Déploiement de la stratégie transnationale de lutte contre Cortaderia selloana dans l’Arc atlantique

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© F. Beck – CEN NA

L’Herbe de la Pampa (Cortaderia selloana) est une espèce exotique envahissante originaire d’Amérique du Sud dont la dynamique de colonisation des espaces sur les côtes atlantiques et méditerranéennes de l’Europe est désormais très préoccupante. Elle est un facteur de perte de biodiversité dans les milieux qu’elle colonise, et elle engendre des coûts importants pour les gestionnaires d’espaces confrontés à sa présence. Son pollen allergisant constitue également un problème de santé publique. Dans ce contexte, le programme européen Life Stop Cortaderia, initié au Portugal et en Espagne, met en place une stratégie transnationale de gestion de cette espèce ayant pour objectif de limiter la prolifération de l’espèce en mobilisant l’ensemble des parties prenantes impliquées dans les trois pays de l’arc atlantique. Les acteurs français sont ainsi appelés à adhérer à cette stratégie et à contribuer aux efforts collectifs pour enrayer le développement de cette espèce.

Avec leurs 2 à 3 mètres de haut et de large, les touffes d’Herbe de la Pampa ne passent pas inaperçues. Encore moins lorsqu’elles fleurissent en fin d’été, période durant laquelle elles présentent alors de grands plumeaux de couleur blanc, argenté, ou crème à roussâtre. C’est d’ailleurs pour ces atouts esthétiques qu’elle a largement été employée comme plante d’ornement dans les aménagements urbains et les jardins des particuliers.

L’espèce colonise principalement les friches industrielles où les sols ont été récemment remaniés. À partir de ces zones d’implantation, elle forme des peuplements qui, du fait des grandes dimensions des individus de l’espèce, sa forte capacité de compétition et l’absence d’herbivores la consommant, deviennent rapidement monospécifiques et réduisent ainsi la biodiversité des milieux colonisés. Sa croissance rapide et l’accumulation d’une importante biomasse aérienne et souterraine lui permettent de capter la lumière, l’humidité et les nutriments au détriment des autres plantes. Son installation conduit très souvent à des modifications de la structure et de la composition de la végétation et représente une menace de banalisation écologique des sites côtiers, dunaires et les pelouses une fois que les plantules sont installées.

Les milliers de graines produites par chaque plumeau sont efficacement dispersées par le vent dans tous les milieux favorables et par les déplacements d’air causés par les véhicules le long des infrastructures de transport : autoroutes, voies de chemin de fer, etc. C’est à partir de milieux anthropisés (jardins, parcs publics, voies de transport) qu’elle accède aux milieux naturels et s’y implante. Sa présence dans les marais, dunes et landes côtières est d’autant plus problématique que ces milieux d’importance écologique sont déjà très fortement impactés par d’autres perturbations humaines comme l’urbanisation ou l’intensification des pratiques agricoles.

Des impacts économiques et sanitaires

En plus des dommages que sa prolifération peut engendrer dans les milieux naturels, l’espèce occasionne également des impacts économiques dans les espaces anthropisés et particulièrement dans les espaces péri-urbains. Sa gestion incombant dans ces zones aux collectivités territoriales ou aux entreprises engendre des coûts importants pour en libérer ces espaces. Par ailleurs, l’importante biomasse aérienne produite est hautement inflammable, y augmentant les risques d’incendies.

Sa période de floraison (août-septembre) étant décalée par rapport à celle de la plupart des graminées indigènes (avril à juin), le pollen allergisant de l’Herbe de la Pampa contribue ainsi à prolonger la période des « rhumes des foins » et à aggraver les problèmes de santés des personnes sensibles. Cet impact sanitaire a été démontré à l’hôpital universitaire central des Asturies (Espagne) dans une étude qui montre un nouveau pic d’allergies aux graminées à l’automne, dont l’ampleur tend à se développer, même s’il reste moins important que celui du printemps[1]. L’Herbe de la Pampa s’installant préférentiellement dans les milieux péri-urbains, ce phénomène automnal touche surtout les citadins.

Par ailleurs, à cause de ses longues feuilles rendues particulièrement coupantes par leurs bordures de fines dents pourvues de pointes en silice, il existe un risque de blessures pour les passants et les techniciens qui s’aventureraient trop près de celle-ci.

Peuplement monospécifique d’Herbe de la Pampa à Bayonne, entre l’Adour et la voie ferrée, en continuité de la zone d’activité – crédit : F. Beck – CEN NA

Une stratégie de contrôle transnationale

La dynamique d’invasion de l’Herbe de la Pampa est importante sur l’ensemble des côtes européennes de l’Atlantique et de la Méditerranée. Face à ce constat, un programme Life « Stop Cortaderia » a débuté en 2018 en Espagne et au Portugal. Établi pour une période de 4 ans, il est dédié au contrôle de cette espèce. Leur site internet stopcortaderia.org y présente l’Herbe de la Pampa, les actions entreprises et divers documents associés au projet.

Un des axes de travail de ce programme porte sur la mise en place d’une stratégie de gestion se développant au-delà des territoires concernés de l’Espagne et du Portugal. Cette “Stratégie transnationale de lutte contre Cortaderia dans l’arc atlantique” permet ainsi d’associer les acteurs français dans les efforts de coordination existants pour améliorer le contrôle de cette espèce. Dans cet effort de coopération internationale, un KIT Stop Cortaderia de plusieurs documents (contenant notamment un manuel de bonnes pratique pour le contrôle de Cortaderia, ainsi que la stratégie transnationale) a été traduit en plusieurs langues, dont en Français.

La stratégie développée dans le cadre de ce LIFE est conçue comme un outil d’aide à la mise en œuvre de mesures pour atteindre les engagements des organismes y ayant adhéré. Elle repose sur 7 fondements :

  1. L’arrêt de la propagation de l’Herbe de la Pampa, avec la mise en place d’actions de prévention et d’un système de détection précoce ;
  2. La réduction de la présence de l’espèce, avec une stratégie d’intervention « de l’extérieur vers l’intérieur » (voir plus bas) dans les espaces présentant un intérêt écologique particulier ;
  3. La restauration et le suivi post-interventions ;
  4. L’amélioration des connaissances et la mise en place d’actions de recherche (expérimentations de nouvelles méthodes de gestion, contrôle biologique, etc.) ;
  5. La communication, la formation et la sensibilisation ;
  6. Le renforcement de la législation et des possibilités de financement ;
  7. Les responsabilités et le rôle des différentes parties prenantes impliquées (administrations, gestionnaires d’espaces, propriétaires, organismes de recherches, collectivités, etc.).

Méthode d’intervention et phase d’actions

Figure 1 : Schéma de la méthodologie d’intervention proposée par la stratégie LIFE Stop Cortaderia

Le deuxième fondement de cette stratégie transnationale préconise une méthodologie d’intervention allant “de l’extérieur vers l’intérieur”, c’est-à-dire que la priorité est mise sur la détection et l’éradication des pieds isolés et localisés dans les secteurs les plus périphériques, pour empêcher l’installation durable de l’espèce et son expansion à de nouveaux territoires (« l’extérieur »). Une fois l’espèce régulée dans les zones périphériques à son aire de forte présence, les interventions de gestion sont dirigées vers les populations plus anciennes et de tailles plus importantes, vers le « cœur » de la zone d’implantation (« l’intérieur ») (Figure 1).

Figure 2 : Facteurs influençant les coûts

Pour accompagner les structures adhérentes dans l’application de cette méthodologie, la stratégie fournit des éléments permettant de mettre en place une démarche coordonnée, allant d’une analyse du contexte d’intervention au suivi post-intervention. Les facteurs influençant le coût des interventions de gestion sont également identifiés et synthétisés (Figure 2).

Des fiches détaillant les différentes techniques de gestion sont ensuite proposées (arrachage manuel, arrachage mécanique, coupe des inflorescences, occultation, débroussaillage, application d’herbicide, traitement mixte). La gestion des déchets produits lors des interventions est également abordée dans une partie dédiée tout comme les actions de suivi à mettre en place une fois le chantier réalisé.

Pour recenser les initiatives de gestion existantes, partager les bonnes pratiques, fournir des conseils et un appui technique aux structures ayant adhéré à la stratégie, les porteurs du Life Stop Cortaderia mettent à disposition des documents pratiques sur les méthodes d’intervention possibles, grâce à un manuel de bonnes pratiques disponible dans le Kit.

==> Télécharger le KIT Stop Cortaderia

Deux tutoriels vidéos sont également disponibles en ligne pour expliquer comment extraire les pieds d’Herbe de la Pampa de taille petite et moyenne.

Ils précisent que les racines sont peu profondes et qu’il est possible soit de simplement tirer sur les petits pieds, soit d’utiliser une houe après avoir coupé les feuilles (aux grands sécateurs type “ciseaux” ou à la débroussailleuse).

Mobilisation des particuliers et des collectivités

Les secteurs les plus concernés par le développement de l’Herbe de la Pampa sont actuellement les côtes de l’Atlantique et de la Méditerranée (Figure 3). L’éradication de l’espèce dans les secteurs présentant des populations importantes ne semble plus envisageable et nécessiterait de mobiliser des moyens humains et financiers peut-être trop importants au regard des résultats escomptés.

Figure 3 : Présence de Cortaderia selloana en métropole (SiFlore, 2020)

C’est pour ces raisons que la détection précoce et l’intervention rapide constituent les méthodes les mieux adaptées pour limiter la dispersion de l’espèce. Dans les secteurs déjà largement colonisés par l’espèce, les interventions doivent se concentrer sur les pieds isolés et les petites populations installées sur des superficies réduites. La stratégie appelle donc à une surveillance accrue du territoire et incite également les particuliers à sensibiliser leurs élus et les services techniques de leurs communes, en les invitant à adhérer à la stratégie transnationale de lutte contre l’Herbe de la Pampa.

Les organismes qui souhaitent adhérer sont invités à remplir la lettre annexée au présent document ou à la télécharger à partir du site web du projet LIFE STOP Cortaderia, qui dispose de toutes les informations utiles : http://stopcortaderia.org/language/en/ strategy/

Parmi les partenaires français, le Conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine a adhéré à la Stratégie transnationale en octobre 2020.

Pour aller plus loin :

L’Herbe de la Pampa est largement dispersée sur la planète (voir sa répartition sur la carte mondiale).

En France, hormis la métropole, l’espèce est également présente en Polynésie et en Nouvelle Calédonie., ainsi qu’à La Réunion où elle fait l’objet d’interventions de gestion depuis 2011.

Une autre espèce de Cortaderia, très proche de la précédente, C. jubata ou Herbe de la pampa pourpre, est envahissante dans les îles tropicales et subtropicales (Hawaii, Nouvelle-Zélande) où des interventions de gestion sont déjà en place. Cette dernière semble encore absente des milieux naturels français, mais son introduction en Europe comme plante ornementale en raison de ses grandes inflorescences violettes et ses caractéristiques écologiques similaire à C. selloana en font une espèce à surveiller. Inscrite sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union Européenne, des mesures de régulation devront être mises en place si la plante venait à être observée sur le territoire.

Rédaction : Florent Beck, CEN Nouvelle-Aquitaine

Relectures : Madeleine Freudenreich et Emmanuelle Sarat, Comité français de l’UICN, Alain Dutartre, expert indépendant

Crédits photo : F. Beck – CEN NA

[1] Indurot-Universidad de Oviedo, 2017. Actuaciones contra el plumero de la Pampa (Cortaderia selloana) en el Principado de Asturias. Diseño, seguimiento, supervisión y análisis de la experimentación metodológica. Consejería de Infraestructuras, Ordenación del Territorio y Medio Ambiente, Gobierno del Principado de Asturias.

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