Zoom sur… 3 projets de recherches sur les EEE

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Estimer le coût économique global des espèces exotiques envahissantes (EEE)

Quantifier et caractériser les coûts associés à la gestion et aux dommages causés par les EEE apparaît aujourd’hui fondamental pour appréhender efficacement les enjeux économiques et sociaux des invasions biologiques (sensibilisation du public et des gouvernements, évaluation coût-bénéfice des politiques de gestion, etc.). A l’heure actuelle, la plupart des études se focalisent sur des aires géographiques, groupes taxonomiques ou secteurs d’activités particuliers. Les tentatives d’évaluations globales existantes apparaissent dans un certain nombre de cas obsolètes et/ou fortement discutables d’un point de vue méthodologique.

Dans le cadre d’un programme de recherche soutenue par l’Agence nationale de la recherche et la fondation BNP Paribas, ce projet ambitionne d’établir la plus robuste compilation et complète analyse possible des données de coûts associés aux EEE à l’échelle mondiale. Ce travail s’appuie sur le développement d’une méthode standardisée et reproductible de collecte d’informations (aussi bien dans des publications scientifiques que dans de la littérature grise) et la mise en place d’une base de données originale récapitulant un ensemble d’attributs qualitatifs et quantitatifs relatifs à chaque donnée de coût collectée. Les premières tendances de cette analyse montrent que les coûts annuels mondiaux associés aux EEE pourraient dépasser les centaines de milliards de dollars. Cet ordre de grandeur est d’autant plus édifiant que ces coûts apparaissent largement sous-estimés en raisons de diverses lacunes dans les données disponibles (efforts de recherche centrés principalement sur des zones ou taxons particuliers, manque de données sur les impacts de nombreuses EEE, etc.) et de biais dans les travaux existants (méthodologie non disponible ou non reproductible, absence de références traçables, etc.). Par ailleurs, les premières données obtenues confirment qu’une très large gamme de secteurs d’activités (agriculture, foresterie, tourisme, etc.) y compris la santé humaine, animale et végétale, sont impactés directement ou indirectement par ces EEE sur tous les continents du globe.

Cette première synthèse globale et rigoureuse des coûts économiques engendrés par les EEE (i) aboutira à la toute première base de données librement accessible et actualisable sur les impacts économiques des EEE dans le monde, (ii) fournira un outil essentiel à la réflexion des autorités nationales et internationales en matières de gestion des espèces envahissantes et de conservation de la biodiversité et (iii) permettra de réaliser des extrapolations et prédictions d’impacts monétaires des EEE dans le contexte actuel des changements globaux.

En savoir plus : contacter Christophe Diagne (christophe.diagne@u-psud.fr) et Franck Courchamp (franck.courchamp@u-psud.fr), Université Paris Sud-CNRS-AgroParisTech.

Etude des modifications des communautés végétales et des communautés de faune du sol induites par la présence d’un palmier invasif aux îles Fidji

Etudiants de l’Université South Pacific et Matthieu Chauvat (Université de Rouen) dans la forêt de Colo-I-Suva © E. Forey

Les interactions entre espèces sont un déterminant majeur du fonctionnement des écosystèmes. La présence d’espèces exotiques envahissantes peut modifier profondément la structure des communautés, les relations s’établissant entre les espèces, et ainsi le fonctionnement de l’écosystème. Au sein des écosystèmes terrestres, les liens ou interactions se tissant entre les communautés végétales du compartiment aérien (ou épigé) et les communautés de faune du compartiment sol (ou endogé) participent grandement à la structuration et au fonctionnement de l’écosystème.

Cette étude a pour objectif de déterminer les conséquences de la colonisation de la forêt Colo-I-Suva de l’île principale des Fidji par le palmier invasif Pinanga coronata. Ce palmier originaire d’Indonésie a été introduit volontairement dans un but ornemental dans les années 70 dans un jardin jouxtant la forêt classée de Colo-I-Suva.

Des comparaisons des communautés végétales et des collemboles du sol entre des forêts colonisées et des forêts où P. coronata n’est pas présent ont été réalisées en 2016. L’approche “traits” (caractéristiques fonctionnelles des individus) a été utilisée pour caractériser les communautés présentes. Par exemple détermination des surfaces foliaires, des poids secs des feuilles pour les plantes ou bien taille, pigmentation, présence d’organes de défenses ou de perception de l’environnement pour les collemboles.

Il apparaît que la diversité des végétaux indigènes, comme celle des collemboles, diminue avec la présence de P. coronata. La présence de l’espèce exotique implique également des modifications des traits d’histoire de vie de ces communautés et des liens s’établissant entre les traits des plantes et les traits des collemboles.

Ces recherches montrent l’importance de considérer les différents compartiments des écosystèmes et les liens qu’ils entretiennent entre eux dans l’étude des impacts des espèces exotiques envahissantes. Elles démontrent également l’intérêt de l’approche par traits d’histoire de vie dans le cas de l’utilisation de communautés peu étudiées d’un point de vue taxonomique.

Forêt sans Pinanga coronata (à gauche) et colonisée par l’espèce (à droite) © J. Boehmer

En savoir plus : contacter Matthieu Chauvat, matthieu.chauvat@univ-rouen.fr et Estelle Forey, estelle.forey@univ-rouen.fr, Université de Rouen.

Le projet FELICS : Controverses et négociations autour des méthodes de gestion des chats harets dans les espaces naturels protégés.

Les chats sauvages sont parmi les prédateurs introduits les plus nuisibles pour la faune indigènes des îles © Fabrice Brescia

Considérés comme une cause importante de disparition d’espèces endémiques dans les îles, le chat Felis catus fait l’objet de nombreux programmes d’éradication. Durant la mise en œuvre de ces programmes, les gestionnaires sont souvent interpellés par des associations locales d’amis des chats ou des organisations internationales de protection des animaux. Ils doivent respecter une législation contraignante, se justifier sur un mode éthique, et prendre en compte les perceptions de la population en cherchant à favoriser une “acceptabilité sociale” qu’ils ne trouvent pas toujours. Le projet FELICS “Faune Endémique et Lutte Institutionnelle contre les Chats Sauvages” a pour objet l’étude socio-écologique de la gestion des chats dans plusieurs îles française en métropole et en outre-mer.

Les premiers résultats ont montré que la pluralité des représentations des divers types de chats est un élément déterminant dans l’acceptation des méthodes de gestion, et que les valeurs mobilisées sont différentes pour la protection de l’environnement et la protection des animaux. La stérilisation, le retrait, voire l’euthanasie des chats harets peuvent être acceptés par les habitants sous certaines conditions et au nom de motivations éthiques différentes de celles des gestionnaires. Il apparaît qu’une prise en compte conjointe de ces motivations éthiques plurielles pourrait favoriser la mise en place de modes de gestions intégrés, plus satisfaisants à long terme.

En savoir plus : contacter Anne Atlan, université de Rennes 2 anne.atlan@univ-rennes2.fr

– Sur l’impact des chats sur la biodiversité :
Doherty et al., 2016. PNAS https://www.pnas.org/content/113/40/11261.short
– Sur la protection internationale des animaux :
Dubos et Margénaud, Pouvoir 2009 https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2009-4-page-113.htm
– Sur la gestion associative des chats errants en France http://www.ecoleduchat.asso.fr/

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