Megachile sculpturalis, une espèce d’abeille sauvage solitaire originaire de l’est de l’Asie (Chine, Japon, Corée), a été observée pour la première fois en France en 2008, à Allauch, au nord de Marseille (13). Appelée Giant resin bee (« abeille résinière géante ») en raison de sa grande taille et de son utilisation de résine (de conifère par exemple) pour obstruer son nid, elle a été observée pour la première fois hors de son aire de répartition d’origine en 1994 aux États-Unis (Caroline du Nord) et s’est ensuite rapidement dispersée dans l’est du pays, jusqu’au Canada. L’observation de 2008 en France était la première en Europe pour cette espèce.
En 2016, un appel a été envoyé aux entomologistes métropolitains afin de réunir les données d’observation de l’espèce. Les données recueillies dans le cadre du programme de sciences participatives d’observation des insectes SPIPOLL, mené par le MNHN et l’OPIE, ont également été analysées. Tandis que la détermination taxonomique des abeilles sauvages nécessite souvent la capture des individus suivie d’une observation méticuleuse à la loupe, cette espèce est particulièrement facile à observer et peut difficilement être confondue avec les espèces indigènes par les entomologistes amateurs, de par sa grande taille (14 à 19 mm de longueur pour les mâles, 22 à 27 mm pour les femelles), ses ailes fumées et son thorax couvert d’une pilosité orange.
Ainsi, entre 2008 et 2016, 117 observations de l’espèce provenant de 70 observateurs différents ont été compilées (Le Féon et al., 2018). Ces observations s’étendent de la Saône-et-Loire au nord aux Pyrénées-Atlantiques à l’ouest. L’espèce montre donc une expansion remarquablement rapide depuis sa première observation, dispersée à présent sur près d’un tiers du territoire métropolitain. Des observations de l’espèce ont également été rapportées en Italie en 2009, en Allemagne en 2015 et en Autriche en 2017.
Cette abeille présente d’importantes capacités d’adaptation et de dispersion dues à sa forte capacité de vol et son mode de nidification. Elle niche dans des cavités du bois ou des tiges creuses et son introduction serait donc probablement liée à l’importation de bois. Sur 39 cas de nidification rapportés, 26 ont eu lieu dans des hôtels à insectes, la mise en place croissante de ces structures artificielles dans un but de protection de la biodiversité aurait ainsi pu faciliter son expansion. L’espèce est connue pour présenter parfois un comportement agressif à l’égard d’autres espèces et entrer en compétition avec elles pour les sites de nidification. Ainsi, plusieurs observations d’éviction d’abeilles indigènes (Osmia spp. et Xylocopa spp.) par M. sculpturalis ont été rapportées, et d’autres espèces pourraient également être affectées. De plus, les abeilles exotiques pourraient dans certains cas être vecteurs de pathogènes transmissibles aux abeilles indigènes.
En raison de leur rôle crucial de pollinisateurs, les abeilles possèdent une image bénéfique forte et peu d’attention est actuellement portée aux introductions d’abeilles exotiques. Cependant, en entrant en compétition avec les espèces indigènes pour la ressource alimentaire ou les sites de nidification, elles peuvent modifier les réseaux d’interactions plantes-pollinisateurs et favoriser la dispersion de certaines plantes exotiques.
Contrairement au continent américain où plusieurs espèces d’abeilles exotiques sont déjà présentes, les introductions d’abeilles sauvages sont rares en Europe, et Megachile sculpturalis serait la première espèce à y avoir été introduite. Son expansion et les conséquences de sa présence doivent donc être suivies avec attention. De par sa facilité d’observation et d’identification, cette espèce apparait particulièrement adaptée à la collecte de données par les sciences participatives permettant de mobiliser un grand nombre d’observateurs. Pour le moment, les entomologistes consultés dans l’est, l’ouest et le nord de la France ont signalé l’absence d’observation de cette espèce.
Rédaction : Doriane Blottière
Relectures : Benoit Geslin et Violette Le Féon, Observatoire des abeilles ;
Alain Dutartre, GT IBMA, Emmanuelle Sarat, Comité français de l’UICN
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