“Le «ver mangeur de lombric» déferle sur la France”
Publié le 26 juin sur le site “lefigaro.fr”, le titre de cette information avait de quoi effrayer tous les jardiniers et les personnes informées sur les rôles que jouent les lombrics dans le fonctionnement et la fertilité des sols !
En fait de ver il s’agit d’un plathelminthe, un ver plat appartenant à un groupe d’animaux comportant environ 20 000 espèces, largement répandues sur la planète, dont certaines, comme les planaires, sont libres et aquatiques, d’autres sont parasites d’organismes aquatiques ou terrestres, voire des humains comme la douve du foie ou le ténia. De nombreuses espèces parasites peuvent infecter les oiseaux, ce qui peut faciliter leur transport d’un continent à un autre. Mais ce n’est sans doute pas de cette manière que le ver “mangeur de lombric” de l’article, plathelminthe terrestre vivant sur le sol, est arrivé en métropole : il a très bien pu voyager sous forme adulte ou larvaire dans de la terre à l’occasion des innombrables échanges commerciaux mondiaux en matière d’horticulture…
Les plathelminthes terrestres
Ce sont tous des prédateurs ou des nécrophages consommant des animaux de la faune du sol. Les plathelminthes indigènes ne dépassent pas 20 mm de longueur, ce qui les rend très peu visibles. Ce n’est pas le cas des espèces exotiques considérées comme invasives recensées depuis 2013 (article paru dans la revue Phytoma) par Jean-Lou Justine, chercheur au Museum National d’Histoire Naturelle de Paris (MNHN). En effet ces animaux peuvent mesurer 30 à 65 mm et jusqu’à 20 à 40 cm de longueur pour une espèce : ils sont donc beaucoup moins discrets. Dans l’article figurent des cartes d’observations de ces sept espèces à l’échelle départementale.
Toutes les espèces de plathelminthes terrestres exotiques considérés comme invasifs appartiennent à une même famille (Geoplanidae) et sont surtout originaires de l’hémisphère Sud (Australie, Nouvelle-Zélande, Amérique du Sud) et d’Asie, surtout du Sud-Est.
Leur dispersion sur la planète est évidemment liée aux échanges commerciaux et l’évaluation de leurs impacts dans les régions d’introduction commence à être documentée.
Parmi ces espèces, Platydemus manokwari a été récemment découverte en métropole dans les serres du Jardin des Plantes de Caen. Elle fait partie des 100 espèces considérées comme les plus envahissantes à l’échelle mondiale (“100 World’s Worst Invader Alien Species”) : http://www.issg.org/database/species/ecology.asp?si=133&fr=1&sts=&lang=EN
Une découverte récente en métropole
Le déclenchement des investigations sur ces organismes semble bien être l’observation d’un plathelminthe exotique dans trois localités en métropole durant l’hiver 2012 – 2013, qui a conduit à un appel à témoin lancé par le MNHN en avril 2013 : (http://inpn.mnhn.fr/actualites/lire/1181/wanted—appel-a-temoin-) suivi en février 2014, d’un second appel : http://inpn.mnhn.fr/actualites/lire/2601/signalez-nous-la-presence-des-plathelminthes-vers-plats-terrestres
Hormis l’espèce P. manokwari déjà citée, une autre des sept espèces recensées en métropole reste pour le moment dépourvue de nom scientifique : sa détermination resterait donc à faire. Dans l’article paru dans la revue Phytoma, Jean-Lou Justine précise que cette espèce “marron plate“, dont le régime alimentaire est composé de vers de terre semble “potentiellement l’espèce la plus dangereuse pour l’agriculture” mais il précise que “son impact exact sur les populations de vers de terre” n’est pas connu. Des investigations complémentaires sont donc indispensables pour déterminer cette espèce et évaluer les dommages qu’elle pourrait causer en métropole sur les populations de vers de terre indigènes.
Une forte dynamique d’acquisitions d’informations
Des informations actualisées sont accessibles sur le blog : https://sites.google.com/site/jljjustine/plathelminthe-terrestre-invasif. Par ailleurs, en complément de l’article sur la première observation de Platydemus manokwari en métropole, un second article vient de paraître sur des observations nouvelles de cette espèce dans d’autres territoires comme la Nouvelle Calédonie (incluant la Grande Terre et les îles Loyautés de Lifou et Maré), les îles de Wallis et de Futuna, les îles Salomon, Singapour, Porto Rico et la Floride.
Ainsi, en un plus de deux années de nombreuses informations ont été collectées sur ces espèces peu visibles mais pouvant présenter des impacts dont il est actuellement difficile d’envisager l’ampleur.
Une question subsiste sur la date d’arrivée réelle de ces espèces en métropole : leurs tailles peu importantes ont pu leur permettre une dispersion relativement large en métropole avant que des observations soient effectivement réalisées et transmises aux personnes compétentes. Ceci expliquerait peut-être le bilan actuel de leur répartition départementale (article Phytoma).
Enfin, une approche participative est clairement engagée sur le sujet et, en complément d’une recommandation de “porter systématiquement des gants avant de manipuler n’importe quel plathelminthe“, les particuliers, et “notamment les jardiniers“, sont invités à signaler toute présence de ver suspect en suivant la procédure indiquée sur le site Internet suivant : https://sites.google.com/site/jljjustine/plathelminthe-terrestre-invasif/que-faire-si-je-trouve-un-plathelminthe