Une dizaine de coquilles identifiées comme étant celles d’Hawaiia minuscula ont été trouvées dans une serre en Corrèze en 2014. Il s’agit de la première citation de cette espèce cosmopolite en France métropolitaine.
Un escargot minuscule dispersé par les échanges de végétaux
Hawaiia minuscula est une espèce d’escargot originaire d’Amérique du nord que l’on rencontre aujourd’hui dans de nombreux pays suite à des introductions involontaires liées aux échanges commerciaux entre les continents. Les échanges de végétaux (orchidées par exemple) et de matériel d’horticulture favorisent sa dispersion.
Cet escargot porte bien son nom de « minuscula » puisque sa coquille très déprimée mesure au maximum 2 mm de diamètre. La spire est très peu élevée. L’ombilic large et profond (1/3 du diamètre) est centré. La coquille compte entre 3 ½ et 4 tours augmentant régulièrement. Les sutures sont marquées. Les stries de croissances radiales sont fines mais visibles. La présence de stries spirales est caractéristique.
Une espèce cosmopolite mais actuellement cantonnée dans les serres en Europe
L’espèce est présente actuellement à l’extrême est de la Russie (Kraï du primorie) (Sysoev, 1999), en Afrique du Sud (Herbert, 2010), en Argentine (Rumi et al., 2010), en Colombie (Hausdorf, 2002), sur la côte est de l’Australie (Smith, 1992), en Israël (Roll et al., 2008), en Grèce, à Hawaii et autres îles du Pacifique (Preece, 1995 ; Cowie, 1997, 2001), dans les Antilles, en Guadeloupe notamment (Bertrand, com. pers.), en Jamaïque (Rosenberg et al., 2006), aux Bahamas (Deisler et al., 1984), aux Bermudes (Bieler et al., 2000), à Madère (Seddon, 2008), en Asie (Peile, 1936), au Japon (Kano, 1996 ; Ueshima et al., 2000, Sasaki, 2008), en Nouvelle Calédonie (Solem, 1964).
Plus proche de nous, Hawaiia minuscula est connue en Grande Bretagne et en Irlande (Anderson, 2005), en République Tchèque et en Slovaquie (Mácha, 1988 ; Horsák et al., 2013), en Allemagne (Benecke , 1996), en Suède (Proschwitz, 1996), en Pologne (Kaszuba et al., 2008 ; Sysoev et al., 2009), aux Pays-Bas, au Maroc (Seddon, 2008), en Norvège (Olsen, 2002), dans la Péninsule Ibérique (Quiñonero Salgado et al., 2013), en Autriche (Reichütz 2002), sur l’Ile d’Elbe (Benocci et al., 2014) et ailleurs en Italie (Bodon, 2004). Fransisco Welter-Schultes propose une carte de répartition de l’espèce en Europe de l’Ouest dans son ouvrage « European non-marine molluscs. A guide for species identification » (2012). Cette carte illustre bien le fait que nos connaissances actuelles sont incomplètes.
Capable d’exploiter une large variété d’habitats dans son aire d’origine, il semble qu’en Europe cette espèce se cantonne pour le moment dans les serres ou à proximité immédiate.
Découverte récente de l’espèce en France
C’est d’ailleurs dans une serre horticole du centre de Brive-la-Gaillarde (19) qu’une coquille a été collectée par Isabelle Naudon le 20 avril 2014. Cette coquille a été identifiée comme étant Hawaiia minuscula par Pascal Duboc puis confirmé par Alain Bertrand quelques semaines plus tard.
Une seconde visite rapide de ces serres le 4 novembre 2014 a permis de collecter une dizaine de coquilles supplémentaires de l’espèce. En revanche aucun individu vivant n’a été trouvé. Aucune prospection n’a été faite aux alentours. Rien n’indique qu’une population viable fréquente ces serres.
Des conséquences qui restent à évaluer
Etant souvent cantonnée aux serres ou à des pots contenant des bambous, il semble qu’à ce jour cette espèce ne présente pas de caractère envahissant. A l’échelle mondiale, aucun impact n’a été rapporté ou n’a fait l’objet d’études. En Corrèze, aucune conséquence n’a pour l’instant été notée sur les végétaux des serres ou sur le peuplement malacologique des serres. Il n’est pas certain que les individus arrivés en France à Brive-La-Gaillarde puissent fonder une population, mais c’est une espèce qui mériterait d’être surveillée afin de mieux évaluer l’évolution de son aire de répartition et sa dynamique en France.
La découverte de ce minuscule escargot illustre le rôle primordial des naturalistes présents sur le terrain dans la détection d’espèces exotiques et l’importance des échanges d’informations entre les différentes parties-prenantes de l’ « observation » et de la « gestion » de la nature.
Isabelle NAUDON*, David NAUDON*, Pascal DUBOC*.
naudon.david@wanadoo.fr ; dubocpa@wanadoo.fr
* : Membres fondateurs de la Société Limousine d’Etudes des Mollusques.(SLEM)
Remerciements
Merci à Alain Bertrand, Cédric Audibert, Sylvain Vrignaud et Romuald Dohogne pour leur aide et leur disponibilité. Merci à Messieurs Meyrignac (établissement horticole à Brive-la-Gaillarde) pour leur accueil.
Bibliographie
Binney A., 1840. A monograph of the helices inhabiting the United States. Boston Journal of Natural History 3 (4): 421-438, Pl. XI, XX-XXV [= 11, 20-25].
Hausdorf B., 2002. Introduced land snails and slugs in Colombia. J.Moll. Stud. 68, 127–131.
Horsák M., Juřičková L., Picka J., 2013. Měkkýši České a Solvenské republiky / Molluscs of the Czech and Slovak Republics. Zlin: Kabourek, 264 p.
Kaszuba M. & Stworzewicz E., 2008. Hawaiia minuscula (A.Binney, 1841). Another alien species in Poland (Mollusca: Gastropoda: Zonitidae). Folia Malacol. 16, 27–30.
Mácha S., 1988. Další nový druh měkkýše v našich sklenících – Hawaia minuscula (Binney, 1840). Časopis Slezského Muzea (A), Slezské muzeum Opava, Opava, 37(1): 63-64.
Proschwitz T. von, 1996. Additional records of Hawaiia minuscula (Binney) and Helicodiscus (Hebetodiscus) singleyanus inermis (Baker) from Sweden. Journ. Conch., London, 35: 451-452; London.
Sysoev A. & Schileyko A. A., 2009. Land snails and slugs of Russia and adjacent countries. Sofia – Moscow: Pensoft, 312 p., 142 pl.
Welter-Schultes F., 2012. European non-marine molluscs, a guide for species identification. Planet Poster Editions. 680 p.