Ce titre du texte mis en ligne le 17 août 2016 sur le site Internet de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture est très clair. L’alinéa de résumé ne l’est pas moins : “les déversements d’hydrocarbures suscitent beaucoup d’attention et d’angoisse du public, mais les “déversements biologiques” représentent une plus grande menace à long terme et ne sont pas perçus avec le même enjeu public élevé.” (“Oil spills garner much public attention and anguish, but “biological spills” represent a greater long-term threat and do not have the same high public profile.”)
Après des présentations rapides de quelques exemples mondiaux de ravageurs d’essences forestières ou d’espèces invasives, et avoir indiqué que la liste de ces organismes s’allongeait sans cesse, les rédacteurs rappellent l’existence de la convention internationale pour la protection des végétaux, CIPV (https://www.ippc.int/fr/). Cette convention relative à la protection des cultures contre les organismes nuisibles a été approuvée par la Conférence de la FAO en décembre 1951, comme un moyen pour aider à enrayer la propagation des ravageurs et des maladies des plantes et protéger les agriculteurs, les forestiers, la biodiversité, l’environnement et les consommateurs. Mais elle se trouve aussi sous la pression de la mondialisation des échanges commerciaux. Selon un coordinateur du Secrétariat de la CIPV, les pertes provoquées par les ravageurs exotiques tels que les mouches des fruits, les coléoptères, les champignons, etc., réduisent de 20 à 40 % les rendements globaux des cultures.
L’article de la FAO porte plus particulièrement sur le rôle que peuvent jouer les conteneurs comme transporteurs d’espèces (“Trade as a vector, containers as a vehicle“). Près de 90 % du commerce mondial actuel est transporté par mer, ce qui correspond annuellement à environ 527 millions de voyages de conteneurs maritimes. Les cargaisons transportées et les conteneurs eux-mêmes sont des vecteurs de propagation d’EEE. La multiplicité des ports (autant de points d’entrée d’espèces) et l’absence d’accord actuel sur une méthode d’inspection des conteneurs rend extrêmement difficile la surveillance de ces flux d’espèces.
Par exemple, l’analyse de plus de 110 000 conteneurs maritimes vides arrivant en Nouvelle-Zélande au cours des cinq dernières années a montré qu’un conteneur sur 10 était contaminé à l’extérieur, soit deux fois le taux de contamination intérieure. Parmi les ravageurs observés se trouvaient le Bombyx disparate, l’escargot géant africain, les fourmis d’Argentine et la punaise diabolique, des menaces pour les cultures, les forêts et les milieux urbains.
Halyomorpha halys, dénommée en français punaise diabolique, et en anglais “the dreaded brown marmorated stink bug“, c’est à dire quelque chose comme “la punaise redoutée puante veinée de brun”, profite d’ailleurs du fait que de nombreuses cargaisons se déplacent vers l’intérieur des terres pour se disperser rapidement. Cette espèce qui s’attaque aux fruits et aux cultures est connue pour apprécier les abris que lui offrent les conteneurs et s’installer dans les habitations. Elle cause de gros dégâts aux USA, a été repérée en Europe depuis 2007 et en Alsace en 2012. Une enquête est actuellement en cours dans le cadre d’un programme commun INRA/MNHN (voir la lettre d’information du GT IBMA numéro 8).
La Nouvelle-Zélande a imposé un système de biosécurité et d’hygiène des conteneurs dans sa démarche de contrôle des introductions d’espèces. Elle repose sur un partenariat avec l’industrie du transport maritime et des inspections dans une multitude de ports du Pacifique en offrant comme incitation économique une réduction des inspections à l’arrivée pour ceux qui s’y conforment. Les taux de contamination étaient supérieurs à 50 % avant l’adoption de ce système il y a dix ans, ils ont depuis chuté de 90 %.
C’est dans ce contexte que la Commission des mesures phytosanitaires de la CIPV a adopté en 2015 une recommandation encourageant les organisations nationales de protection des végétaux à communiquer sur les risques posés par les conteneurs maritimes (CPM-10/2015/1) et à soutenir la mise en œuvre des parties connexes du Code de pratiques de l’ONU pour le chargement des cargaisons d’unités de transport (Code CTU), un guide non réglementaire destiné à l’industrie.
Parmi les éléments de cette “recommandation sur les conteneurs maritimes” figure le recueil et le partage d’informations sur les mouvements des espèces invasives via les conteneurs eux-mêmes. Alors qu’un large consensus se dégage actuellement sur le fait que les risques liés à ces flux d’espèce sont suffisamment importants pour justifier des actions, cela pourrait permettre d’analyser les risques phytosanitaires et d’amener les parties-prenantes à mettre en œuvre un système pour répondre à ces préoccupations.
Le texte se conclut en notant qu’il s’agit pour le moment d’une approche “wait and see” laissant du temps aux parties-prenantes pour mettre en œuvre des mesures volontaires “douces” (“soft measures“), le développement de bonnes pratiques et une mise en œuvre accélérée des procédures existantes. En fonction du succès de ces efforts, la Commission réexaminera dans le futur le développement possible d’une norme internationale.
Alain Dutartre, 9 septembre 2016
http://www.fao.org/news/story/en/item/412511/icode/
Décidément ces espèces exotiques ne font rien pour qu’on les aime…