Le Raton laveur est un carnivore introduit en Europe et en France depuis près d’un siècle et en pleine expansion en Auvergne depuis une dizaine d’années. Considéré comme une espèce exotique envahissante, et malgré une campagne active de piégeage et de chasse, son éradication de la région Auvergne est désormais peu probable, l’habitat et la ressource alimentaire locales ne constituant pas des limites pour cette espèce très adaptable. Compte tenu de ses capacités d’adaptation, il est susceptible de concurrencer les carnivores autochtones, et représente une source potentielle de prédation directe mais aussi de déprédation (dégâts) sur de nombreuses espèces, animales comme végétales, sauvages comme cultivées ou domestiques. Son régime alimentaire en région Auvergne demeure cependant inconnu.
En vue d’améliorer les connaissances, le Groupe Mammalogique d’Auvergne (GMA) a réalisé de 2015 à 2017 une étude portant sur son régime alimentaire. Initiée par la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, réalisée en collaboration avec cette dernière, l’ONCFS, le CEN Auvergne et les Fédérations régionales de chasse et de piégeage, l’étude visait à analyser le contenu des tubes digestifs d’un maximum d’individus, non tués spécifiquement pour les besoins de l’étude mais récupérés à la suite d’actions de piégeage, de chasse ou encore après des collisions routières. Malheureusement, pour des raisons techniques et pratiques, certaines des conventions de partenariat prévues n’ont pu être menées à bien et la collecte des cadavres a abouti à un échantillon plus restreint qu’initialement espéré.
Le contenu des tubes digestifs de 18 individus a ainsi été analysé, et les diverses sources de nourriture ingérées ont été identifiées. Si l’échantillonnage reste trop faible pour préciser les caractéristiques de son régime alimentaire, les résultats suggèrent cependant pour l’espèce un régime de type mixte (« omnivore »), associant des proies animales à une nourriture d’origine végétale. Une trentaine de taxons ont ainsi été identifiés dans les échantillons de bol alimentaire analysés.
Dans la composante animale de ces bols alimentaires, de petits vertébrés (petits et moyens passereaux, mais aussi un Canard colvert et des amphibiens) ont été découverts, de même que des invertébrés, comme des larves d’insectes, des insectes adultes, des Annélides, des Crustacés ou des Gastéropodes. D’après l’origine de ces proies, on peut constater que la prédation s’exerce aussi bien en milieu terrestre qu’aquatique, ce qui correspond bien aux habitudes de « chasse » décrites pour l’espèce.
Au sein de la composante végétale, les céréales (maïs, blé, tournesol, avoine) et les fruits (noisettes, glands, prunelles) apparaissent régulièrement, selon leur disponibilité saisonnière. Ils constituent le plus souvent l’essentiel de la biomasse absorbée. Le poids du bol alimentaire mesuré a varié de 10 g environ à près de 150 g, mais cette information doit être interprétée avec prudence compte tenu de la rapidité de digestion des carnivores. Le type et l’origine des éléments végétaux consommés confirment que le Raton laveur se nourrit à la fois dans le milieu naturel (glands, noisettes) et dans les cultures, que ce soit en plein champ ou dans les sites de stockage, mais aussi sur les sites d’agrainage cynégétiques des oiseaux et sangliers (observations réalisées par piège vidéo).
L’opportunisme alimentaire du raton laveur semble donc se confirmer dans notre région, notamment par la fréquentation de multiples milieux naturels différents pour la recherche de nourriture. Des investigations complémentaires s’avèrent indispensables pour compléter ces informations, relatives notamment à la consommation de proies de grande taille, d’espèces patrimoniales, ou encore à la consommation de déchets.
Au terme de ce premier travail préliminaire, il nous semble nécessaire d’envisager les pistes de travail suivantes :
- Mettre en place un dispositif de veille scientifique, sanitaire et technique destiné à recenser et collecter systématiquement les individus signalés morts ou à tenter d’organiser un dispositif systématique de récupération des individus pour poursuivre les analyses de bols alimentaires.
- Travailler plus précisément sur l’impact du Raton laveur sur certaines espèces patrimoniales, par exemple sur des sites spécifiques de conservation de ces dernières.
- Surveiller la fréquentation des poubelles et des sites de stockage des ordures ménagères par le Raton laveur, ainsi que les nuisances associées qui demeurent encore rares et/ou mal connues à l’échelle régionale.
- Poursuivre notre participation aux travaux complémentaires menés sur l’espèce (répartition, flux de dispersion, diversité génétique, etc.).
Charles Lemarchand, Groupe Mammalogique d’Auvergne
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