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Premier signalement de Limnobium laevigatum pour la flore andalouse

Limnobium laevigatum est une plante aquatique flottante native d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale. Elle a été relativement dispersée sur la planète, notamment en Europe où elle est occasionnelle en Belgique, en Hongrie et en Pologne.

En Espagne, deux individus ont été observés en 2021 dans le ruisseau Martín Gonzalo dans la province de Córdoba, ce qui constitue une première découverte pour la flore d’Andalousie (Martínez-Sagarra et al., 2021). Il s’agit en fait du deuxième signalement de cet hydrophyte pour la péninsule ibérique, où il était très récemment connu de la province de Madrid. (Corro et al., 2019).

Dans son Service d’Information 2021 no. 9, l’Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (OEPP) indique que des prospections devraient être menées dans une zone plus étendue autour des sites où l’espèce a été signalée, et que le risque phytosanitaire pour la région OEPP devrait être évalué.

 

Présentation de l’espèce

Communément appelé Grenouillette ou encore Petit nénuphar américain, Limnobium laevigatum (synonyme Hydrocharis laevigata), est une hydrophyte flottante non enracinée. La Grenouillette fait partie de la famille des Hydrocharidacées, qui tient son nom de Hydrocharis, composé des mots grecs hydro, « eau », et charis, « grâce, beauté ».

Morphologie

Rappelant les feuilles d’un nénuphar, les feuilles de L. laevigatum sont subcirculaires, flottantes, glabres et brillantes au-dessus, avec une épaisse couche de tissu spongieux rempli d’air en dessous. La base des feuilles est arrondie ou légèrement cordée. Les plantes juvéniles poussent en rosettes de feuilles flottantes qui s’aplatissent à la surface de l’eau. Un tissu d’aérenchyme spongieux est présent sur la face inférieure des feuilles des plantes juvéniles. Son système racinaire est flottant.

Couche de tissu spongieux © Noé Isaac Avalos Mojica, iNaturalist (CC BY-NC)

Développement en rosette des jeunes pousses © Carlos Domínguez-Rodríguez, iNaturalist (CC BY-NC)

A maturité les plantes peuvent atteindre une taille de 50 cm. Leurs feuilles émergentes sont portées sur des pétioles grêles (à la différence par exemple de la Jacinthe d’eau, qui possède des pétioles spongieux et gonflés).

Fleur © Rich Hoyer, iNaturalist (CC BY-NC-SA)

Les fleurs sont petites, blanches et unisexuées, avec un ovaire infère chez les femelles.

Le fruit est une capsule charnue de 4 à 13 mm de longueur et de 2 à 5 mm de diamètre, portée par un pédicelle recourbé. Il peut se développer dans la boue ou sous l’eau et contenir jusqu’à 100 graines ellipsoïdes et poilues, qui mesurent 1 mm de long (Cook and Urmi-König, 1983).

Histoire d’une introduction

Utilisée dans les aquariums et les étangs d’agrément, L. laevigatum a été introduite en Californie dans de nombreux plans d’eau, avant de se répandre dans les cours d’eau et de coloniser de plus grandes zones incluant, par exemple, le delta du fleuve Sacramento. Outre l’Amérique du Nord, l’espèce est également présente dans plusieurs pays tel que l’Australie, le Japon, l’Indonésie, la Zambie et le Zimbabwe (CABI, 2019). En Europe, elle est signalée comme étant occasionnelle en Belgique, en Hongrie et en Pologne (SI OEPP 2021/114).

En Europe, L. laevigatum est toujours commercialisée dans les jardineries. Elle y est décrite comme une plante s’adaptant aux températures du sud de la France appréciant les régions aux hivers doux. Elle est également présentée comme une plante filtrante et oxygénante, facile d’entretien et bénéfique pour les bassins, notamment grâce à son système racinaire dense qui permettrait de stabiliser les berges.

Impacts

Une évaluation du risque menée en 2013 par l’USDA (United States Department of Agriculture) a conclu que l’espèce présentait un risque important (High Risk) pour les États-Unis. Dans ce rapport, la morphologie et le cycle biologique général de L. laevigatum étaient comparés à celui de la Jacinthe d’Eau (Eichhornia crassipes), reconnue comme un envahisseur important des plans d’eau.

Le potentiel de reproduction de la Grenouillette est élevé, car elle peut se reproduire à la fois sexuellement par graines et végétativement par ramifications. Elle a également une forte capacité de dispersion : ses graines et les fragments de ses stolons sont facilement dispersés par l’eau et le vent et peuvent également être transportés accidentellement par les oiseaux et les embarcations.

En formant de vastes tapis flottants monospécifiques (avec une densité pouvant atteindre 2 500 plantes par m²), l’espèce est susceptible de modifier complètement le fonctionnement d’un plan d’eau colonisé, en bloquant l’accès à la lumière pour les autres organismes présents et en réduisant les teneurs en oxygène des  eaux (Akers, 2010 in CABI, 2019). Dans le rapport de l’USDA, il était aussi suggéré que la formation de ces tapis modifierait de nombreux processus écosystémiques tels que le cycle du carbone et des nutriments.

Présence en Europe

En Belgique, plusieurs petites populations (comportant au moins 100 individus) ont été découvertes en 2013 dans une petite rivière près de Ganshoren (Région de Bruxelles-Capitale). En Espagne, deux individus de L. laevigatum ont été observés en 2021 dans le ruisseau Martín Gonzalo (Martinez-Sagarra et al., 2021). Présents en aval du barrage du même nom, dans la province de Córdoba, il s’agit du premier signalement de l’espèce pour la flore d’Andalousie et du second pour la péninsule ibérique.

Les deux plantes n’étaient pas en fleur lors de cette dernière découverte. Un suivi devra être mené pour savoir si les plantes sont capables de persister aux conditions du milieux et de constituer une population établie (SI OEPP 2021/141).

 

Pour en savoir plus :

Références :

Rédaction : Madeleine Freudenreich, Comité français de l’UICN
Relecture : Alain Dutartre, expert indépendant

Illustration principale : © Isabel López Zilleruelo – certains droits réservés (CC BY-NC)