Connaissez-vous la Salsepareille à feuilles rondes (Smilax rotundifolia) ?

Il se peut que le nom de Salsepareille puisse vous évoquer un souvenir concernant la nourriture préférée des Schtroumpfs citée au cours des multiples aventures des nains bleus des bandes dessinées de Peyo ou, de manière plus prosaïque, cette plante également appelée liseron épineux, la  Salsepareille d’Europe (Smilax aspera), une liane méditerranéenne et sud-atlantique connue pour ses usages ornementaux, alimentaires et médicinaux.

En revanche, ce n’est probablement pas le cas pour l’espèce à feuilles rondes (S. rotundifolia) qui a été observée le 3 septembre de cette année pour la première fois dans l’hexagone lors d’une prospection de terrain d’Aurélien Caillon (botaniste au CBNSA). Probablement implantée depuis longtemps au Pian-Médoc, une commune située au Nord-Ouest de l’agglomération bordelaise, la plante y colonise plusieurs hectares d’aulnaies marécageuses et de chênaies-charmaies où plusieurs milliers d’individus forment des draperies denses pouvant atteindre plusieurs mètres de hauteur sur certains arbres.

Smilax rotundifolia ©Aurélien Caillon (CBNSA)

Cette liane vivace est caractérisée par des tiges ligneuses anguleuses ou arrondies présentant de fortes épines d’accrochage pouvant atteindre 5 à 10 mètres de longueur. La forme de ses feuilles et la couleur de ses fruits permettent de limiter les confusions avec d’autres espèces de Smilax dont S. aspera ou S. excelsa. Par ailleurs S. rotundifolia peut développer des vrilles facilitant son ascension dans la végétation.

Il est possible que l’extension de l’espèce soit plus importante que ce qui a pu être observé et sa dispersion peut par ailleurs être assurée par les oiseaux consommant ses fruits, aussi est-il apparu indispensable de faire immédiatement état de cette découverte. A cette fin, un document d’alerte a été rédigé et diffusé en octobre et une actualité mise en ligne sur le site du Conservatoire Botanique National Sud-Atlantique.

Une espèce nord-américaine

Cette plante indigène nord-américaine est largement répandue dans les milieux forestiers du sud-est et de l’est des États-Unis et de l’est du Canada (Carte du GBIF, Carte de FNA). Selon le document consulté ses tiges peuvent atteindre 6 mètres de longueur.

Elle peut se développer dans presque tous les types de milieux, y compris les zones humides et s’installer dans les forêts, les espaces verts le long des routes, etc. Dans les clairières en forêt, elle peut former des fourrés denses et infranchissables qui peuvent aussi constituer des abris favorables aux petits mammifères et aux oiseaux.

Dans son aire d’origine, les fruits et feuilles pouvant persister jusqu’à la fin de l’hiver font de S. rotundifolia une plante ressource très importante en hiver pour l’alimentation des animaux sauvages (fruits pour les oiseaux et feuilles pour des mammifères comme le cerf de Virginie ou les lagomorphes).

Smilax rotundifolia ©Aurélien Caillon (CBNSA)

Ses rhizomes peuvent persister pendant plusieurs années après que la plante ait été détruite par le feu ou d’autres perturbations. Les graines produites annuellement sont dispersées par les animaux et l’eau en présentant une capacité de germination accrue dans des conditions de lumière favorables.

Par son abondance relative dans les territoires concernés, elle est généralement classée en tant que « préoccupation « . La carte ci-dessous établie par NatureServe, une organisation américaine à but non lucratif compilant les données de biodiversité, en montre les différents statuts de conservation selon les états.

Dans les informations sur l’écologie de l’espèce figurent des éléments portant sur ses capacités de régénération après des incendies : ses rhizomes lui permettent en effet de repousser rapidement avec des développements végétatifs au printemps et en automne et les incendies ouvrant les canopées des forêts denses la favorisent.

Si les parties aériennes de la plante sont bien détruites par le feu, les repousses de la plante peuvent être très rapides. Par exemple, dans des expérimentations de brulages dirigés dans le New Hampshire, deux ans après ces incendies la densité de S. rotundifolia était revenue à sa valeur d’origine.

Répartition mondiale

La carte de répartition mondiale du GBIF signale la présence de l’espèce dans quelques sites non nord-américains,  quelques-uns en Europe et à la .

Carte de répartition mondiale de S. rotundifolia (GBIF)

Selon la note d’alerte, l’espèce a été signalée en Belgique (Kortessem, 1990) ainsi qu’en Grèce, au Pays-Bas et en Turquie.

N. B. : sur la carte du GBIF, le point situé dans le sud de l’hexagone fait référence à une donnée de fossile provenant d’Aix-en-Provence appartenant à la collection de fossiles du MNHN !

Élargir sa détection pour tenter de l'empêcher de gagner du territoire, certainement, mais intervenir ?

Selon l’actualité diffusée par le CBNSA, des impacts négatifs de l’espèce ont été constatés dans les sites européens où elle a déjà été signalée. Son architecture, comme ses capacités d’accrochage dans les arbustes et arbres proches, semblent en faire une espèce colonisatrice très efficace. De plus, la densité et le mélange de ses tiges parmi la végétation support devrait rendre pour le moins complexe toute intervention pour les retirer sans dommage pour ses supports comme pour les sols.

La note d’alerte donne quelques éléments d’information sur ce point mais rappelle que la priorité sur cette espèce devrait porter sur sa détection pour obtenir des observations permettant des interventions rapides dès le début d’une nouvelle colonisation.

En effet, dans le site du Pian-Médoc, avec un tel stade de colonisation déjà avancé empêchant son éradication, toute intervention de gestion devrait être conduite avec beaucoup de précautions pour réduire ses impacts sur l’aulnaie et la chênaie et risque de rencontrer d’importantes difficultés d’accès aux massifs de lianes épineuses et inextricables.

Rédaction : Alain Dutartre (Expert indépendant),

Relectures : Aurélien Caillon (CBNSA), Camille Bernery (Comité français de l’UICN)

Crédits des photos de l’article et en bandeau : Aurélien Caillon (CBNSA)

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