L’UICN a publié le 15 septembre un nouveau standard baptisé EICAT « Environmental Impact Classification of Alien Taxa ». Cette nouvelle méthodologie, développée avec l’appui du Groupe de spécialistes de l’UICN sur les espèces exotiques envahissantes (ISSG/SSC), propose un cadre normalisé pour évaluer et prioriser ces espèces selon l’ampleur de leurs impacts environnementaux. Ce nouveau standard mondial de l’UICN doit contribuer à alerter les acteurs de la conservation et les décideurs politiques sur les impacts des espèces exotiques envahissantes, et à guider la mise en œuvre des mesures de prévention et de gestion nécessaires pour faire face aux défis des invasions biologiques.
“Il est essentiel de répondre aux impacts des espèces exotiques envahissantes pour lutter contre l’érosion croissante de la biodiversité et la crise d’extinction, et leurs conséquences importantes sur l’économie, les moyens de subsistance et le bien-être des populations”, a déclaré le Dr Jane Smart, directrice mondiale du groupe sur la conservation de la biodiversité de l’UICN.
La circulation à un rythme toujours croissant des biens et des personnes dans le monde est à l’origine de l’introduction d’animaux, de plantes, de champignons et d’agents pathogènes dans des zones situées en dehors de leur aire de répartition naturelle. Certaines de ces espèces exotiques peuvent devenir envahissantes et avoir un impact négatif sur leur nouvel environnement. Selon la Liste rouge mondiale des espèces menacées de l’UICN et le récent rapport de l’IPBES sur l’état de la biodiversité (2019), les espèces exotiques envahissantes sont l’une des principales pressions directes à l’origine de l’érosion de la biodiversité et de l’extinction des espèces.
Ce nouveau cadre mondial de l’UICN sur les espèces exotiques envahissantes poursuit 5 objectifs :
- Identifier les espèces ayant différents niveaux d’impacts environnementaux ;
- Faciliter les comparaisons d’impacts en fonction des régions et des groupes taxonomiques ;
- Faciliter les prévisions d’impacts potentiels futurs d’espèces dans la région cible et ailleurs ;
- Aider à la priorisation des actions de gestion ;
- Aider à l’évaluation des méthodes de gestion.
Des informations standardisées sur les espèces exotiques envahissantes sont essentielles pour comprendre et gérer les défis qu’elles posent“, a déclaré le Dr Piero Genovesi, président du groupe de spécialistes des espèces exotiques envahissantes de l’UICN (ISSG/SSC), qui a développé l’EICAT. “L’EICAT est un outil qui permet de catégoriser et de comparer les différents impacts des espèces exotiques envahissantes dans le monde, afin d’orienter les politiques et les actions ».
La méthodologie EICAT s’inspire de celle développée pour la Liste rouge des espèces menacées. Elle permet de classer, de façon simple et objective, les espèces exotiques dans des catégories d’impacts des dommages documentés qu’elles causent. Cinq catégories d’impacts sont définies, par ordre croissant : peu préoccupant, léger, modéré, grave et majeur. Les espèces appartenant aux trois dernières catégories sont considérées comme “problématiques”. La méthodologie est applicable aux niveaux national, régional et mondial. Toutes les évaluations EICAT entreprises au niveau mondial seront disponibles dans la base de données mondiale sur les espèces exotiques envahissantes de l’UICN (GISD).
Un besoin exprimé à l’échelle mondial
Sur la base du constat qu’il n’existe pas de processus mondial, normalisé et systématique pour évaluer et prioriser les espèces exotiques envahissantes, les Parties à la Convention sur la diversité biologique ont appelé l’UICN à développer un système de classification de ces espèces basé sur la nature et l’ampleur de leurs impacts. Une résolution prise lors du Congrès mondial de la nature de 2016 demandait spécifiquement à la Commission de sauvegarde des espèces de développer une méthodologie de classification des espèces exotiques envahissantes.
Après la publication initiale de la méthodologie dans une revue scientifique (Blackburn et al. 2014), des lignes directrices ont été élaborées pour faciliter sa mise en œuvre. Cette première version de la méthodologie a été ensuite testée pour classer les impacts environnementaux des EEE dans différents groupes taxonomiques, mettant le protocole à l’épreuve.
Pour qu’une méthodologie devienne un standard de l’UICN, elle devait ensuite passer par un processus de consultation mondiale impliquant le réseau de l’UICN. A l’issue de ces phases de consultation (2017 et 2019), l’intégration des propositions visant à améliorer la méthodologie a donné lieu à la version finale des Catégories et Critères EICAT de l’UICN, ainsi qu’aux Lignes directrices pour son application.
Cependant, ce nouveau standard n’évalue pas les impacts socio-économiques des EEE aussi, dès 2017, une méthodologie complémentaire a été proposée par la même équipe de chercheurs (Bacher et al., 2017) pour permettre une classification de ces impacts (Socio-economic impact classification of alien taxa, SEICAT). Cette publication comportait un test appliqué aux amphibiens exotiques à l’échelle mondiale sur lequel les auteurs concluaient que la méthode SEICAT permettait bien de différencier significativement les niveaux d’impacts. Elle a fait l’objet d’un article intitulé “Ne pas oublier les impacts socio-économiques des espèces exotiques !” publié début 2018 par le Centre de ressources EEE.
SEICAT présente la même structure d’évaluation des impacts qu’EICAT, aussi une combinaison de ces deux schémas de classification devrait permettre dans le futur, une évaluation plus complète des impacts négatifs des EEE sur les systèmes receveurs. Leur intégration pourrait alors devenir un outil de classification des espèces exotiques plus efficace et faciliter l’élaboration des futures politiques de gestion des EEE.
Plus d’informations :
- Catégories et Critères EICAT
- Lignes directrices pour l’application d’EICAT
- Article de présentation de SEICAT (en français)
Photo de couverture : Lithobates catesbeianus © Diana Robinson
Version modifiée en date du 03/12/2020