Pour la première fois, une base de données compilant les impacts écologiques (positifs et négatifs) des espèces végétales envahissantes à l’échelle continentale a été publiée. Cette compilation est le résultat de l’analyse de 266 publications scientifiques, se rapportant à 4 259 études de terrain, sur 104 espèces végétales exotiques envahissantes dans 29 pays d’Europe.
Description du projet
Publié dans le journal scientifique NeoBiota, le projet a été principalement financé par le Fond européen de développement régional (SUMHAL, LIFEWATCH, POPE). Il a été mené par des chercheurs espagnols (Estación Biológica de Doñana, Universidad de Sevilla, Instituto Pirenaico de Ecología et Universidad de Alcalá) et suisses de l’Université de Fribourg en Suisse.
Le but du projet était de mener une revue exhaustive des études de terrain portant sur les impacts écologiques des espèces végétales envahissantes en Europe, afin d’identifier les espèces, les pays et les habitats les plus étudiés, et de décrire la fréquence et la direction (positive ou négative) des impacts évalués.
Les impacts compilés sont classés selon trois critères :
- le niveau écologique auquel l’impact est mesuré, c’est-à-dire les espèces, les communautés et les écosystèmes ;
- le niveau taxonomique affecté par les impacts, c’est-à-dire les microbes, les plantes et les animaux ;
- le niveau trophique ces taxons affectés.
En complément de l’identification des espèces végétales envahissantes, des habitats et des types d’impact les plus étudiés, cette base de données permet une exploration des différences dans les fréquences et les directions des impacts.
Principaux résultats
Localisation des études – La moitié des études examinées ont été réalisées dans six pays (Espagne, Pologne, République thèque, Allemagne, Italie, Portugal). Certains pays, comme l’Albanie ou l’Estonie, ne comptent actuellemnt aucune étude (Figure 2).
Espèces exotiques envahissantes étudiées – Un tiers des publications analysées a porté sur les impacts de seulement 5 espèces sur 104 : Reynoutria japonica (Renouée du Japon), Impatiens glandulifera (Balsamine de l’Himalaya), Solidago gigantea (Solidage glabre), Carpobrotus edulis (Griffe de sorcière) et Robinia pseudoacacia (Robinier faux-acacia)(Figure 3). Les études sur ces cinq espèces ont surtout été réalisées au cours des deux dernières décennies et leur nombre a continué d’augmenter jusqu’à aujourd’hui.
Nature des impacts étudiés – Les impacts les plus étudiés portent sur l’abondance des espèces, suivis des impacts sur l’abondance et la diversité des communautés . Les impacts sur les plantes ont été plus étudiés que les impacts sur d’autres taxons et groupes trophiques (Figure 4a et 4d). Ensuite, les impacts les plus étudiés sont ceux sur les pollinisateurs, suivi des prédateurs et des décomposeurs (Figure 4d). Les impacts sur les communautés microbiennes, bien que moins fréquemment étudiés, ont augmenté au cours des dernières années (Figure 4a et 4b). Le nombre d’études de terrain testant les impacts sur les propriétés des écosystèmes a fortement augmenté au cours de la dernière décennie, en particulier les impacts portant sur les pools de nutriments et les minéraux du sol (Figure 4c).
Direction des impacts étudiés – Dans l’ensemble, 43% des études ont montré des impacts significatifs des plantes invasives avec plus de d’impacts négatifs (26%) que d’impacts positifs (17%) sur les variables de réponse. Bien que plus de la moitié des espèces (58 sur 104) aient des impacts dans les deux sens, 10% des espèces invasives ont montré uniquement des impacts positifs et 30% uniquement des impacts négatifs.
Perspectives
Comme décrit dans la partie résultats, les données présentes dans cette base se concentrent surtout sur quelques espèces, et dans quelques régions et écosystèmes. Des lacunes majeures de connaissances sont observées dans les pays baltes et des Balkans, ainsi que dans les déserts, les écosystèmes semi-arides, les forêts subtropicales et les hautes montagnes. Afin d’améliorer les connaissances sur les impacts des espèces végétales envahissantes, davantage d’études sont nécessaires sur les espèces localement rares et ayant une distribution restreinte, et aussi sur les impacts portant sur la modification les interactions entre les plantes, le sol et les microorganismes.
Les informations fournies dans cette base de données ont pour but d’être utilisées à des fins académiques, politiques et de gestion à l’échelle nationale, européenne et internationale.
Rédaction : Camille Bernery (UICN)
Relecture : Alain Dutartre (Expert indépendant)