Evaluation des progrès récents dans la réalisation des objectifs d’Aichi à propos des EEE

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Parmi les divers documents disponibles en ligne en consultation préalable à la réunion de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques dans le cadre de la CDB (voir l’article à ce sujet) se trouvait également une “Évaluation scientifique actualisée des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs d’Aichi relatifs à la diversité biologique et options permettant d’accélérer ces progrès“.

Après un rappel du contexte, signalant particulièrement la quatrième édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique de 2014 et des progrès encourageants accomplis vers la réalisation de certains objectifs, ce document de 40 pages liste environ 130 points concernant les progrès accomplis en s’appuyant sur plus de 340 articles scientifiques publiés entre 2014 et 2018. Les points 66 à 73 de cette liste portent sur les EEE et rassemblent de nombreux éléments illustrant le vaste panorama des recherches menées dans ce cadre. Ces différents points sont repris et traduits ci-dessous.

 

  1. Les voies d’introduction des espèces exotiques envahissantes sont généralement bien identifiées, mais il est suggéré qu’une plus grande attention soit accordée à l’identification des mécanismes liés à la propagation de ces espèces une fois qu’elles ont été introduites afin que les mesures appropriées puissent être plus facilement prises[i]. Par exemple, un examen de 22 articles de recherche examinant la dispersion des espèces végétales exotiques a révélé que les oiseaux aquatiques, tels que les canards, les oies, les cygnes, les hérons et les goélands, étaient des mécanismes communs d’introduction secondaire[ii]. De plus, même si les voies sont relativement bien connues, les données sur l’établissement et la propagation des espèces sont limitées[iii].

 

  1. Diverses approches de hiérarchisation des espèces exotiques envahissantes potentielles ont été examinées dans la littérature. Certaines de ces approches, telles que FinnPrio en Finlande, ont été élaborées à la lumière de contextes nationaux spécifiques[iv]. D’autres, tels que le Système de notation d’impact générique qui comptabilise 12 types d’impacts et de risques associés, sont plus généraux[v]. D’autres approches plus générales incluent le potentiel d’impact relatif qui tente de déterminer l’impact des systèmes de gestion et les conséquences de certaines EEE sur des environnements spécifiques[vi], classant les EEE selon l’ampleur de leurs impacts[vii] pout évaluer les risques à venir en fonction des expériences des environnements proches[viii].

 

  1. Un certain nombre d’obstacles à l’application des programmes d’analyse des risques phytosanitaires ont également été identifiés dans la littérature, notamment le manque de professionnels formés, la présence de biodiversité vulnérable, l’éloignement des zones considérées et la prise en compte de questions culturelles, économiques et sociales, pouvant impacter les populations[ix]. Des études ont également identifié des moyens d’améliorer l’efficacité des programmes d’analyses de risque phytosanitaire en assurant, par exemple, la participation d’experts locaux, y compris les populations autochtones et les communautés locales[x].

 

  1. Des études ont également exploré différentes techniques pour identifier les espèces exotiques envahissantes. Celles-ci incluent l’utilisation de l’ADN environnemental (ADNe) pour identifier l’ADN des espèces envahissantes potentielles à partir d’autres espèces invasives connues[xi]. Dans certaines études, l’ADNe a surpassé les méthodes d’enquête standard[xii]. Les applications potentielles des techniques d’ADNe, y compris le barcoding, sont de plus en plus reconnues et explorées[xiii]. D’autres techniques d’identification basées sur le matériel génétique sont discutées dans la littérature[xiv]. L’utilisation potentielle de sciences citoyennes participatives dans l’identification des EEE a également été notée, en particulier parce qu’elles sont efficaces en termes de coûts et de temps et peuvent être appliquées à de vastes territoires[xv]. Par exemple, une étude a révélé que lorsqu’elles étaient combinées à l’utilisation d’applications mobiles ou de fiches illustrées d’identification, les participants étaient précis à 90 % dans leurs identifications[xvi].

 

  1. Des recherches ont également été entreprises pour mieux déterminer quels types d’habitats sont les plus susceptibles d’être envahis. Par exemple, des EEE ont montré qu’elles étaient plus capables que les espèces indigènes de tirer parti de structures artificielles dans l’environnement marin, telles que les quais et les brises-vagues[xvii]. On a également observé que les installations de recherche dans des régions éloignées pouvaient être des voies d’introduction potentielles[xviii]. Les plages artificielles et les dunes ont également été jugées vulnérables à l’invasion[xix], tandis que les aménagements artificiels se sont révélés être une voie d’introduction possible vers de plus vastes territoires[xx].

 

  1. Une grande partie de la recherche sur les EEE depuis la publication en 2014 de la 4ème édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique GBO-4 s’est concentrée sur les techniques de prévention, de contrôle ou d’éradication. Par exemple, l’utilisation d’hypochlorite de sodium comme moyen de contrôle des espèces envahissant les récifs coralliens[xxi] a été explorée, tout comme l’utilisation de l’hydroxyde de sodium pour traiter l’eau de ballast des navires contre les bactéries invasives[xxii]. D’autres études ont porté sur l’efficacité d’autres méthodes de lutte, notamment les pièges à enclenchement automatique et les appâts sans produits toxiques[xxiii], ainsi que l’irradiation comme traitement phytosanitaire[xxiv]. Le contrôle biologique des espèces envahissantes est une autre méthode qui a été explorée dans la littérature. Cependant, de nombreuses études ont noté l’importance des programmes de surveillance après la dissémination et le potentiel d’invasions secondaires de l’introduction d’agents de lutte biologique[xxv], et la nécessité de considérer les effets de l’agent de lutte biologique sur l’écosystème dans lequel il est introduit[xxvi]. L’observation générale de la littérature scientifique disponible concernant l’éradication montre qu’il existe généralement peu de méthodes jugées efficaces et qui pourraient être appliquées à diverses espèces dans différents groupes taxonomiques[xxvii].

 

  1. Un indicateur utilisé dans le rapport GBO-4, l’Indice de la Liste Rouge de l’UICN (impacts des espèces exotiques envahissantes) a été mis à jour depuis la publication du rapport. L’indicateur montre une diminution[xxviii].

 

  1. Les informations scientifiques disponibles depuis la publication du GBO-4 laissent à penser que les progrès accomplis dans la réalisation de cet objectif sont restés pratiquement inchangés par rapport à ce qui avait été signalé précédemment. De même, les informations publiées depuis 2014 indiquent que les actions identifiées dans le GBO-4 pour accélérer les progrès vers cet objectif restent pertinentes. D’autres actions potentielles ont été identifiées dans la littérature, incluant des actions pour compléter les listes d’espèces, en particulier pour combler des lacunes pour certains genres[xxix], des efforts pour identifier les voies d’invasion secondaires[xxx], les zones à haut risque d’invasion[xxxi], relier entre elles les bases de données sur les espèces exotiques envahissantes[xxxii] et mieux contrôler et contenir les espèces exotiques envahissantes le long des routes commerciales[xxxiii].

 

Rédaction et traduction : Alain Dutartre, expert indépendant
Rédaction : Doriane Blottière, Comité français de l’UICN

 

Références

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