Popillia japonica, communément appelé Scarabée japonais, est une espèce exotique envahissante originaire du Japon, introduite accidentellement en Amérique du Nord au début du XXe siècle et dans les années 70 aux Açores. Les premiers signalements sur le continent européen datent de 2014 en Italie (régions de Lombardie et du Piémont) et de 2017 dans le sud de la Suisse. Ce coléoptère polyphage s’alimente sur les feuilles d’un large panel de plus de 300 espèces de plantes, dont de nombreuses cultures agricoles et espèces ornementales, provoquant des pertes économiques importantes (Althoff et al. 2022, Tayeh et al. 2023).
Le 08/07/2025, la Préfecture de la région Grand Est a émis un communiqué de presse annonçant la détection des deux premiers spécimens sur le sol français, les 1e et 2 juillet dans des pièges disposés à Mulhouse et Saint-Hippolyte (Haut-Rhin) dans le cadre du réseau de surveillance mis en place par la DRAAF Grand Est.


IPM – Popillia
Le consortium IPM-Popillia, financé par le programme Horizon 2020 de l’Union européenne, est composé des trois pays concernés par l’introduction et la propagation du scarabée japonais (Portugal/Açores, Italie, Suisse) et des pays adjacents menacés dans les prochaines années (France, Allemagne, Autriche). De 2020 à 2024, des chercheurs, des agriculteurs, des revendeurs de végétaux, des agents de services phytosanitaires, des entreprises de commercialisation d’agents de biocontrôle et des structures de sciences participatives ont déployé un programme complet visant à développer, tester et promouvoir des stratégies de lutte intégrée en :
- Développant des outils efficaces pour la détection précoce et la surveillance des populations de Popillia japonica
- Identifiant et évaluant des méthodes de lutte biologiques, chimiques, mécaniques et biotechnologiques
- Intégrant ces méthodes dans une stratégie cohérente de gestion durable.
- Analysant les impacts environnementaux et socio-économiques de ces méthodes
- Disséminant les résultats auprès des parties prenantes et du grand public.

Composantes du projet et leurs interactions dans IPM-Popillia
Dynamique de l’invasion biologique et risques pour le territoire français.
L’aire de répartition naturelle de Popillia s’étend du nord du Japon à l’extrême est de la Russie, aires dans lesquelles les prédateurs et les conditions environnementales régulent les populations. En 1916, des premiers spécimens ont été détectés dans l’État du New Jersey. Ils y auraient probablement été introduits via des importations de matériels de cultures végétales, depuis le Japon. Son expansion rapide a été la cause d’impacts économiques majeurs pour les exploitants agricoles.
En Italie (région de Milan), les premiers spécimens ont été détectés en 2014. La voie et le vecteur d’introduction ne sont pas connus avec certitude. Entre 2014 et 2024, la dynamique de l’invasion biologique est telle que l’aire de répartition s’étend rapidement du sud de la Suisse au nord de Gènes. A l’ouest, le front de colonisation est situé en limite du territoire français, sur une ligne partant de la Haute-Savoie jusqu’au briançonnais, longeant le Parc national de la Vanoise et le Parc naturel régional du Queyras.
Trois foyers de détection isolés ont été cartographiés en 2023 au nord des Alpes près de Zurich et dans la région du Frioul-Vénétie en Italie puis en 2025 dans le Haut-Rhin (Mulhouse et Saint-Hippolyte).
Dynamique de l’invasion en cours du Scarabée japonais en Europe continentale (Poppi et al., 2025)
Des travaux de modélisation ont permis de projeter une carte de distribution de « favorabilité environnementale » pour le scarabée japonais sur le continent européen, en prenant en compte sa biologie, les données de présence dans les aires de répartition natives ou envahies depuis longtemps et plus d’une centaine de prédicteurs environnementaux. L’Europe centrale est entièrement propice à l’espèce : des contreforts des Alpes au nord des Balkans (zone actuellement la plus touchée), les rives orientales de la mer Noire ainsi que de nombreuses régions de France, d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse, de Belgique, des Pays-Bas, de Slovénie, de Croatie et de Bosnie-Herzégovine.

Cartes de favorabilité environnementale (suitability) pour l’Amérique du Nord et l’Europe continentale pour Popillia japonica en Amérique du Nord et en Europe continentale. La « favorabilité », décrite selon 6 classes, est d’autant plus élevée que la couleur est foncée (Borner et al. 2023).
Les chercheurs du consortium ont également modélisé les risques d’introduction et de propagation pour l’ensemble des pays européens par voies ferroviaires, aériennes et routières. Pour la France, outre les régions limitrophes au front de colonisation, les départements abritant un aéroport international ou des hubs de transports routiers sont les zones les plus à risques d’introduction secondaire (régions parisienne, lyonnaise, nantaise, bordelaise, marseillaise, etc.) avec un risque qualifié de modéré à élevé.

Cartes d’accessibilité des régions européennes pour Popillia japonica à partir de l’épicentre de l’invasion biologique (en noir) par voie aérienne, ferroviaire, routière et par une combinaison de modes de transport (indice composite). Cartes d’accessibilité classées par quantile montrant : (A) le nombre de passagers arrivant aux aéroports, (B) le nombre de trains arrivant aux gares et (C) le nombre de camions par kilomètre carré atteignant les régions européennes au départ de la zone infestée. Plus les couleurs sont foncées plus une région est susceptible d’être accessible pour le scarabée japonais. (D) Carte composite de l’accessibilité des régions européennes : des zones les plus accessibles (couleurs chaudes) au moins accessibles (couleurs froides) (Borner et al. 2024)
Pour en savoir plus l’espèce et la dynamique de l’invasion biologique : https://www.popillia.eu/
Cycle de vie et impacts économiques
Le cycle de reproduction dure une année. Les larves se développent dans la terre d’août à avril. Dès que la température du sol dépasse 10°C, la larve commence à se nourrir des racines des plantes, notamment de graminées. L’insecte adulte est aérien et polyphage. Il s’attaque aux végétaux par morsures foliaires. Il peut se nourrir de 300 à 400 (suivant les études) espèces de plantes, dont des espèces agricoles, forestières ou ornementales : vigne, soja, maïs, arbres fruitiers à noyaux (fleurs et fruits), fruits à baies, gazons, prairies à graminées, etc.
Liste des plantes hôtes : https://www.popillia.eu/about-the-japanese-beetle-popillia-japonica/host-plants-of-popillia-japonica
Les impacts écologiques en milieu naturel sont moins documentés que les impacts sur les cultures agricoles et les impacts économiques associés.
Coûts de la gestion
Le coût de la gestion américaine du coléoptère depuis 1916 est estimé annuellement à 450 millions de dollars pour le contrôle direct de l’espèce et le remplacement des plantes attaqués.
Peu d’informations existent encore sur les conséquences économiques de l’invasion biologique en Europe, l’évaluation a donc pris en compte 45 scénarios différents, semblables à la méthode de Wesseler et Fall (2010) sur les coûts potentiels des dommages causés par un ver s’attaquant aux racines du maïs occidental en Europe. Les résultats ont mis en évidence la menace importante que représente le scarabée japonais pour l’agriculture européenne. Les projections des dommages économiques varient considérablement en fonction des scénarios, avec des coûts annuels estimés entre 30 millions d’euros et 7,2 milliards d’euros. Popillia japonica s’attaque à ce jour particulièrement aux cultures des vignes de Lombardie et du Piémont (Gotta et al. 2023).
Liste des plantes hôtes : https://www.popillia.eu/about-the-japanese-beetle-popillia-japonica/host-plants-of-popillia-japonica
Les impacts écologiques en milieu naturel sont moins documentés que les impacts sur les cultures agricoles et les impacts économiques associés.
Réglementation
La réglementation européenne classe Popillia comme « organisme de quarantaine prioritaire » (OQP), pouvant impacter notamment de nombreuses cultures françaises. Il doit donc faire l’objet de mesures de surveillance, de signalement obligatoire et, le cas échéant, de lutte.
Biosécurité
Le consortium et le ministère de l’Agriculture proposent d’établir des protocoles de surveillance par pose de pièges équipés de leurres et de lutte précoce adaptés aux centres de transport, tels que les gares, les aéroports et les entrepôts de camions. Le grand public devrait également être sensibilisé au risque de déplacement involontaire du coléoptère. En effet, Popillia se déplace facilement sur de grandes distances, posé sur n’importe quel support (végétaux, pots et objets divers, humains, animaux, etc…) et via des moyens de transports variés (trains, avions, camions, etc.).

Expérimentations de méthode de lutte
Plusieurs méthodes de lutte ont été testées en laboratoire et en plein champs (en situation réelle) entre 2020 et 2024 en Italie, s’inspirant des méthodes américaines et prenant en compte les coûts pour les agriculteurs, la praticité de l’approche ainsi que l’efficacité des dispositifs :
- Contrôle biologique avec des champignons et des nématodes entomopathogènes ciblant les larves : les essais ont montré que ces agents pouvaient réduire efficacement les populations larvaires en particulier dans les sols argileux et humides. Afin d’améliorer l’efficacité dans le temps des traitements, les chercheurs ont isolé des souches locales directement dans les sols à traiter, les ont cultivées pour les remettre dans les espaces à traiter. Ces souches locales de nématodes ont maintenu une forte efficacité pendant deux ans, ce qui pourrait permettre de réduire le besoin de ré-application annuelle.
- Stratégie « attirer et tuer » : combinant des appâts sémiotiques avec des filets traités à l’insecticide à longue durée d’action (pyréthroïde). L’efficacité de cette stratégie a été démontrée avec un bémol cependant sur la nécessité de remplacer régulièrement les fibres enduites d’insecticide. Cette approche s’est révélée particulièrement utile pour protéger des cultures nouvellement atteintes et les cultures dans des petits espaces confinés (jusqu’à 20 ha) car la capacité de piégeage peut rapidement être atteinte en cas d’invasion massive. Dans ce cas, le déploiement de nombreux pièges complémentaires peut également permettre de freiner la propagation du coléoptère dans les zones infestées et prévenir l’établissement dans les zones encore exemptes.
- Endothérapie par inoculation d’une substance active dans les plantes afin qu’elle se répande ensuite dans les feuilles et empoisonne le ou les insectes phytophages (méthode Nuovo Metodo Corradi®), en association avec des poses de pièges comportant un leurre. Cette méthode a été testée sur des cultures de vignes et de tilleul (en nurserie et dans des zones urbaines) tout en mesurant les éventuels effets collatéraux sur les pollinisateurs. Les tests n’ont pas été concluants sur la vigne (rendement faible et phytotoxicité associée) et le consortium ne préconise pas l’utilisation de cette méthode de lutte. Pour les tilleuls, les différentes expérimentations menées ont eu des résultats très variables. Des expérimentations supplémentaires sont proposées afin d’affiner les protocoles. A ce stade, le consortium ne préconise pas ce moyen de lutte.
- Stratégie « attirer et infecter » appelée aussi stratégie d’autodissémination par attraction des coléoptères adultes puis inoculation avec des spores fongiques comme agent de contrôle microbien. Les coléoptères ainsi inoculés agissant ensuite comme vecteur de diffusion des spores dans la population de reproducteurs. Efficace en laboratoire (transmission horizontale entre adultes démontrées), cette stratégie a atteint des limites sur le terrain où la transmission verticale vers les habitats larvaires n’a pas été démontrée. Des recherches complémentaires doivent être menées.
- Stratégie de protection des végétaux par pulvérisation à faibles risques sur les vignes de kaolin, de zéolite et de terre de diatomées, avec additions ou non de substances naturelles (Neem) ou d’agents biologiques (Bt var galleriae). Les protocoles déployés se sont rapprochés le plus possibles des pratiques agricoles et ont été comparés à des protocoles d’épandages d’insecticides chimiques de synthèse. Les résultats ont démontré la nécessité d’ajouter des insecticides synthétiques pour améliorer le contrôle de l’invasion biologique et atténuer les impacts du coléoptère. Le kaolin seul a démontré un effet répulsif efficace permettant de minimiser les dommages aux feuilles et les pertes de rendement mais ne permettant pas de réduire les populations de coléoptère. La combinaison d’un traitement au kaolin et d’un traitement à base d’insecticide est efficace, mais non compatible avec les normes de l’agriculture biologique. En dessous de 15 à 25 adultes par pied de vigne, moins de 30% des pieds sont défoliés et la plante peut survivre sans perte de rendement.
Les résultats soulignent l’importance d’adopter des stratégies intégrées et adaptées aux conditions environnementales locales, d’optimiser la période d’application et d’affiner les formulations pour garantir une efficacité à long terme. De plus, les recherches montrent la valeur de la combinaison d’approches naturelles et synthétiques pour parvenir à un contrôle efficace des populations, tout en minimisant l’impact environnemental. L’ensemble des résultats sont disponibles dans le rapport final du projet IPM-Popillia.
Le consortium a également testé et déployé des pièges à coléoptères tout au long des quatre ans du projet. Les résultats sont disponibles dans le rapport technique final si des gestionnaires d’espaces naturels ou des instituts techniques agricoles souhaitent en déployer à leur tour dans les zones à risques françaises.
L’iSCOUT®, un prototype de piège testé par le consortium IPM-Popillia. Le coléoptère est attiré par un double leurre au-dessus de l’ouverture d’un piège à phéromones iSCOUT. Une fois attiré, le coléoptère tombe dans le piège et est efficacement retenu par un mécanisme de glissement et une plaque collante, empêchant l’insecte de sortir du piège en rampant (plus d’infos sur https://metos.global/fr/iscout/).
Surveillance, alertes et sciences participatives

Plusieurs régions françaises sont susceptibles de recevoir des individus de Popillia japonica et de voir s’établir des populations pérennes (via une expansion du front de colonisation de l’aire italienne ou via de nouvelles introductions liées aux activités de transports humains). Certaines de ces régions sont également des zones viticoles pouvant donc être impactées par cette invasion biologique.
La détection précoce et la gestion rapide des premiers individus sont donc primordiales. Le consortium propose de concentrer les efforts de surveillance aux fronts de colonisation et aux zones les plus à risque d’introduction secondaire afin d’être en mesure de déployer rapidement des mesures de luttes adaptées si nécessaire. Ainsi, le consortium propose de déployer des réseaux d’alertes au sein des communautés de gestionnaires d’espaces naturels, d’agriculteurs et de sciences participatives citoyennes. Un kit complet de communication est téléchargeable sur le site du projet ainsi qu’une application de signalement. L’expérience américaine montre que les réseaux de surveillance participatif sont particulièrement utiles pour la détection précoce de cette espèce (77% des observations américaines de Popillia japonica sont issues de plateformes de sciences participatives – INRAE 2023).

Une alerte et un appel au signalement est lancé par la FREDON en France. Les signalements doivent être faits dès que la présence du Scarabée japonais est suspectée, soit en :
- envoyant un mail à alerte-vegetaux-sral.draaf-bourgogne-franche-comte@agriculture.gouv.fr , avec en objet « Signalement Popillia » et en y joignant des photos et/ou FREDON Bourgogne Franche-Comté à l’adresse suivante : https://fredon.fr/bourgogne-franche-comte/contactez-nous ou à : popillia@fredonbfc.fr
- complétant le formulaire en ligne
- Le site de FREDON FRANCE
Pour en savoir plus sur la campagne de signalement :
- Le site de la Fredon Bourgogne Franche-Comté
- Le site de la DRAAF Bourgogne Franche-Comté
Rédaction : Coraline Jabouin (OFB)
Relecture : Alexis Rondeau (RNF), Camille Bernery (Comité français de l’UICN)
Crédits de la photo en bandeau et en introduction : Popillia japonica, Italy (c) Holger Krisp, CC BY 4.0, Wikimedia Commons
REFERENCES
Althoff ER., Rice KB. 2022 Japanese beetle (Coleoptera: Scarabaeidae) invasion of North America: history, ecology, and management. Journal of Integrated Pest Management 13. https://doi.org/10.1093/jipm/pmab043.
Borner L., Martinetti D., Poggi S. (2023). A new chapter of the Japanese beetle invasion saga: predicting suitability from long-invaded areas to inform surveillance strategies in Europe. Entomologia Generalis, 43, 951–960. https://doi.org/10.1127/entomologia/2023/2073
- Borner, L., Martinetti, D., Poggi, S., 2024. A hitchhiker’s guide to Europe: mapping human-mediated spread of the invasive Japanese beetle. NeoBiota 94, 1–14. https://doi.org/10.3897/neobiota.94.126283
- Tayeh C., Poggi S., Desneux N., Jactel H., Verheggen F. 2023. Host plants of Popillia japonica : a review, Recherche Data Gouv, V2. https://doi.org/10.57745/SXZNQF