Entretien du groupe de travail EEE bassin Loire-Bretagne : « Une expérience construite en réseau »

 In Entretiens

Bonjour, qui êtes-vous et dans quelle région agissez-vous ?

Je m’appelle Alan Méheust, je suis chargé de mission EEE au pôle Loire et programme de la Fédération des conservatoires d’espaces naturels (FCEN). Je suis animateur d’un groupe de travail sur les EEE, sur un périmètre assez spécifique, celui du bassin Loire-Bretagne, qui correspond au territoire de l’Agence de l’eau du même nom, ma mission est développée dans le cadre du « Plan Loire Grandeur Nature ».

Qui sont vos partenaires ? Avec quels organismes travaillez-vous le plus souvent ?

J’ai la chance de travailler avec des acteurs assez variés. Je travaille avec les autres animateurs de coordinations territoriales sur les EEE, qui sont devenus mes interlocuteurs principaux et avec lesquels je discute le plus régulièrement. Historiquement, nous avons aussi la chance d’échanger avec de nombreux gestionnaires et chercheurs, mais également avec le Centre national de ressources EEE, ainsi que tous les partenaires institutionnels (établissements public, services de l’État et des collectivités, etc.)

“Le groupe de travail s’appuie sur des coordinations territoriales qui assurent l’animation d’un réseau sur tout le bassin Loire-Bretagne”

Quelles sont vos principales missions et objectifs ?

Mon objectif est de faire vivre ce réseau d’acteurs, de stimuler le retour d’expériences pour améliorer les pratiques, tout en les adaptant au contexte particulier du bassin Loire-Bretagne. Ma première mission, est de veiller à ce que les informations circulent bien entre les membres du groupe de travail (GT EEE). Nous avons par exemple une lettre d’information et échangeons beaucoup par e-mails. Je fournis aussi un appui technique, et je réponds aux sollicitations que l’on peut nous envoyer. Lorsque nous n’avons pas les éléments de réponse, nous identifions et sollicitons des personnes ressources. Je développe également différents outils planifiés dans le cadre de la stratégie de bassin sur les EEE.

La deuxième partie qui m’occupe de manière importante c’est donc la coordination de cette stratégie. Nous avons notamment coordonné sa rédaction et nous occupons de la mise en œuvre et du suivi des actions, avec la proposition d’indicateurs et la rédaction de bilans.

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette stratégie ?

La Stratégie de gestion des EEE du bassin Loire-Bretagne a vu le jour en 2014. Il s’agit donc d’une stratégie antérieure à la stratégie nationale EEE et à la plupart des déclinaisons régionales. Le bassin hydrographique a été identifié comme une échelle pertinente permettant de répondre aux enjeux des invasions biologiques à l’échelle écologique cohérente, complémentaire aux échelons administratifs, régionaux, ou départementaux. L’objectif de notre stratégie est avant tout de structurer l’appui aux gestionnaires et d’améliorer la gestion des EEE sur le bassin Loire-Bretagne, par un appui technique, par un appui à la formation et par la production d’outils. Les actions d’acquisition des connaissances et de communication visent à répondre aux besoins des gestionnaires du bassin.  La stratégie est un document partagé à l’échelle du bassin, intégré dans le Plan Loire Grandeur Nature et rédigé avec les membres du GT EEE, après une phase de co-construction.  Cette stratégie s’est étendue sur une période de sept ans (2014-2020) et nous sommes donc maintenant dans une période de transition, vers un nouveau programme d’actions.

Peux-tu présenter en quelques mots ton groupe de travail et sa structuration ?

Le GT EEE Loire-Bretagne est l’un des premiers groupes de travail EEE, il existe depuis 2002. Initié par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, il est animé par la FCEN depuis 2007. Cette longévité confère une réelle expérience à ce réseau. Nous réussissons à bien suivre les actions entreprises, notamment grâce aux personnes impliquées depuis longtemps dans la thématique et au sein du réseau. Aujourd’hui, le GT est bien reconnu à son échelle, pour les actions menées et celles en cours. Notre réseau s’organise autour d’une centaine de membres, et se base maintenant sur les coordinations territoriales qui ont progressivement vu le jour. Elles constituent le relais principal avec les gestionnaires de leur territoire. Le GT EEE interagit avec des structures très variées, des CEN, des CPIE, des EPTB, des FREDON des ARB, etc. Nous nous appuyons aussi beaucoup sur des contributions d’experts, qui sont très impliqués dans le groupe depuis ses origines.

Nous interagissons avec toutes les coordinations présentes sur le bassin Loire-Bretagne. Depuis quelques années, des interactions se sont créées et sont de plus en plus régulières avec des coordinations présentes en dehors du bassin, notamment via le réseau des CEN mais aussi à travers le réseau des animateurs de groupe de travail sur les EEE (qui n’intègre pas que les CEN) et par notre présence au sein du REST EEE.

Quelles sont les espèces concernées par vos actions ?

Nous travaillons sur toutes les espèces exotiques envahissantes de faune et de flore, nous allons surement nous nous recentrer sur les espèces inféodées aux milieux aquatiques et humides dans les prochaines années, notamment pour rester en cohérence avec les objectifs et le périmètre du Plan Loire Grandeur Nature. Par exemple, nous ne traitons pas les invasions biologiques en milieux marin.

Quelles sont les EEE sur lesquelles vous êtes actuellement les plus sollicités ?

Comme historiquement nous étions plutôt tournés vers la flore aquatique, nous avons beaucoup de sollicitations concernant ce groupe. Nous avons également un certain nombre de sollicitations pour des espèces assez présentes et problématiques dans les collectivités comme l’ailante (Ailanthus altissima) ou la renouée (Reynoutria japonica). Ce sont des espèces pour lesquelles on nous demande souvent de l’information et des retours d’expérience de gestion. Pour la production d’outils et les nouvelles actions, nous essayons avec les membres du GT de documenter les espèces émergentes et d’avoir dès maintenant des informations sur leur gestion pour ne pas être pris au dépourvu.

En parlant d’espèces, avez-vous une liste pour le bassin ?

Nous avons une liste de bassin, qui existe depuis 2002, soit dès la création du GT EEE. Il s’agissait d’une liste assez courte comportant 20 espèces. Des mises à jour sont maintenant régulières (tous les deux ou trois ans), et cette liste est construite selon une méthode développée pour le bassin Loire-Bretagne. Cette méthode se base sur les espèces concernées par de la gestion, pour répondre aux besoins et préoccupations des gestionnaires. Il y a aujourd’hui 71 espèces végétales et 37 animales considérées comme exotiques envahissantes sur notre territoire. Dans les prochaines années, je souhaiterais que la liste devienne plus opérationnelle pour les gestionnaires. Quelle prenne en compte les priorités locales d’interventions, le type de milieu et les orientations de gestion des financeurs.

Xenopus laevis - Rodolphe Olivier

Xenopus laevis © Rodolphe Olivier

Si vous aviez la possibilité de faire disparaître de votre région une population d’EEE, laquelle serait-ce et pourquoi ?

Le Xénope lisse (Xenopus laevis) est une espèce qui m’inquiète beaucoup. Disons que c’est une espèce qui n’a pas un capital sympathie très important. Plus sérieusement, elle est plutôt difficile à détecter, avec une dynamique très préoccupante. Les efforts mis en place pour gérer cet amphibien notamment dans le cadre d’un programme Life (Life CROAA) ont cependant permis de mieux comprendre la dynamique d’invasion de cette espèce et d’expérimenter des méthodes de gestion.

Sur quel(s) projet(s) travaillez-vous actuellement (ou avez-vous travaillé récemment) ?

Il y en a beaucoup ! Ce qui m’occupe déjà depuis plus d’un an et qui va encore bien m’occuper dans les prochains mois, c’est le bilan et les perspectives de la stratégie et du programme d’actions du bassin. C’est une étape importante car l’évolution de ce cadre se fait dans un contexte très différent de celui d’il y a 7 ans. Il y a de gros enjeux pour le bassin, et de belles perspectives de travail pour le GT, par exemple la documentation des approches écosystémiques de gestion des EEE.  En plus de cela, je suis bien occupé par l’organisation de notre journée technique, qui aura lieu le 12 octobre dans la Creuse sur la prise en compte des EEE dans les documents de planification (plus d’informations ici). J’essaie aussi de relancer, d’ici la fin de l’année, un groupe de travail sur la faune exotique aquatique. Sinon pour donner deux exemples d’outils sur lesquels je travaille et qui reflètent bien ce que nous sommes amenés à faire dans nos missions : (1) je réalise une synthèse de la veille documentaire qui est faite depuis 2014 avec ma collègue documentaliste et qui constitue une mine d’informations prête à être analysée ; et (2) sur le côté plus technique, je vais produire une note sur l’organisation de chantiers bénévoles (en lien avec l’enquête de 2020), pour rappeler les éléments essentiels à l’organisation de ce type de chantiers et répondre aux besoins exprimés dans l’enquête. Ces deux documents seront publiés d’ici la fin de l’année.

Rencontrez-vous des difficultés ou des contraintes sur certaines thématiques ?

Il s’agit plus de difficultés que de contraintes, mais l’intégration d’acteurs économiques est compliquée à mettre en place car l’échelle du bassin n’est pas la plus pertinente pour eux. Pourtant, nous avons besoin d’eux pour travailler sur les voies d’introduction, des acteurs du paysage et des réseaux de transports. J’aimerais pouvoir mieux intégrer ces acteurs dans le GT EEE, pour qu’ils interviennent plus régulièrement à nos réunions. Par ailleurs je porte une attention particulière à l’émergence de stratégies régionales. C’est une bonne nouvelle, et il nous faut accompagner ces démarches, notamment pour assurer une bonne cohérence avec la stratégie de bassin. Cela demande un travail d’articulation complémentaire, mais c’est aussi très stimulant et de nouveaux liens se créent.

Comment décririez-vous votre réseau en un mot ?

Expérience ! Dans ce réseau, il y a des personnes qui sont là depuis longtemps, et qui disposent d’une une vision assez complète de la problématique des EEE à notre échelle. Quand on nous sollicite, cette expérience est vraiment utile et ce mot est donc vraiment approprié pour décrire notre réseau.

Pour finir, quel est l’aspect de votre travail que vous appréciez le plus ?

Personnellement, c’est de répondre aux sollicitations et aux demandes des acteurs de mon réseau. J’ai l’occasion de me rendre utile auprès des personnes qui ont besoin d’informations sur les EEE et notamment auprès des gestionnaires. Je pense aussi qu’on a réussi, avec les personnes qui m’ont précédé et avec le GT EEE, à bien être identifiés sur le bassin et à faire connaître notre travail et nos actions. Et ça c’est vraiment valorisant.

 

Lien et ressources à partager :

 

Rédaction : Cet entretien a été mené le 15 juillet 2021, en présence de Madeleine Freudenreich (Comité français de l’UICN) et Alan Méheust (Fédération des conservatoires d’espaces naturels). Une relecture a été réalisée par Emmanuelle Sarat (Comité français de l’UICN).

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