Un établissement du Réduve américain dans le Var ?

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DESCRIPTION DE L’ESPECE – Une espèce adaptable à un large panel de conditions

Le Réduve américain (Zelus renardii) (Kolenati, 1856) appartient à la famille des Reduviidae, des insectes hémiptères prédateurs du sous-ordre des hétéroptères (punaises).

Originaire d’Amérique du Nord, son aire native inclus le Sud et le Sud-Ouest des États-Unis, l’Amérique Centrale et les Caraïbes, notamment le Mexique, le Guatemala, le Honduras et le Salvador (Lozano et al., 2018). Évoluant dans des habitats et types de végétation variés, il est commun dans les environnements agricoles, urbains et suburbains (Weirauch et al., 2012).

Figure 1 : a) et b) Femelles Zelus zenardii élevées en laboratoire en boîte de Petri, avec des brindilles de Jasmin et des cercopes des prés (Philaenus spumarius). c) Mâle élevé en laboratoire se nourrissant de Bactrocera Oleae. Tiré de Lahbib et al., 2022

Cette punaise au corps allongé (12 – 14 mm) se caractérise par sa couleur brun-rouge et par ses pattes avant très longues, de couleur vert-brun (Figure 1), dont les tibias secrètent une substance collante adaptée à la capture de proies. En effet, cette espèce est un prédateur généraliste redoutable et vorace qui se nourrit d’autres insectes (Figure 1.c). Elle est aussi bien adaptée à la chasse de petites proies mobiles qu’elle chasse en embuscade qu’a la chasse de proies plus grandes et moins mobiles qui sont pistées (Pinzari et al., 2018). Elle peut ainsi se nourrir de tout type d’insectes, même de prédateurs intermédiaires, et appartenant à différents ordres (Hémiptères, Lépidoptères, Coléoptères, Hyménoptères, Névroptères, Blattaria ou Orthoptères) (Pinzari et al., 2018).

 

REPARTITION EN DEHORS DE SON AIRE : Une expansion en Europe, jusqu’en France

Figure 2 : Distribution mondiale de Zelus renardii. Les points reflètent le taux d’expansion, selon la littérature. Parfois, il n’est pas possible de connaître l’auteur ou l’année de certains documents car ils sont extraits de thèses ou de catalogues généraux. Sur la carte, lorsqu’elle est connue, l’année des premiers enregistrements dans chaque pays est incluse, mais si ce n’est pas le cas, l’année de publication est indiquée. Tiré de Lozano et al., 2018.

Dans le monde – Le genre Zelus est le genre le plus diversifié de la famille des Reduviidae. Plusieurs espèces du genre ont été accidentellement introduits dans les Caraïbes et sur certaines îles du Pacifique telles que la République dominicaine, Porto Rico, Cuba, Haïti, Trinité-et-Tobago et la Guadeloupe.

Figure 3 : Répartition en France de Zelus renardii (Tiré de MNHN et OFB, 2003-2023 ; Dussoulier François).

En 2004, Z. renardii a été découvert au Chili, et il a été récemment identifié en Polynésie française (Zhang et al., 2016) et en Argentine (D’Hervé et al., 2018) (Figure 1). Z. renardii aussi la seule espèce du genre à avoir été signalée en Europe : en Grèce (Simov et al., 2017) dont la Crète (van der Heyden, 2015), en Espagne (Vivas, 2012), en Italie (Dioli, 2013), en Turquie (Çerçi & Koçak, 2016) et en Albanie (van der Heyden, 2017) (Figure 2). Étant donné que les femelles de Z. renardii collent facilement leurs œufs sur les plantes (généralement sur la face ventrale des feuilles) ou sur d’autres objets (par exemple, du papier de soie en laboratoire), il est possible que ces œufs aient été introduits passivement en Europe grâce au commerce, par exemple dans des plantes de pépinière (Weirauch et al., 2012 ; Pinzari et al., 2018).

En France métropolitaine – Z. renardii a été signalé pour la première fois en Février 2019 dans le Var (Grimaud) dans le massif des Maures, avec la découverte d’une femelle vivante et d’une morte (comm.pers. Romain Garrouste). Il s’agirait d’une introduction secondaire depuis l’Italie (Garrouste, 2019 ; MNHN et OFB, 2003-2023). De plus, la proximité du massif des Maures avec la Péninsule Italienne et ses conditions climatiques méditerranéennes, facilite l’expansion des espèces exotiques depuis le Sud de l’Europe (Garrouste, 2019).

Depuis 2019, plusieurs observations ont été faites dans la plaine et le massif des Maures (comm.pers. Romain Garrouste) confirmant sa présence en métropole (Figure 3).

 

 

DES FACTEURS DE FACILITATION DE L’ETABLISSEMENT DE L’ESPECE EN FRANCE

Figure 4 : Paysage de la réserve naturelle de la plaine des Maures. ©Concha Agero

Ce probable établissement dans le Var de Z. renardii a pu être facilité par l’incendie de Gonfaron survenu en août 2021 qui a significativement perturbé les écosystèmes en place. Or, ces environnements perturbés sont propices à l’établissement et au développement d’espèces exotiques, car ils rendent les espèces indigènes plus vulnérables à la compétition et à la prédation par les espèces exotiques, tout en créant des niches écologiques vacantes où les espèces exotiques peuvent s’implanter. Z. renardii, avec son régime alimentaire de prédateur généraliste et son adaptation à une large gamme d’habitats, pourrait avoir profité de cet incendie pour s’établir dans la zone. Ceci concorderait avec l’hypothèse émise par Weirauch et al. (2012) après des tests en laboratoire présentant Z. renardii comme une espèce pionnière, tolérante aux conditions défavorables (e.g., hautes températures) et aux ressources alimentaires limitées.

Cet établissement mériterait d’être confirmé dans la zone en lien avec le nouveau gestionnaire en place (SNPN) et le réseau Natura2000 afin d’assurer la surveillance de son expansion dans la plaine et le massif des Maures.

 

EXPANSION ET IMPACTS PROBABLES

Expansion possible

Compte tenu de son abondance dans les milieux anthropisés, la dispersion de Z. renardii est facilitée par les transports humains et les aménagements paysagers (Weirauch et al., 2012 ; MNHN & OFB, 2003-2023). De plus, ses caractéristiques biologiques (i.e, régime alimentaire diversifié, succès reproducteur élevé même en conditions défavorables) peuvent faciliter l’établissement de l’espèce en dehors de son aire native. Toutefois, en Europe, Z. renardii semble être limité aux régions avec un climat méditerranéen (Lozano et al., 2018). En effet, en Espagne, l’expansion de l’espèce semble limitée son aux zones anthropisées au climat méditerranéen, avec une distribution actuelle restreinte aux régions côtières de l’est et du sud de la péninsule ibérique, de la ville de Valence au nord jusqu’à Malaga au sud (Lozano et al., 2018). En Italie, elle est pour le moment limitée à Rome et Apulia (Pinzari et al., 2018).

Par ailleurs, rapportant des observations récentes de spécimens uniques de l’espèce trouvés au Danemark, en Royaume-Uni et au Royaume-Uni, probablement introduits par le transport de fruits en provenance de la région méditerranéenne, Van der Heyden (2021) note la faible probabilité d’établissement de l’espèce dans ces régions, sans pour autant en écarter la possibilité. En particulier, si la température optimale pour le développement au stade nymphal de l’espèce est d’environ 25-30 °C (Pinzari et al., 2018), il serait possible que les nymphes puissent atteindre le stade adulte à des températures plus basses (Rattu & Dioli 2020). Selon lui, des recherches supplémentaires sur la répartition de Z. renardii dans les régions européennes au nord de la région méditerranéenne pourraient permettre d’en savoir plus sur la question.

Les risques d’expansion future de l’espèce vers le Nord de la métropole restent donc à évaluer.

Impacts probables

Les impacts sur la biodiversité locale de l’implantation de cette espèce sont difficiles à évaluer. Toutefois, en tant que prédateur généraliste, Z. renardii peut influencer les populations d’ennemis naturels et d’agents de lutte biologique utilisés contre les ravageurs agricoles. Par exemple, les populations de chrysopes et d’aphelinidés utilisées à cette fin, peuvent être réduites de manière significative en présence de Z. renardii (Pinzari et al., 2018).

Enfin, la conformation morphologique particulière des pattes avant (Weirauch et al., 2012) de cette punaise est, jusqu’à présent, inconnue parmi les espèces européennes de la même famille. Cela pourrait créer un avantage compétitif vis à vis d’autres réduvidés indigènes de la région paléarctique (Pinzari et al., 2018).

 

LES SCIENCES PARTICIPATIVES pour suivre son expansion

Afin de suivre l’évolution de l’expansion de Z. renardii, les naturalistes sont invités à ajouter leurs observations de l’espèces via les suivis de sciences participatives (https://inpn.mnhn.fr/accueil/participer/inpn-especes).

 

Rédaction : Camille Bernery, Comité français de l’UICN
Relecture : Alain Dutartre, expert indépendant

Crédits photo bandeau : NMFlight

 


Pour en savoir plus :


Références :

  • Çerçi, B. and Koçak, Ö. (2016) Contribution to the knowledge of Heteroptera (Hemiptera) fauna of Turkey. Journal of Insect Biodiversity, 4 (15): 1-18.
  • D’Hervé, F.E., Olave, A., Dapoto, G.L. (2018) Zelus renardii (Hemiptera: Reduviidae: Harpactorinae:Harpactorini): first record from Argentina. Revista de la Sociedad Entomológica Argentina, 77 (1): 32-35.
  • Dioli, P. (2013) Zelus renardii (Kolenati, 1856) (Insecta Heteroptera Reduviidae). Quaderno di Studi e Notizie di Storia Naturale de lla Romagna 38 (133): 232-233.
  • Garrouste, R. (2019). Zelus renardii (Kolenati, 1856): a new assassin bug for France (Hemiptera, Reduviidae, Harpactorinae). Bulletin de la Société entomologique de France124(3), 335-336.
  • Heyden van der, T. (2015). Einaktueller Nachweis von Zelus renardii (Kolenati, 1856) auf Kreta/Griechenland (Hemiptera: Heteroptera:Reduviidae: Harpactorinae). Biodiversidad Virtual news, Publicaciones Científicas 4(52):55-59.
  • Lahbib, N., Picciotti, U., Sefa, V., Boukhris-Bouhachem, S., Porcelli, F., & Garganese, F. (2022). Zelus renardii roaming in southern Italy. Insects13(2), 158.
  • Lozano, B. R., Ruiz, M. B., & de Dios, M. Á. G. (2018). The invasive species Zelus renardii (Kolenati, 1857)(Hemiptera, Reduviidae) in Spain and comments about its global expansion. Transactions of the american Entomological society144(3), 551-558.
  • MNHN & OFB [Ed]. 2003-2023. Fiche de Zelus renardii Kolenati, 1857. Inventaire national du patrimoine naturel (INPN). Site web : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/850621 – Le 13 décembre 2023
  • Pinzari, M., Cianferoni, F., Martellos, S., & Dioli, P. (2018). Zelus renardii (Kolenati, 1856), a newly established alien species in Italy (Hemiptera: Reduviidae, Harpactorinae). Fragmenta entomologica50(1), 31-35.
  • Rattu, A. & Dioli, P. (2020) Prima segnalazione di Zelus renardii (Kolenati, 1856) in Sardegna Hemiptera, Reduviidae). Revista gaditana de Entomología 11 (1): 119–125.
  • Simov, N., Gradinarov, D. and Davranoglou,L. (2017). Three new assassin bug records (Hemiptera: Heteroptera: Reduviidae) for the Balkan Peninsula. Ecologica Montenegrina 13:25-29.
  • Van der Heyden T. (2021) On the recent Northern European dispersion of Zelus renardii Kolenati (Hemiptera: Heteroptera: Reduviidae) via human activity. Israel Journal of Entomology, Vol. 51, pp. 43–46 (30 April 2021). DOI: 10.5281/zenodo.4730423; ISSN (online) 2224-6304
  • Vivas, L. (2012) Primera cita en España de la especie Zelus renardii (Kolenati, 1857) (Heteroptera:Reduviidae) que representa la segunda cita en Europa. Biodiversidad Virtual news, Publicaciones Científicas, 1: 34-40.
  • Weirauch, C., Alvarez, C., & Zhang, G. (2012). Zelus renardii and Z. tetracanthus (Hemiptera: Reduviidae): biological attributes and the potential for dispersal in two assassin bug species. Florida Entomologist95(3), 641-649.
  • Zhang, G., Hart, E.R. & Weirauch, C. (2016). A taxonomic monograph of the assassin bug genus Zelus Fabricius (Hemiptera: Reduviidae): 71 species based on 10,000 specimens. Biodiversity Data Journal 4: e8150. https://doi.org/10.3897/BDJ.4.e8150
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