Les espèces non indigènes marines de France métropolitaine passées à la loupe !

 In Actualités, ENI

Trente-cinq experts des espèces non indigènes (ENI) marines ont collaborés et mis en commun leurs données afin de publier une mise à jour de l’inventaire des ENI marines et estuariennes de France métropolitaine (Massé & Viard et al., 2023). Pour chaque espèce inventoriée, la date de sa première observation, son aire biogéographique d’origine et les potentiels vecteurs responsables de son introduction ont été fournis. Ces informations ont été publiées dans la revue Diversity, au sein d’un numéro spécial dédié aux tendances des espèces marines non indigènes en Europe (Special Issue “Trends in Marine Non-Indigenous Species in Europe by 2020, and Predictions through Modelling and Horizon Scanning for 2050”).

Au total, 342 espèces non indigènes ont été recensées dans le cadre de ce travail. La majorité (117 espèces) provient du Pacifique Nord tempéré, et pour 42 espèces, l’origine reste inconnue (espèces cryptogéniques). La première introduction daterait du 13ème siècle mais c’est à partir des années 1970 que le nombre d’introductions s’est accéléré, avec l’augmentation du trafic maritime et des activités de cultures marines (fig. 1).

Fig 1. Nombre de nouvelles introductions primaires par décennie et par région (barres, axe vertical de gauche) et nombre cumulé pour les trois régions françaises sur les décennies successives (ligne, axe vertical de droite). Extrait de Massé & Viard et al., 2023.

L’augmentation observée depuis 2000 peut également être attribuée à une prise de conscience accrue des conséquences des introductions d’ENI par la communauté scientifique et les pouvoirs publics, avec une augmentation accrue de l’effort d’observation des ENI dans divers programmes de surveillance depuis 2004 et la multiplication des projets de recherche ciblant les ENI marines.

 

Il est d’ailleurs constaté dans ce travail que les principaux vecteurs d’introduction à l’échelle nationale sont le transport d’espèces associées aux espèces cultivées et le fouling, c’est-à-dire lorsque les salissures des coques de navires. Les cinq phylums les plus représentés sont les arthropodes (69 espèces), les algues rouges (67 espèces), les mollusques (44 espèces), les chordés (43 espèces) et les annélides (38 espèces). Certaines de ces ENI ne se retrouvent que dans la région où elles ont été introduites, et d’autres se sont dispersées sur les différentes façades, comme la Crépidule (Crepidula fornicata) mentionnée pour la première fois dans le Golfe de Gascogne en 1934, et maintenant présente sur les trois façades.

Bien qu’il reste difficile de trancher sur le caractère invasif d’une espèce ou non, l’étude bibliographique menée dans cette étude montre que moins de 10 espèces peuvent être considérées comme envahissantes, c’est-à-dire très abondantes et avec un/des impact(s) : Caulerpa taxifolia, Sargassum muticum, Undaria pinnatifida, Callinectes sapidus, Hemigrapsus sanguineus, Hemigrapsus takanoi, Percnon gibbesi, Crepidula fornicata et Magallana gigas. Parmi les espèces établies mentionnées dans l’étude, certaines ont fait l’objet d’analyses de risque à l’échelle nationale (bien que cela ne soit pas évoqué dans ce travail car non publié à ce jour), permettant de mettre en avant leur potentiel risque à devenir invasive sur une ou plusieurs façades de France métropolitaine (Pisanu et al., 2020). C’est le cas notamment de l’algue rouge Rugulopteryx okamurae, dont processus d’invasion semble être en cours sur certaines façades.

Un tiers des ENI marines est partagé entre les trois régions françaises, et 34 à 42 % de ces espèces sont aujourd’hui présentes dans au moins deux régions, avec un recouvrement légèrement plus important entre la mer du Nord et le Golfe de Gascogne qu’entre l’une ou l’autre de ces deux façades et la Méditerranée occidentale. Les eaux chaudes de la façade méditerranéenne sont celles qui compte le plus grand nombre d’ENI marines, et des espèces introduites et encore présentes dans cette région parviennent à s’établir dans les deux autres régions marines. Les scientifiques alertent donc sur ce phénomène qui pourrait être accentué dans les années à venir en raison du réchauffement climatique, couplé à l’augmentation des espèces néonatives (c’est-à-dire en expansion).

 

Les données de ce travail sont synthétisées et schématisées dans le graphique ci-dessous

 

Consultez la publication (disponible en accès libre) :

Massé, C.; Viard, F.; Humbert, S.; Antajan, E.; Auby, I.; Bachelet, G.; Bernard, G.; Bouchet, V.M.P.; Burel, T.; Dauvin, J.-C.; Delegrange, A.; Derrien-Courtel, S.; Droual, G.; Gouillieux, B.; Goulletquer, P.; Guérin, L.; Janson, A.-L.; Jourde, J.; Labrune, C.; Lavesque, N.; Leclerc, J.-C.; Le Duff, M.; Le Garrec, V.; Noël, P.; Nowaczyk, A.; Pergent-Martini, C.; Pezy, J.-P.; Raoux, A.; Raybaud, V.; Ruitton, S.; Sauriau, P.-G.; Spilmont, N.; Thibault, D.; Vincent, D.; Curd, A. An Overview of Marine Non-Indigenous Species Found in Three Contrasting Biogeographic Metropolitan French Regions: Insights on Distribution, Origins and Pathways of Introduction. Diversity 2023, 15, 161. https://doi.org/10.3390/d15020161

 

Rédaction : Cécile Massé, PatriNat

Relecture : Madeleine Freudenreich, Comité français de l’UICN

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