Premier signalement de l’Écrevisse à taches rouges (Faxonius rusticus, Girard 1852) en Europe, France (département de l’Aveyron)

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L’Écrevisse à taches rouges, Faxonius rusticus (Girard, 1852), vient d’être découverte pour la première fois en France, dans un plan d’eau privé et un cours d’eau du département de l’Aveyron. Les services de l’Etat et l’Agence française pour la biodiversité travaillent actuellement sur la proposition d’un plan d’intervention. C’est la troisième espèce d’écrevisse exotique découverte en France par les services de l’Agence française pour la biodiversité durant l’année 2019, avec Cherax destructor en Bretagne au mois de février et Procambarus virginalis en Moselle en juillet.

À notre connaissance, il s’agit du premier signalement en milieu naturel de Faxonius rusticus sur le continent européen.

Situation dans le département de l’Aveyron

Un pêcheur amateur a capturé une quarantaine d’écrevisses à l’aide d’une nasse au mois de septembre 2019 dans un plan d’eau privé situé dans le bassin de l’Aveyron. Les écrevisses ont été confiées à la Fédération de pêche qui a ensuite sollicité le service départemental de l’Agence française pour la biodiversité.

Une première identification à partir de critères morphologiques a permis de déterminer Faxonius rusticus (Girard, 1852) : l’Écrevisse à tâches rouges. Cette identification a été confirmée par une analyse moléculaire réalisée par le laboratoire EBI (Ecologie et Biologie des Interactions) de l’université de Poitiers. Des analyses complémentaires permettront de vérifier si les individus capturés sont porteurs de l’aphanomycose (peste des écrevisses).

Faxonius rusticus (c) Tennessee Wildlife Ressources Agency

Les investigations réalisées sur le terrain les jours suivants cette découverte ont permis de préciser la répartition de l’espèce sur le site. Outre le plan d’eau, l’espèce a également été détectée dans le ruisseau qui alimente le plan d’eau jusque dans la Briane avec laquelle il conflue. L’Écrevisse à tâches rouges y cohabite avec une autre espèce d’écrevisse nord-américaine, l’Écrevisse du Pacifique (Pacifastacus leniusculus). Ces opérations avaient pour objectif de faire un état des lieux pour envisager les actions à mettre en œuvre en matière de connaissance et de police administrative à la suite du signalement de cette EEE.

Parallèlement, il a été décidé de réaliser des pêches sur ce ruisseau afin de mieux connaitre la répartition de l’espèce et d’éliminer le maximum d’individus. L’AFB, en collaboration avec la Fédération des AAPPMA de l’Aveyron, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et l’équipe rivière Rodez Agglomération – SMBV2A (Syndicat Mixte du Bassin Versant Aveyron Amont), a donc procédé les 8 et 9 octobre 2019 à une opération de piégeage sur le site à l’aide de nasses et de balances qui s’est soldée par la capture d’une vingtaine d’individus qui ont été détruits.

À ce stade, et selon les éléments recueillis sur place, la présence de l’espèce sur site est attestée dans le plan d’eau et dans le cours d’eau tributaire sur un linéaire d’environ 2,5 kilomètres, sans que les circonstances précises de son introduction ne soient connues ; une enquête est actuellement en cours. À noter que les densités sont moins importantes dans le ruisseau que dans le plan d’eau lequel présente tous les stades du juvénile à l’adulte dont certains de grande taille. Aucun juvénile n’a été trouvé dans le ruisseau.

L’Agence française pour la biodiversité et les services de l’Etat étudient actuellement différents scénarii permettant l’éradication de Faxonius rusticus dans le plan d’eau concerné.

Quelques informations au sujet de Faxonius rusticus

Description

Faxonius rusticus observé dans l'Aveyron

Spécimen de Faxonius rusticus observé dans l’Aveyron (c) T. Andrieu AFB

L’Écrevisse à taches rouges atteint une taille maximum de 10 cm de longueur, les mâles ayant tendance à être plus gros que les femelles. Le corps est généralement vert brunâtre avec des tâches foncées et rouillées-rouges de chaque côté de la carapace. Les pinces sont puissantes avec un espace ovale lorsqu’elles sont fermées. Le doigt mobile est lisse et en forme de S.

La maturité est atteinte à environ 3,5 cm de longueur totale (Gunderson, 2008). L’accouplement a généralement lieu à la fin de l’été, début de l’automne. La femelle stocke les spermatozoïdes jusqu’à ce que les ovules soient prêts à être fécondés (fin du printemps). Les œufs sont fécondés au moment de l’expulsion par les spermatozoïdes qui sont également libérés (fécondation externe). Ils restent ensuite fixés sous l’abdomen de la femelle jusqu’à l’éclosion des larves.

Les femelles d’Écrevisses à taches rouges pondent entre 80 et 575 œufs (Corey, 1987). La reproduction n’aurait a priori lieu qu’une seule fois par an pour cette espèce.

Répartition 

L’Écrevisse à taches rouges est originaire du sud-ouest de l’Ohio, du nord du Kentucky et du sud-est de l’Indiana, et le nord du Tennessee, dans le bassin hydrographique de la rivière Ohio (Perry et al. 2001a et b).

Au cours des dernières décennies Faxonius rusticus a vu son aire de répartition s’étendre rapidement en raison des introductions par les activités humaines (voir ci-dessous). Elle est actuellement établie dans 20 états des Etats-Unis (USGS, 2019) et au Canada.

Répartition de Faxonius rusticus aux Etats-Unis (Source : https://nas.er.usgs.gov)

Répartition de Faxonius rusticus aux Etats-Unis (Source : https://nas.er.usgs.gov)

Partout où elle a été introduite, l’espèce est considérée comme envahissante ; elle est reconnue comme l’une des écrevisses les plus invasives au monde. Du fait d’un besoin énergétique supérieur à la moyenne des autres espèces d’écrevisses, l’Écrevisse à tache rouge présente un comportement particulièrement agressif qui, associé à des populations denses, provoquent de sérieux impacts sur la faune native (écrevisses, macroinvertébrés, bivalves) ainsi que sur la flore aquatique dont elle peut drastiquement réduire l’abondance (p. ex. Lodge & Lorman 1987 ; Olsen et al. 1991, Souty-Grosset et al. 2006). Enfin, comme toutes les écrevisses du continent nord-américain, l’Écrevisse à tâche rouge est porteuse saine d’Aphanomyces astaci, oomycète responsable de nombreuses extinctions locales de populations d’écrevisses natives en Europe et au Japon.

Principaux vecteurs d’introduction 

Sur le continent nord-américain, la bibliographie mentionne différentes activités humaines à l’origine de la dispersion de cette espèce en dehors de son aire de répartition naturelle :

  • L’utilisation comme appât par les pêcheurs à la ligne serait la principale cause d’introduction et de propagation de cette espèce (Berrill, 1978 ; Crocker, 1979 ; Butler et Stein, 1985 ; Lodge et al., 1986 ; Hobbs et al., 1989 ; Lodge et al., 1994 ; Kerr et al., 2005 ; Kilian et al., 2012).
  • La vente aux écoles et aux fournisseurs de produits biologiques (Gunderson, 2008 ; Larson et Olden, 2008 ; Kilian et al., 2012).
  • Le rejet intentionnel dans les eaux par des pêcheurs professionnels d’écrevisses est une autre cause possible de l’extension de son aire de répartition (Wilson et al., 2004).
  • L’introduction intentionnelle de cette espèce dans les lacs comme moyen d’éliminer certaines espèces végétales invasives (Magnuson et al., 1975).

Statut réglementaire en France

D’un point de vue réglementaire, les écrevisses sont assimilées aux poissons (Art. L. 431-2 du Code de l’environnement).

Selon les termes de la législation, Faxonius rusticus est considérée comme :

Son introduction est interdite dans le milieu naturel, comme toutes les espèces exotiques d’écrevisses (article R.432-5 du Code de l’environnement).

Rédaction : Marc Collas et Thierry Andrieu (Agence française pour la biodiversité).

Contributions et relectures : Nicolas Poulet (Agence française pour la biodiversité), Alain Dutartre (Expert indépendant, Centre de ressources EEE), Emmanuelle Sarat et Doriane Blottière (Comité français de l’UICN), Frédéric Grandjean (Université de Poitiers), Caroline Pénil (Agence française pour la biodiversité).

 

Contact :

À l’AFB : Marc Collas (marc.collas@afbiodiversite.fr) et Thierry Andrieu (thierry.andrieu@afbiodiversite.fr)

Pour tout signalement de l’espèce, utilisez le formulaire du site internet “EEE-FIF”ou l’application INPN-Espèces.

En savoir plus :

Berrill, M. 1978. Distribution and ecology of crayfish in the Kawartha Lakes region of southern Ontario. Canadian Journal of Zoology 56: 166-177

Butler, M.J., and R.A. Stein. 1985. An analysis of the mechanisms governing species replacements in crayfish. Oecologia 66: 168-177.

Corey, S. 1987. Comparative fecundity of four species of crayfish in Southwestern Ontario, Canada (Decapoda, Astacidae). Crustaceana 52 (3) : 276-286.

Crocker, D.W. 1979. The Crayfishes of New England. Proceedings of the Biological Society of Washington 92: 225-252.

Gunderson, J. 2008. “Rusty crayfish : a nasty invader- biology, identification, impacts” Minnesota Sea Grant. (http://www.seagrant.umn.edu/downloads/x034.pdf). Accessed May 11, 2011.

Hobbs, H.H. III, J.P. Jass, and J.V. Huner. 1989. A review of global crayfish introductions with particular emphasis on two North American species (Decapoda, Cambaridae). Crustaceana 56: 299-316.

Kerr, S.J., C.S. Brousseau, and M. Muschett. 2005. Invasive aquatic species in Ontario: a review and analysis of potential pathways for introduction. Fisheries 30(7): 21-30.

Kilian, J.V., R.J. Klauda, S. WIdman, M. Kashiwagi, R. Bourquin, S. Weglein, and J. Schuster. 2012. An assessment of a bait industry and angler behavior as a vector of invasive species. Biological Invasions 14(7):1469-1481.

Lodge, D.M., T.K. Kratz, and G.M. Capelli. 1986. Long-term dynamics of three crayfish species in Trout Lake, Wisconsin. Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences 43: 993-998.

Lodge, D.M., M.W. Kershner, J.E. Aloi, and A.P. Covich, 1994. Effects of an omnivorous crayfish (Orconectes rusticus) on a freshwater littoral food web. Ecology 75: 1265-1281.

Lodge, D.M. and J.G. Lorman. 1987. Reductions in submerged macrophyte biomass and species richness by the crayfish Orconectes rusticus. Can. J. Fish. Aquat. Sci. 44:591-597.

Magnuson, J.J., G.M.Capelli, J.G. Lorman, and R.A. Stein. 1975. Consideration of crayfish for macrophyte control. In: P.L. Brezonik and J.L. Fox, (eds.), Proceedings Symposium on Water Quality Management through Biological Control University of Florida, Jan. 23-30, 1975, Dept. Environmental Engineering Sciences, Gainesville, Florida. 1975. pp. 66-74.

Olden, J. D., Adams, J. W., & Larson, E. R. (2009). First record of Orconectes rusticus (Girard, 1852) (Decapoda, Cambaridae) west of the great continental divide in North America. Crustaceana, 82(10), 1347-1351.

Olsen, T.M., D.M. Lodge, G.M. Capelli, and R.J. Houlihan. 1991. Mechanisms of impact of an introduced

crayfish (Orconectes rusticus) on littoral congeners, snails, and macrophytes. Can. J. Fish. Aquat. Sci.

48(10):1853-1861.

Perry, W. L., Feder, J. L., & Lodge, D. M. (2001). Implications of hybridization between introduced and resident Orconectes crayfishes. Conservation Biology, 15(6), 1656-1666.

Perry, W. L., Feder, J. L., Dwyer, G., & Lodge, D. M. (2001). Hybrid zone dynamics and species replacement between Orconectes crayfishes in a northern Wisconsin lake. Evolution, 55(6), 1153-1166.

Souty-Grosset C, Holdich D.M, Noel, PY, Reynolds,JD, & Haffner P (eds) 2006. Atlas of crayfish in Europe. Museum national d’Histoire naturelle, Paris, 187 pp (Patrimoines naturels 64)

Wilson, K.A., J.J. Magnuson, T.K. Kratz, and T.V. Willis. 2004. A longterm rusty crayfish (Orconectes rusticus) invasion: dispersal patterns and community changes in a north temperate lake. Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Science 61: 2255-2266.

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