Du côté de la mise en œuvre des conventions et directives internationales sur la gestion des eaux de ballast et des biosalissures

 In Actualités, ENI

Deux actualités de ces derniers mois, l’une australienne et l’autre française, permettent d’illustrer la mise en œuvre concrète des conventions et directives internationales sur la gestion des eaux de ballast et des biosalissures (fouling).

 

Biosécurité marine et encrassement biologique – exemple de l’Australie

Relatées dans le numéro 25 de la lettre d’information du Centre de ressources, les mésaventures du navire de croisière bloqué en mer ont largement été reprises dans la presse internationale en raison de son interdiction d’accoster dans les ports australiens et néo-zélandais pour cause de présence de biosalissures sur la coque (janvier 2023). Ces deux pays sont en effet à la pointe du déploiement de stratégies de biosécurité marine effectivement mises en œuvre.

Au large de l’Australie, des centaines de touristes bloqués, un bateau de croisière empêché d’accoster à cause de ses biosalissures : https://www.liberation.fr/environnement/biodiversite/au-large-de-laustralie-un-bateau-de-croisiere-empeche-daccoster-a-cause-de-ses-biosalissures

Contrairement à la mise en œuvre de la convention internationale sur les eaux de ballast (BWM), réglementairement contraignante pour les États signataires, la gestion des biosalissures est laissée à l’appréciation des États avec un accompagnement de l’Organisation maritime internationale (OMI) sous forme de directives, de guides de gestion et de programmes internationaux de montée en compétence (consultez l’article à ce sujet : Publication d’un guide pratique sur la gestion de l’encrassement biologique (biofouling) des navires de plaisance)

L’Australie s’est dotée d’un plan stratégique national de biosécurité marine (2018-2023) mettant en avant des actions visant à minimiser les risques d’introduction, d’établissement et de propagation des ENI marines. Ce plan est accompagné d’un programme de surveillance et de contrôle, d’un guide de réponses d’urgence en cas d’introduction, d’un programme de recherche et de mobilisation des acteurs.

Concernant les biosalissures, le gouvernement australien est allé plus loin en 2021 (avec mise en œuvre effective en 2022), en adoptant des exigences strictes en matière de gestion (DAWE, 2022). Ainsi, chaque navire étranger se doit de fournir des informations concernant la gestion des biosalissures avant son entrée dans les eaux australiennes afin de permettre aux services de contrôle de mieux cibler les inspections et d’apporter une réponse rapide en cas de risques jugés inacceptables.

Selon les nouvelles exigences, les navires se doivent :

  • De démontrer la présence à bord d’un plan de gestion efficace des biosalissures et d’un tableau de bord de la mise en œuvre (notamment les dates et types d’opérations de nettoyage) ;
  • Ou d’avoir nettoyé la coque dans les 30 jours précédents l’arrivée dans les eaux australiennes ;
  • Ou d’avoir mis en œuvre une méthode de gestion alternative, pré-approuvée par le ministère.

Afin d’accompagner les opérateurs marins, des guides de gestion des biosalissures ont été édités pour chaque catégorie de navire : navires récréatifs, de pêche ou de commerce, activités aquacoles, industries pétrolières et pour les gestionnaires d’infrastructures portuaires.

Même si l’Australie a déployé une première phase transitoire du 15 juin 2022 au 15 décembre 2023 pour la mise en œuvre de ces nouvelles exigences (Australian Maritime Safety Authority, 2023), le gouvernement n’a pas hésité à interdire l’accès à ses ports à ce navire de croisière n’ayant pu prouver qu’il respectait au moins l’une des exigences requises. La Nouvelle-Zélande s’est également alignée sur cette position.

La France n’applique pas encore de politique de biosécurité marine sur la gestion des biosalissures. L’exemple de l’Australie pourrait inspirer nos futures actions, dans le cadre du plan d’action pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes et des exigences de la Directive cadre Stratégie milieu marin (DCSMM).

 

Biosécurité marine et eaux de ballast – exemple de mise en œuvre française de la BWM

La France ayant ratifié en 2008 la Convention internationale sur la gestion des eaux de ballast (convention BWM), elle se doit de mettre en œuvre les exigences réglementaires associées. Ces exigences réglementaires sont spécifiées sur le site de l’OMI et transposées en droit français dans le décret 2017-1347.

Des dispositions avaient déjà été prises en France en 2006 (Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques) pour prévenir, réduire et finalement éliminer le déplacement d’organismes aquatiques nuisibles et pathogènes au moyen du contrôle et de la gestion des eaux de ballast et des sédiments des navires, et une section de Code de l’environnement détaille les dispositions relatives au contrôle et à la gestion des eaux de ballast et des sédiments des navires (Articles L218-82 à L218-86)

Le 8 novembre 2022, le Directeur général des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture a interdit l’accès aux ports et aux mouillages de l’ensemble du territoire national au navire Conti Greenland, battant pavillon du Libéria. Ce navire ne répondait pas aux exigences de la BWM car il aurait dû être équipé d’un système de traitement des eaux à même de satisfaire les exigences de la norme D-2. Le Directeur général de l’administration et de la modernisation (DGAM) a jugé que cette absence présentait un risque manifeste pour l’environnement marin. En conséquence, le navire a fait l’objet d’une décision d’immobilisation (Consultez la décision de refus d’accès aux ports et au mouillage).

Bien que moins médiatisée que la première, probablement parce qu’elle concernait le banal équipage d’un navire de transport pétrolier et non quelques centaines de malheureux touristes, cette actualité permet cependant de mieux faire connaître le circuit de contrôle de la mise en œuvre de la BWM en France, encore assez peu connu des acteurs marins comme les gestionnaires d’aires marines protégées.

Les 16 Centres de sécurité des navires (CSN), services spécialisés des Directions interrégionales de la Mer et des directions de la mer (outre-mer) sont chargés d’inspecter les navires de commerce, de pêche et de plaisance à utilisation commerciale. Outre les agents des CSN, les agents des unités littorales des affaires maritimes peuvent être amenés à effectuer des contrôles.

La mission de contrôle des navires français se distingue par sa diversification croissante. Au-delà des stricts enjeux inhérents à la sécurité du navire, les inspecteurs exercent également leurs attributions dans les domaines de :

  • la sûreté des navires ;
  • l’environnement : application des nombreuses dispositions destinées à minimiser l’impact environnemental des navires (peintures sous-marines, régulation des rejets, etc…) ;
  • et en matière sociale.

Concernant, l’inspection des navires de commerce étrangers : tout navire étranger faisant escale dans un port européen est inspecté au moins une fois sur une période de 3 ans. Les agents des CSN peuvent ainsi monter à bord des navires concernés pour vérifier la présence à bord du plan de gestion des eaux de ballast, du registre de gestion et du certificat international BWM.

Concernant les déballastages en mer, les Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) sont susceptibles d’être destinataire des signalements ou sont susceptibles d’être interrogés par les armateurs. En cas de doute sur la licéité du rejet, le CROSS pourra informer le CSN du port de destination du navire, s’il est situé en France. En cas de destination dans un port étranger, le CROSS informera la Direction des Affaires maritimes.

Le rejet d’eaux de ballast non conforme aux règles de la BWM est constitutif d’un délit au titre duquel le capitaine du navire encourt un an d’emprisonnement et 300 000 € d’amende (Article L.218-84 Code de l’environnement).

Au-delà de ces constats réglementaires, les CSN constatent fréquemment que les équipages méconnaissent les exigences de la BWM et que des déballastages illégaux se produisent toujours alors que l’échéance de mise en conformité des navires de 2024 approche à grand pas. Les contrôles porteront alors sur l’analyse des eaux par des laboratoires agréés par l’État.

D’importants efforts d’informations sont encore à mener pour mieux faire connaître les enjeux liés aux ENI marines auprès des gestionnaires de zones portuaires ou d’aires marines protégées à proximité de grands ports de commerce.

Rédaction : Coraline Jabouin, Office français de la biodiversité

Relecture : Madeleine Freudenreich (Comité français de l’UICN) et Alain Dutartre (expert indépendant)

 

Pour en savoir plus :

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