Cette page a été publiée dans le cadre d’un article de synthèse sur les spirées ornementales échappées en France métropolitaine (M. Vuillemenot, 2021)
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Spiraea japonica L.f. / Spirée du Japon
Répartition et statuts
La Spirée du Japon compte de nombreuses variétés dans son aire très vaste de répartition spontanée, couvrant l’Asie du Sud-Est (Japon, parties centrale et sud de la Chine, Corée). Cette variabilité naturelle et son extrême succès horticole ont conduit à la production d’une multitude de cultivars, impliquant parfois de l’hybridation avec d’autres espèces parentes. Comme souvent avec les spirées et d’une manière générale avec les espèces cultivées, les taxons souvent observés dans la nature ne correspondent plus aux espèces sauvages. Ainsi, les populations françaises de spirée du Japon sont identifiées au sens large (« spirée du Japon hybridogène »).
Spiraea japonica en touffe hémisphérique et à ramification dressée et dense © CBNFC-ORI / Marc Vuillemenot |
Inflorescence rose foncé de Spiraea japonica, © CBNFC-ORI / Marc Vuillemenot |
Inflorescence rose pâle de S. japonica, © CBNFC-ORI / Marc Vuillemenot |
Dans l’est des États-Unis, parmi les divers cultivars de Spiraea japonica introduits, certains sont considérés comme des taxons nuisibles ou envahissants, en raison de leur colonisation d’habitats humides et rivulaires, de la formation rapide de peuplements denses très compétiteurs et de la concurrence envers d’autres espèces de spirées indigènes (Lis, 2014). Dans le Tennessee, la spirée du Japon est une plante exotique envahissante classée parmi les espèces présentant une « menace significative » (TNIPC, 2019).
En France, la spirée du Japon est considérée comme naturalisée et en expansion, notamment en raison de ses plantations un peu partout sur le territoire national (Tison & de Foucault, 2014). Dans les départements méditerranéens, Tison et al. (2014) soulignent le fort potentiel de naturalisation de cette espèce, voire d’envahissement dans les lieux humides et ombragés.
Dans les vallées vosgiennes, lorraines et alsaciennes, Spiraea japonica est capable de constituer des peuplements de plusieurs centaines de mètres de long en bordure de talus de chemins forestiers (Duval & Simler, comm. pers.). Dans les Pyrénées centrales, la dynamique de colonisation observée dans certaines vallées et l’observation de peuplements denses et très compétiteurs de spirée du Japon incitent à surveiller localement cette espèce. Elle y est considérée comme potentiellement envahissante (Dao, comm. pers.). La cartographie des zones colonisées concerne au total plus de 400 hectares (dont 15 % fortement) et plusieurs kilomètres de bords de cours d’eau, de routes et de chemin (Joly, 2004). Dans le Massif Central, Bart et al. (2014) évaluent la spirée du Japon comme une espèce exotique envahissante émergente.
En Franche-Comté, le comportement fugace de la plupart de ses populations a d’abord incité à considérer l’espèce comme occasionnelle et comme seulement potentiellement envahissante dans les milieux naturels et semi-naturels (Vuillemenot et al., 2016). Néanmoins, le développement et l’expansion de la plante par drageonnement dans une localité forestière jurassienne confirment la naturalisation de cette population.
En Suisse, Eggenberg et al. (2018) considèrent la spirée du Japon comme une plante cultivée en voie de naturalisation ; elle serait souvent subspontanée dans le sud du pays. En Grande-Bretagne, Rich & Jermy (1998) signalent seulement qu’elle peut former des fourrés et qu’elle est rarement échappée ; de même, Stace (1997) l’observe dans les jardins et la considère comme naturalisée dans les haies mais globalement plutôt comme occasionnelle. En Autriche, Halford et al. (2010) indiquent que la spirée du Japon s’est naturalisée dans les milieux forestiers et serait en expansion.
Écologie
En France, Tison & de Foucault (2014) situent Spiraea japonica dans les sous-bois clairs et les ourlets plus ou moins hygrophiles surtout acidiphiles. Dans les Pyrénées, cette espèce montre une préférence pour les sols partiellement ombragés et frais (Joly, 2004). Les habitats prioritairement colonisés sont les landes et les fourrés, puis différents types de forêts, exploitées ou non, les ourlets et les mégaphorbiaies. Les autres habitats correspondent à des bords de routes ou de chemins, des prairies et des milieux rudéraux ou agricoles comme les haies. En termes de floraison et de fructification, la spirée semble toutefois préférer les situations semi-éclairées des lisières, des bords de route et de chemin et des berges de rivières ainsi que des sols frais, voire secs, plutôt que des conditions de sol trop humides.
En Franche-Comté, les localités de spirée du Japon sont toutes situées en plaine, dans des contextes différents mais souvent en situation semi-ombragée de lisière. Il s’agit d’ourlets mésoeutrophiles calcicoles (Trifolio medii – Geranienion sanguinei), et de friches rudérales nitrophiles fraîches (Arction lappae). Une situation où l’espèce témoigne d’un drageonnement vigoureux est une trouée forestière de quelques dizaines de mètres carrés dans une hêtraie-chênaie-charmaie mésophile neutroacidicline (Deschampsio caespitosae – Fagetum sylvaticae).
En Suisse, Eggenberg et al. (2018) mentionnent Spiraea japonica dans des forêts pionnières eutrophiles (fourrés à sureau à grappes et saule marsault ; bois de robinier faux-acacia). En Belgique, il s’agirait uniquement d’habitats rudéraux : anciens parcs, pied des murs, lisières forestières (Lambinon & Verloove, 2012).
Dans la partie chinoise de l’aire de répartition naturelle de Spiraea japonica, les habitats listés sont variés mais ils rejoignent généralement les observations précédentes : les forêts, les pentes boisées, les clairières forestières, les fourrés, les pentes herbeuses, les vallées montagneuses, les berges de cours d’eau, les endroits rocheux et pierreux… (Lu & Alexander, 2003).
Enfin, aux États-Unis, des populations envahissantes sont signalées principalement dans des zones humides et des zones rivulaires (Lis, 2014). D’autres habitats sont listés tels que des bords de route, des passages de lignes électriques, des lisières forestières, des remblais et des jardins (TNIPC, 2019 ; New England Wild Flower Society, 2019).
Article complet : Les spirées ornementales échappées en France métropolitaine : synthèse des connaissances sur leurs comportements et leurs statuts (lien)
Références bibliographiques :
- Bart K., Antonetti P. & Chabrol L., 2014. Bilan de la problématique végétale invasive en Auvergne. Conservatoire botanique national du Massif central / Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne, 34 p.
- Eggenberg S., Bornand C., Juillerat P., Jutzi M., Möhl A., Nyffeler R. & Santiago H., 2018. Flora helvetica, guide d’excursions. Info Flora (Hrsg.), Haupt, 1ère éd., Bern, 813 p.
- Halford M., Frisson G., Delbart E. & Mahy G., 2010. Fiche descriptive – Les spirées nord-américaines (Spiraea spp.). http://hdl.handle.net/2268/103659 (novembre 2018)
- Joly J.-J., 2004. Étude de plantes exotiques envahissantes en Midi-Pyrénées ; cas de la Spirée du Japon (Spiraea japonica L. fil.) dans les Pyrénées centrales. Mémoire de fin d’études pour l’obtention du Diplôme d’Agronomie Approfondie, Rennes, Conservatoire Botanique National des Pyrénées, 51 p. + annexes.
- Lambinon J. & Verloove P., 2012. Nouvelle flore de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg, du Nord de la France et des régions voisines (Ptéridophytes et Spermatophytes). Édition du Jardin botanique national de Belgique, 6e éd., Meise, 1195 p.
- Lis R., 2014. Spiraea. In : Flora of North America Editorial Committee, eds. 1993+. Flora of North America North of Mexico. 19+ vols. New York and Oxford, vol. 9 : 398. http://www.efloras.org/florataxon.aspx?flora_id=1&taxon_id=131015 (novembre 2018).
- Lu L.D. & Alexander C., 2003. Spiraea. In : Flora of China vol. 9 : 47-73. http://www.efloras.org/florataxon.aspx?flora_id=2&taxon_id=131015 (novembre 2018).
- New England Wild Flower Society. https://gobotany.newenglandwild.org/species/spiraea/alba/ (février 2019)
- Rich T.C.G. & Jermy A.C., 1998. Plant crib 1998. Botanical society of the British Isles, London, 392 p.
- Stace C.A., 1997. New flora of the British Isles, 2nd edition. Cambridge University Press, 1 130 p.
- Tison J.-M. & de Foucault B. (coords), 2014. Flora Gallica. Flore de France. Biotope, Mèze, XX + 1196 p.
- Tison J.-M., Jauzein P. & Michaud H., 2014. Flore de la France méditerranéenne continentale. Naturalia publications, Turriers, 2078 p.
- TNIPC (Tennessee invasive plant council). http://tnipc.org/invasive-plants/plant-details/?id=41 (février 2019)
- Vuillemenot M., Ferrez Y., André M., Gillet F., Hendoux F., Mouly A., Thiery F., Tison J.-M. & Vadam J.-C. 2016. Liste hiérarchisée des espèces végétales exotiques envahissantes et potentiellement envahissantes en Franche-Comté et préconisations d’actions. Conservatoire botanique national de Franche-Comté – Observatoire régional des Invertébrés, 32 p. + annexes.
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