L’écrevisse marbrée : spéciation récente et reproduction parthénogénétique

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L’écrevisse marbrée, Procambarus virginalis, a été décrite pour la première fois dans un aquarium allemand en 1995. L’espèce présente la particularité de se reproduire par parthénogénèse (c’est-à-dire que la femelle n’a pas besoin de mâle pour se reproduire) et est dotée d’une fécondité élevée, ce qui lui confère un fort potentiel envahissant, notamment à Madagascar où ses populations sont en expansion.

Un récent séquençage du génome de plusieurs individus de l’espèce (Gutekunst et al., 2018.) a permis de mettre en évidence sa proximité génétique avec l’écrevisse des marécages Procambarus fallax et sa triploïdie : l’espèce présente trois sets de chromosomes au lieu de deux. Les auteurs expliquent que la spéciation récente de P. virginalis serait donc la conséquence d’une reproduction issue de deux individus génétiquement éloignés de P. fallax dont l’un aurait présenté une autopolyploïdie (duplication du matériel génétique, anomalie ayant conduit à la production de gamètes diploïdes). Toutes les écrevisses marbrées seraient donc des clones descendants de la même femelle fondatrice, issus de reproduction parthénogénétique, comme en témoigne la très forte homogénéité du génome de l’espèce au sein de ses diverses populations.

Figure 1 : Répartition de l’écrevisse marbrée à Madagascar (Mars 2017) (Gutekunst et al., 2018)

Cette espèce est donc une occasion unique d’étudier la structure et l’évolution d’une forme apparue récemment de génome parthénogénétique. Si chez d’autres espèces, les clones sont supposés être désavantagés en termes de capacités d’adaptation par leur manque de diversité génétique, la triploïdie de l’écrevisse marbrée serait la clé qui lui permettrait de s’adapter à différentes conditions environnementales.

A Madagascar, l’expansion de l’espèce serait facilitée par des conditions environnementales favorables (températures élevées et dense réseau d’habitats d’eau douce). Ces populations sont à surveiller de près en raison de leurs impacts potentiels, en particulier sur les sept espèces d’écrevisses endémiques de l’île. L’espèce se répand également au Japon ainsi qu’en Europe, où elle est déjà observée en Suède, en Italie et en Allemagne, mais elle n’est pas encore présente en milieux naturels en France. Toutefois, figurant sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union Européenne (règlement d’exécution 2016/1141) et considérée comme « espèce susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques (R. 432.5 du CE), ainsi qu’ «espèce non représentée en France » (arrêté du 17 décembre 1985), son introduction dans les milieux naturels est strictement interdite.

Cette étude a permis de lever le voile sur l’origine, la distribution, la diversification et la capacité d’adaptation de cette espèce. La précision des résultats et des interprétations que permettent de telles analyses génétiques est une démonstration indéniable de leur intérêt vis-à-vis de l’amélioration constante des connaissances sur les caractéristiques d’une espèce donnée, non seulement sur la génétique elle-même mais aussi sur son écologie, son origine ou sa distribution, etc. Et, dans le cas présent, il s’avère même que de telles analyses pourraient nous aider à mieux comprendre la dynamique des populations de certaines espèces exotiques envahissantes.

En savoir plus :

Rédaction : Doriane Blottière, Comité français de l’UICN
Relectures : Alain Dutartre (expert indépendant), Marc Collas et Nicolas Poulet (AFB)

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