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Partagez vos observations de Bunias d’Orient !

Le Bunias d’Orient ou Roquette d’Orient (Bunias orientalis L.) est une plante herbacée vivace de la famille des Brassicacées. Originaire d’Europe de l’Est et d’Asie, depuis des observations dispersées en métropole au cours du 19e siècle, il colonise aujourd’hui largement la moitié Est du territoire. Sa forte dynamique d’expansion et sa capacité à dominer des végétations rudérales mais aussi prairiales en font une plante exotique envahissante à surveiller de près.

Un inventaire participatif « Mission Flore » est lancé afin d’améliorer la connaissance sur sa répartition, de mesurer son expansion et de pouvoir agir dès son apparition sur un nouveau territoire (aller sur le site de la mission).

 

Présentation de l’espèce

Description

Fig.1 : Fleur de Bunias orientalis © Martin Kopf, Gentiana

Le Bunias d’Orient (Bunias orientalis L., 1753), également connu sous le nom de Bunier, Roquette d’Orient ou Roquette turque, est une plante herbacée vivace de la famille des Brassicacées.

Le genre Bunias L. est un genre méditerranéo-asiatique comptant trois espèces dans le monde, dont deux sont présentes en France : Bunias orientalis L. et Bunias erucago L. qui est indigène (Tison & De Foucault, 2014). La troisième espèce, Bunias cochlearioides Murray, semble présente dans une large partie de l’Asie jusqu’au Sud-Est de la Russie et l’Ukraine. (Hoff, 2009). D’après P. Fournier (Hoff, 2009), le nom bunias vient de « bonias » désignant le navet.

Bunias orientalis est une hémicryptophyte (plante vivace dont les organes permettant de passer la mauvaise saison se situent au niveau du sol) développant une large rosette de feuilles basales de laquelle émergent les tiges florifères dressées et robustes pouvant atteindre 150 voire 200 cm (Laser & Kaden, 2007). Ses tiges sont ramifiées dans la partie supérieure, glabres ou à poils raides éparses et glanduleux. Les feuilles (fig.2 et 3) présentent une variabilité de forme : les basales généralement entières, lancéolées à marge sinuée à dentée,  peuvent atteindre 40 à 50 cm de long pour une largeur de 3 à 9 cm ; les caulinaires, plus petites, sont souvent divisées avec un segment terminal hasté (élargissement à la base en deux lobes aigus et divergents).

Fig.2 : Feuilles de Bunias orientalis © Martin Kopf, Gentiana

Fig.3 : Bunias orientalis © Benjamin Grange, Gentiana
Fig.4 : Fruit de Bunias orientalis © Martin Kopf, Gentiana

L’inflorescence est une grappe rameuse (qui possède des ramifications), dressée, allongée, 4-6 (8) axes de 25 à 35 cm de longueur. Les fleurs jaunes présentent quatre pétales arrondis de 4 à 8 mm de long (fig. 1). Les fruits allongés en forme de poire sont caractéristiques de l’espèce. Il s’agit de silicules (fruits secs déhiscents, c’est-à-dire à ouverture brusque) ovoïdes de 6-10 mm, dissymétriques, luisants et couverts de petits tubercules très visibles (fig.4).

Enfin, le système racinaire se structure autour d’une racine pivot très robuste pouvant faire plusieurs dizaines de centimètres de longueur. La durée de vie d’un individu semble plutôt longue, à priori supérieure à une douzaine d’année (Birnbaum, 2006).

Risque de confusion
Le Bunias d’Orient peut être confondu avec d’autres espèces de Brassicacées à fleurs jaunes telles que :

– le Bunias fausse roquette (Bunias erucago L.), au port généralement plus petit et dont le fruit tétraédrique porte quatre ailes longitudinales.
– la Moutarde sauvage (Sinapis arvensis L.), dont les fruits (siliques) sont beaucoup plus allongés.

Écologie
Le Bunias d’Orient est une plante héliophile, appréciant les terrains relativement humides et plutôt eutrophes. Il se développe fréquemment en contexte rudéral (bords de routes, lisières de culture…) mais également en milieux prairiaux au sein des prairies mésophiles de fauche ou pâturage (Laser & Kaden, 2007 ; Hoff, 2009). Il semble relativement indifférent à la nature du sol et à son pH.

Il peut être présent dans les étages collinéen et montagnard (signalé par exemple jusqu’à 1 345 m dans la Forêt Noire (Hoff, 2009)).

Phénologie
La floraison est abondante et étalée dans le temps de mai à août (Tison & De Foucault, 2014). De même, la fructification peut se dérouler de juillet à octobre.

Reproduction et mode de dispersion
Le Bunias d’Orient peut être considéré comme entomophile bien que les quantités de nectar et sa concentration en sucre soient assez faibles (Denisow et al., 2016). Les fleurs sont pollinisées par des hyménoptères à langues courtes telles que des bourdons (Bombus terrestris, Bombus lapidarius), l’abeille à miel (Apis mellifera) ou encore de petites abeilles des sables (Andrena sp.) (Schürkens & Chittka, 2001 ; Denisow, 2004).

La dispersion naturelle des graines (3 000 à 4 500 graines par plant) se fait essentiellement par gravité au pied de la plante mère, mais certaines activités humaines participent grandement à sa propagation, telles que des pratiques agricoles comme le transport de foin ou les déplacements de sols… Il est probable que des graines puissent être également disséminées par les véhicules le long des axes routiers comme semble l’indiquer la répartition des observations dans des territoires récemment colonisés. Les graines semblent avoir une durée de vie longue de plusieurs dizaines d’années. Les semis connaissent un faible taux de mortalité et une croissance vigoureuse (Birnbaum, 2006).

De plus, les capacités de régénération à partir d’un fragment de racine sont très importantes : un fragment d’un centimètre peut suffire (Steinlein & Dietz, 2002).

La fondation ou la régénération d’une population peut être basée à la fois sur des graines (reproduction sexuée) et des fragments de racines (reproduction végétative), même lorsqu’ils sont enfouis sous une couche de sol épaisse (Dietz et al., 1999).

Usages, aire d’origine et répartition

L’aire d’origine du Bunias d’Orient se situe en Europe de l’Est, Caucase et Sud de la Russie et Sud-Ouest de l’Asie (Harvey et al., 2010 ; Dietz et al, 1999). Les populations au Sud-Est de Vienne (Autriche) sont considérées comme indigènes. La dissémination de l’espèce vers l’Europe semble avoir débuté au 17e siècle (Birnbaum, 2006).

Il s’agit d’une plante comestible pour l’homme et le bétail. Pour la consommation humaine, les jeunes feuilles peuvent se manger cru, en salade, ou cuites. Elle était également utilisée en tant que fourrage. D’ailleurs, selon Birnbaum (2006), son introduction en Europe centrale et Europe de l’Ouest semble liée à l’armée russe qui l’utilisait en complément d’alimentation pour les chevaux. Puis, après la première guerre mondiale, ce sont vraisemblablement des importations de fourrage qui ont permis son arrivée en France.

La dynamique de colonisation semble s’être accélérée à la fin du 20e siècle (Birnbaum, 2006). Bunias orientalis est maintenant présent dans la majorité des pays européens ainsi qu’en Amérique du Nord (GBIF en ligne).

En métropole, ses premières mentions rapportées par Marcel Coquillat (1948) remontent au 19e siècle : dans les environs de Paris en 1819, 1827 et 1837, Millau (Aveyron) en 1877, Romont (Vosges) en 1888.

Dans son article, l’auteur indiquait également qu’à l’époque de sa publication l’espèce était considérée comme rare, mais localement envahissante, y faisant alors l’objet d’arrachages. Actuellement, elle est disséminée dans toute la moitié Est et le Nord du pays, il atteint l’Auvergne à l’ouest et la région Occitanie vers le sud. Certaines implantations sont particulièrement importantes en Isère (Matheysine), dans le Jura, l’Alsace ou encore la Limagne (SINP en ligne).

Impacts sur la biodiversité et les activités agricoles

Les populations de Bunias peuvent fortement couvrir les sols et dominer la végétation (Laser & Kaden, 2007), y compris dans des couverts de prairies permanentes, notamment au sein de l’alliance de l’Arrhenaterion eliatoris. (photo) Cette concurrence réduit considérablement la diversité du cortège végétal.

Prairie colonisée par Bunias orientalis © Martin Kopf, Gentiana

Les interactions plantes-insectes sont encore méconnues mais certaines études montrent un faible intérêt voire un impact négatif du Bunias d’Orient sur des papillons indigènes (piérides) (Harvey et al., 2010). Par ailleurs, si B. orientalis est plutôt mellifère, l’impact de sa floraison massive, attirant certains pollinisateurs (abeilles, bourdons…) au détriment de la pollinisation des plantes indigènes reste à définir (Denisow et al., 2016).

D’un point de vue agricole, la valeur fourragère de l’espèce (digestibilité) diminue avec son âge physiologique, lors de la floraison puis de la fructification (Laser & Kaden, 2007). Il semble que les jeunes pousses sont consommées par le bétail, si celui-ci y a été habitué. Mais dans de nombreux cas il s’agit de refus. Peu d’informations sont disponibles concernant la consommation du Bunias d’Orient une fois sec dans le fourrage.

Règlementation

Le Bunias d’Orient est considérée comme espèce invasive dans le cadre de l’Arrêté du 24 avril 2015 relatif aux règles de bonnes conditions agricoles  et environnementales (BCAE) : à ce titre la plante ne peut pas être utilisée dans les couverts des bandes tampons.

Méthodes de gestion

Lorsque le Bunias d’Orient est bien établi, il n’existe pas de moyen de gestion efficace permettant son éradication. La surveillance et la prévention sont donc essentielles pour espérer limiter son expansion.

Prévention :

  • Éviter la mise à nu du sol favorable à sa propagation : travail mécanique de labour, grattage superficiel du sol, écorchement de la végétation par le surpâturage ou encore la présence de taupinières (Kiełtyk & Mirek, 2015).
  • Limiter la dissémination en évitant le transport et l’usage des foins ou terres contaminées.
  • Nettoyer le matériel de fauche après passage sur un site où l’espèce est présente.
  • Arracher les jeunes plants en prenant soin d’extraire l’intégralité de son système racinaire.
  • Limiter les fertilisations excessives qui le favorisent.
  • Ne pas faucher ni exporter lorsque la plante est en graines.

Méthode de gestion sur des sites colonisés :

Afin d’obtenir un résultat satisfaisant, les actions de gestion doivent être maintenues pendant plusieurs années :

  • Arrachage manuel ou mécanique et surveillance des secteurs arrachés.
  • Densification de la végétation par sur semis avec des espèces locales couvrantes.
  • Fauchage répété avant floraison et durant plusieurs années (attention, évitez la fauche tardive qui favorise sa propagation).
  • Habituer les animaux à la consommation de la plante juvénile au printemps.

Dans la mesure du possible, l’intervention (arrachage manuel ou mécanique) doit se faire avant la floraison afin de ne pas contribuer à la dispersion des graines.

 

 

Rédaction : Martin Kopf, Gentiana

Relecture : Madeleine Freudenreich et Emmanuelle Sarat (Comité français de l’UICN), Alain Dutartre (expert indépendant)

 

Pour aller plus loin :

 

Bibliographie :

  • Birnbaum, C. (2006). NOBANIS – Invasive Alien Species Fact Sheet – Bunias orientalis. – From: Online Database of the European Network on Invasive Alien Species – NOBANIS www.nobanis.org, Date of access 18/08/2021.
  • Coquillat M. (1948). Au sujet de Bunias orientalis L.. In: Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 17ᵉ année, n°2, février 1948. pp. 29-31.
  • Denisow B. (2004). Dynamics of blooming and insect visits on several (Brassicaceae = Cruciferae Juss.) species. J Apic Sci 48(2):13–21
  • Denisow, B. & Masierowska, M. & Antoń, S. (2016). Floral nectar production and carbohydrate composition and the structure of receptacular nectaries in the invasive plant Bunias orientalis L. (Brassicaceae). Protoplasma. 253. 10.1007/s00709-015-0902-6.
  • Dietz, H. & Steinlein, T. & Ullmann, I. (1999). Establishment of the invasive perennial herb Bunias orientalis L.: An experimental approach. Acta Oecologica-international Journal of Ecology – ACTA OECOL. 20. 621-632. 10.1016/S1146-609X(99)00104-6.
  • Harvey, J. & Biere, A. & M. Fortuna, T. & Vet, L. & Engelkes, T. & Morriën, E. & Gols, R. & Verhoeven, K.J.F. & Vogel, H. & Macel, M. & Heidel-Fischer, H. & Schramm, K. & Putten, W. (2010). Ecological fits, mis-fits and lotteries involving insect herbivores on the invase plant, Bunias orientalis. Biological Invasions. 12. 3045-3059. 10.1007/s10530-010-9696-9.
  • Hoff, M. (2009). Le bunias d’orient (bunias orientalis l., Brassicaceae) dans le kochersberg (bas-rhin) et en alsace. Une nouvelle espece envahissante bunias orientalis (turkish rocket) in the kochersberg and in alsace. An new invasive species. Bulletin de Liaison de la Société Botanique d’Alsace. 26. 23-38.
  • Info Flora (2019). Espèces de la Liste Noire Bunias d’Orient Bunias orientalis L. (Brassicaceae, Crucifère), 02/11/2020, https://www.infoflora.ch/assets/content/documents/neophytes/inva_buni_ori_f.pdf
  • Kiełtyk, P. & Mirek, Z. (2015). Importance of molehill disturbances for invasion by Bunias orientalis in meadows and pastures. Acta Oecologica. 64. 10.1016/j.actao.2015.02.007.
  • Laser, H. & Kaden, A. (2007). Der Neophyt Bunias orientalis L.-Ausbreitung und Beeinträchtigung der Futterqualität auf Glatthaferwiesen.
  • MNHN & OFB . 2003-2021. Fiche de Bunias orientalis L., 1753. Inventaire national du patrimoine naturel (INPN), Site web : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/86975 – Le 15 août 2021
  • Schürkens S. & Chittka L. (2001). Zur Bedeutung der invasiven Kreuzblütler-Art Bunias orientalis (Brassicaceae) als Nektarquelle für mitteleuropäische Insekten. Entomol Gener 25(2):115–120
  • Steinlein,   T.   &   Dietz,   H.   (2002).   Don’t   do   anything?   Implications   of   intensive   basicresearch for successful management of the invasive alien plant species  Bunias orientalis  L.(Brassicaceae). NEOBIOTA 1: 159-160
  • Tison J.-M. & De Foucault B. (coordinateurs) (2014). Flora Gallica. Flore de France. Soc. Bot. France, Biotope éditions, 1196 p.