Les jussies ont fait partie des espèces évaluées dans un rapport de 2010 d’analyse des coûts économiques des espèces non indigènes envahissantes en Grande-Bretagne de près de 200 pages.
Bien que leur installation en Grande-Bretagne n’en était qu’à ses débuts, avec à l’époque de la rédaction du document seulement treize localisations connues en Angleterre et une au Pays de Galles (et aucune de ces colonisations ne semblait alors dépasser 1 acre, soit 4 046m2), suffisamment d’informations techniques et financières étaient déjà disponibles pour réaliser l’exercice.
Il était indiqué que les jussies étaient toujours vendues en Grande-Bretagne à cette même époque (l’interdiction française en vigueur depuis 2007 était signalée).
Les résultats des expérimentations ayant recours aux herbicides engagées par le Département de l’Environnement, de l’Agro-alimentaire et des affaires Rurales du Royaume-Uni (Department for Environment Food & Rural Affairs – DEFRA) y sont présentés, en rappelant la nécessité d’interventions successives. Les modalités d’interventions mécaniques et manuelles déjà développées à l’époque en France étaient également évoquées.
Quelques données disponibles de coûts, correspondant à des dépenses de recherche ou d’interventions concrètes, y figurent également, comme par exemple le coût du programme de 2006-2007 du DEFRA d’environ 10 000 £ (une évaluation plus globale d’un chercheur correspondait à une somme de 14 000 £) ou le coût d’une intervention sur le terrain en 2009 d’un montant d’environ 1 900 £ (les chiffres indiqués dans le rapport sont plus précis).
En supposant que les coûts d’intervention pouvaient être similaires pour tous les sites, le coût de contrôle annuel actuel estimé pour Ludwigia était donc d’au moins 25 000 £. Il s’agissait seulement du coût du traitement initial. En reprenant des informations issues d’autres stratégies de gestion, dont celle développée à l’époque pour gérer Hydrocotyle ranunculoides, indiquant que le coût du traitement initial était d’environ la moitié des coûts des interventions de suivi, le montant total du traitement des colonisations de jussie (indiqué “éradication” dans le document) devenait donc de l’ordre de 75 000 £.
Dans la suite de l’analyse, une évaluation de l’augmentation des coûts de gestion en lien avec la dispersion probable des jussies sur le territoire a été menée. Des éléments chiffrés provenant d’interventions menées en Californie et en France montraient la grande variabilité de ces coûts du selon les habitats et les caractéristiques de la colonisation par les jussies.
En l’absence d’éradication immédiate et d’interdiction de vente des jussies, leur propagation sur le territoire était très probable. Le recours systématique aux herbicides sur de nombreux sites pouvait alors devenir dommageable pour l’environnement, amenant, comme dans d’autres pays, à utiliser des méthodes d’enlèvement mécanique des plantes. En appliquant diverses hypothèse de calculs, portant à la fois sur des probabilités de pourcentages de colonisations par les jussies des zones humides, des plans d’eau et des cours d’eaux de l’ensemble du Royaume-Uni (Angleterre, Écosse et Pays de Galles) et sur des évaluations de dépenses des travaux fondées sur des coûts relatifs à la gestion d’autres espèces en Grande-Bretagne (dont encore Hydrocotyle ranunculoides) et dans d’autres pays, les auteurs présentent un ensemble de données prévisionnelles de coût, non détaillées ici, mais dont le cumul donnerait pour les interventions de traitement initial un coût total dépassant de peu 80 millions £.
En reprenant l’hypothèse concernant le traitement initial comme équivalent à seulement la moitié des coûts des interventions de suivi, le coût total de l’éradication des jussies (si elles venaient à coloniser tous les sites potentiels en Grande-Bretagne) pourrait donc être de plus de 240 millions £. Les auteurs concluaient le chapitre concernant les jussies en indiquant que la stratégie d’éradication risquait de nécessiter une longue période de temps induisant des coûts plus élevés mais que cette évaluation devait être considérée comme une estimation prudente du coût d’éradication (“as a conservative estimate of the eradication cost“).
La conclusion générale de ce document était que, pour l’économie britannique, ces coûts considérables et généralisés de gestion des EEE étaient susceptibles d’augmenter au fur et à mesure des arrivées de nouvelles espèces et que les espèces déjà présentes deviendraient envahissantes. Les auteurs recommandaient que des mesures continuent d’être prises pour empêcher l’introduction et l’établissement de nouvelles EEE en Grande-Bretagne, tout en agissant également sur les EEE déjà répandues. Si le coût de ces mesures de gestion pouvait paraître élevé, ce serait de l’argent bien dépensé (“it is money well spent“), car sans elles, les coûts futurs de gestion des EEE pour l’économie britannique pourraient être beaucoup plus élevés.
Lien vers le rapport complet (en anglais) :