nous pouvions nous en débarrasser, cela nous permettrait de mobiliser l’argent disponible et de le mettre sur d’autres espèces.

GK : Moi je citerais plutôt le Xénope. Non pas forcément pour ses impacts, mais plutôt car l’objectif d’une éradication peut être possible à l’échelle de notre région où l’espèce est émergente. Nous avons rapidement su mobiliser des moyens et s’organiser ensemble après la détection de cet amphibien. Et la réussite de ces actions serait une belle preuve de gestion, pour montrer que notre réseau de veille fonctionne et que si nous détectons une espèce assez tôt, nous pouvons empêcher le développement de la population.

Vous avez souvent mentionné la stratégie régionale, où en êtes-vous dans son élaboration ?

MA : Nous souhaitons pouvoir proposer une 1ère version dès la fin de l’année 2021, pour pouvoir présenter une version définitive en 2022. Ce sera une stratégie sur 2022-2027, avec des actions sur 5 ans.

GK : Le contexte sanitaire nous a un peu retardé, car nous voulions faire participer tous les acteurs à cette stratégie, pour qu’elle soit partenariale. Nous avons donc dû décaler notre réunion, initialement prévue au mois d’avril, et celle-ci n’a pu finalement se tenir qu’en septembre. Une cinquantaine d’acteurs ont ainsi pu être présents et participer à 5 ateliers, basés sur les 5 axes de la stratégie nationale EEE. Cette réunion nous a donc permis de récolter un maximum d’information et d’idées, qu’il nous faudra maintenant valoriser et mettre en forme (accéder au bilan de cette rencontre).

Sur quel(s) projet(s) travaillez-vous actuellement et quels sont les projets à venir pour les prochains mois ?

MA : En 2021, le grand projet c’est la stratégie régionale et sa rédaction. Pour 2022, nous avons ensuite d’autres projets : notamment de communication auprès des pépinières et des jardineries, ainsi que du grand public (par l’intermédiaire d’une bande dessinée par exemple, pour toucher le jeune public d’une manière plus ludique).

GK : Nous avions aussi évoqué l’organisation d’un symposium en collaboration avec le monde de la recherche pour développer le lien entre les gestionnaires locaux et les organismes de recherche régionaux comme l’Université de Picardie. Et bien entendu, nous continuerons de proposer des événements un peu comme les ateliers du patrimoine naturel que nous avons organisé cette année. Cette année nous avons participé en région, à deux webinaires, un atelier technique et une journée d’échange, ça a quand même été assez riche.

Pour finir, quel est l’aspect de votre travail que vous appréciez le plus ?

MA : J’apprécie la polyvalence de mes missions. En une journée, je peux faire pas mal de choses différentes et aucune journée ne se ressemble.

GK : J’aime le côté organisationnel de mon travail, et de voir que ça fonctionne quand on mobilise des acteurs. La possibilité de faire du terrain et de voir un peu ce qui se passe ailleurs, de réfléchir de manière partenariale sur les choses que l’on souhaite proposer. Ce sont ces deux côtés, que je trouve intéressants.

 

Lien et ressources à partager :

 

Rédaction : Cet entretien a été mené par Madeleine Freudenreich (Comité français de l’UICN), à Clermont-Ferrand, le 18 octobre 2021, en présence de Marie Angot (CEN Hauts-de-France) et Guillaume Kotwica (Dreal Hauts-de-France).

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