Les Carnets Botaniques : qui sont ces botanistes qui publient régulièrement des découvertes de plantes exotiques nouvelles pour la France ?

La Société Botanique d’Occitanie (SBOcc) a été créée en octobre 2019 par et pour des botanistes de la région partageant une envie de rencontres, de collaboration et d’échanges. La philosophie de la SBOcc est de fédérer les associations de botanique de la région Occitanie sur des projets communs et de rendre accessibles au plus grand nombre les activités de l’association.

Cela passe par la gratuité de l’adhésion (ce qui n’exclut pas des dons !), mais aussi de l’accès au journal (Carnets botaniques) et aux manifestations de la SBOcc, dont les Convergences botaniques, qui ont vocation à rassembler les botanistes de toute la France autour de conférences variées, traitant de tous les domaines de la botanique (leur première édition a rassemblé 150 botanistes les 3-4 octobre 2020. Parmi les captations des présentations, voir l’intervention  « L’introduction de plantes exotiques : un enrichissement floristique ou une menace pour la biodiversité ? » G. Fried, 2020 ; la deuxième édition est prévue les 2-3 octobre 2021, toujours à Montpellier).

La revue éditée par la SBOcc, les Carnets botaniques, est exclusivement électronique, gratuite, en français et accessible à tous. Elle traite de tous les travaux de botanique et des sciences qui lui sont associées comme la phytosociologie, l’écologie des populations et des communautés, la biogéographie ou la taxonomie. Cette revue publie régulièrement des articles rendant compte de la découverte de nouvelles plantes exotiques signalées pour la première fois en France métropolitaine voire en Europe.

Figure 1 : Nassella longiglumis. Inflorescence penchée, à épillets pendants © Frédéric Andrieu

Ainsi, en novembre 2020 un article faisait état de l’observation de Nassella longiglumis dans une friche à Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales (Andrieu & Verloove, 2020). Il s’agit de la première observation de cette graminée en dehors de son aire d’origine en Amérique du Sud. Son mode d’introduction n’est pas connu mais il semble que l’espèce soit déjà bien établie dans cette station. Sa population forte de quelques centaines d’individus forme une nappe plus ou moins dense d’une superficie  estimée à environ 0,25 ha. Dans leur article, les auteurs présentent également une nouvelle clé d’identification, très utile pour distinguer les 5 espèces du genre Nassella naturalisées en Europe (et toutes présentes en métropole). Le comportement futur de cette graminée sera à surveiller, plusieurs espèces du genre Nassella étant déjà considérées comme envahissantes.

Figure 2 : Wolffia globosa en compagnie de Lemna gibba in situ © Niebler et al., 2021

En mai 2021, un autre article relatait la découverte d’une petite lentille d’eau du genre Wolffia à proximité du lac du Salagou dans l’Hérault (Niebler et al. 2021). En France métropolitaine et en Europe, une seule espèce du genre, Wolffia arrhiza, est considérée comme indigène. Cependant, au cours de la dernière décennie, trois espèces exotiques de Wolffia ont été découvertes en Europe : i) W. australiana, originaire d’Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande), qui n’est actuellement connue qu’aux Pays-Bas ; ii) W. columbiana, espèce américaine qui a d’abord été observée en Allemagne et aux Pays-Bas, puis en Belgique et en Italie et, iii) W. globosa, espèce paléotropicale (Asie du Sud-Ouest), découverte en Bulgarie et en Allemagne. La France semblait dépourvue de ces nouvelles arrivées jusqu’à ce que W. columbiana soit signalée dans la métropole lilloise en septembre 2020 par le CBN de Bailleul. Un mois plus tard, la découverte de W. globosa dans l’Hérault porte donc en quelques semaines le nombre d’espèces de Wolffia présentes en France d’une à trois ! Pour l’anecdote, les dimensions de la fronde de W. globosa sont de 0,4-0,8(0,9) mm de long et de 0,3-0,5 mm de large, ce qui en fait la plus petite de toutes les plantes à fleurs connues au monde ! (notez toutefois que la floraison est rare chez cette espèce comme chez d’autres lentilles, et n’a jamais été observée jusqu’à ce jour en Europe). Les populations héraultaises sont installées dans des eaux très eutrophes de différents bassins d’épuration. L’espèce y co-occurre avec une lentille indigène (Lemna gibba) sans toutefois prendre le dessus. Malgré son origine tropicale, les premières observations montrent qu’elle semble bien s’accommoder des hivers de l’arrière-pays méditerranéen (ce que laissait déjà suggérer sa persistance en Allemagne). Il va falloir ouvrir l’œil car il n’est pas exclu que W. columbiana et W. globosa (voire d’autres wolffies exotiques) soient déjà plus largement présentes en France, y compris dans des sites jusque-là réputés ne contenir que W. arrhiza (la distinction des espèces nécessite une observation à la loupe binoculaire et au microscope).

On peut mentionner d’autres articles des Carnets botaniques relatant de nouvelles observations de taxons exotiques encore rares et en cours de naturalisation, dont celui de Coulot et al. (2021) qui signale pour la première fois deux vesces exotiques en France, Vicia vicioides et Vicia monardii ou ceux de Giardi (2020) sur Bowlesia incana à Toulouse, d’Andrieu (2020) sur Hedysarum coronarium dans l’Hérault (ou de Leblond et al. (2020) concernant Genista aetnensis dans le Tarn-et-Garonne.

Figure 3 : Vica vicioides © P. Coulot & Ph. Rabaute

Figure 4 : Vicia monardii © Y. Morvant

Les Carnets botaniques deviennent sans nul doute une source d’information importante pour quiconque s’intéresse à la flore exotique en France. Le comité de rédaction de la revue accueillera d’ailleurs avec plaisir des propositions d’articles des membres du REST EEE.

Rédaction : Guillaume Fried, chargé de projet recherche à l’Anses et membre du Conseil d’Administration de la Société Botanique d’Occitanie

Relecture : Madeleine Freudenreich (Comité français de l’UICN) et Alain Dutartre (expert indépendant)

Références

• Andrieu, F. (2020). Hedysarum coronarium L. (Fabaceae), nouveau pour l’Hérault (France). Carnets botaniques N°12 Lien DOI : https://doi.org/10.34971/3pb8-kt26
• Andrieu, F., Verloove, F. (2020). Nassella longiglumis (Phil.) Barkworth (Poaceae) dans les Pyrénées-Orientales (France), espèce nouvelle pour l’Europe. Carnets botaniques N°27. DOI : https://doi.org/10.34971/f7mm-zv83
• Coulot, P., Rabaute, P., Duborget, R., Morvant, Y., Michaud, H. (2021). Deux nouvelles espèces du genre Vicia (Fabaceae) découvertes en France. Carnets botaniques N°58. DOI : https://doi.org/10.34971/BN6T-B759
• Giardi, L. (2020). Découverte d’une deuxième station française de Bowlesia incana Ruiz & Pav. à Toulouse (Haute-Garonne). Carnets botaniques N°28. DOI : https://doi.org/10.34971/T7YZ-ZB22
• Leblond, N., Coulot, P., Rabaute, P. (2020). Genista aetnensis (Biv.) DC. subsp. aetnensis en cours de naturalisation dans le Tarn-et-Garonne ? Carnets botaniques N°16 DOI : https://doi.org/10.34971/qc9k-1×58
• Niebler, F., Delaumône, P., Fried, G. (2021). Découverte de Wolffia globosa (Roxb.) Hartog & Plas (Araceae) dans l’Hérault (France), espèce nouvelle pour la France. Carnets botaniques N°52 DOI : https://doi.org/10.34971/4XQN-WV06