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Pachysandra terminalis (Siebold & Zucc., 1845) une espèce occasionnelle à surveiller en France

L’Euphorbe du japon, un couvre-sol introduit a été observé par les auteurs en 2022 près d’une maison abandonnée sur la commune de Gérardmer dans le département des Vosges. Il s’agit d’une espèce nouvelle pour le département. Sa vigueur sur les lieux d’implantation appelle une attention particulière au regard des connaissances mondiales sur l’espèce. Le taxon lié aux activités anthropiques (couvre-sol ornemental dans les parcs et jardins), est en passe de se naturaliser dans les Vosges dans un secteur de moyenne montagne et en tout cas aux abords immédiats des lieux où il a été planté.

Introduction

Originaire de l’Est de l’Asie, cette plante a été introduite en Amérique du Nord et en Europe comme couvre sol dans les jardins. Cette plante appartient à la famille des Buxaceae. En France, Pachysandra terminalis (Siebold & Zucc., 1845) est connu essentiellement des jardins botaniques des grandes métropoles (Paris, Lyon) (source : Openobs). Hors de son aire de répartition originelle, la plante aurait des capacités à se multiplier qui font qu’elle est aujourd’hui répertoriée comme un taxon exotique envahissant en Amérique du Nord et potentiellement chez nos voisins européens (Belgique).

Un épi floral atypique pour la saison

L’Euphorbe du Japon appelée encore Pachysandre à épis terminaux (fig. 1) a la particularité d’être en boutons au début de l’hiver. Cette particularité, ce qui n’est pas commune pour les plantes à fleurs dans les Vosges, a permis son identification.

Fig.1 : Boutons floraux de Pachysandra terminalis, « Creusegoutte », Gérardmer (Vosges) le 24 novembre 2022 © M. Stoecklin OFB88

Chorologie du taxon en France, en Europe et dans le monde

Mentionnée dans la Flore de la France, elle y est notée comme espèce occasionnelle (Tison et al., 2014). En France, on la retrouve essentiellement dans les grandes métropoles et plus particulièrement dans leurs parcs et jardins d’agréments hormis une mention en Auvergne de Jean-Louis Lamaison (source : openobs.mnhn). Chez nos voisins belges, l’espèce est mentionnée comme néophyte (Verloove, 2006) et 258 occurrences du taxon sont notées (Desmet & al., 2021). En Grande-Bretagne, l’espèce est considérée comme naturalisée depuis 1968 (Source : Atlas of the British and the Irish Flora). Le Canada répertorie le Pachysandre du Japon comme plante exotique envahissante (Agence canadienne d’inspection des aliments, 2008) et enfin aux USA, le taxon est connu pour être envahissant dans plusieurs espaces naturels et états du pays dont la Pennsylvannie, Massachusetts… (Source :  Pyle, 2020, Friends of Myles Standish State Forest, www.invasiveplantatlas.org et www.invasive.org).

Cette plante native de Sud-Ouest asiatique (Ouest de la Chine, Japon) a été introduite comme couvre-sol sur les autres continents (fig.2).

Fig.2 : Données de présence de Pachysandra terminalis dans le monde (Extrait /Source : Royal Botanic Gardens)

Certains traits biologiques communs aux EEE

Dire si telle ou telle espèce va devenir une espèce exotique envahissante (EEE) est impossible, néanmoins certains caractères sont assez constants comme la compétitivité et l’adaptation aux perturbations (Muller, 2004). L’écologie de Pachysandra terminalis présente certains traits biologiques qui sont communs à de nombreuses EEE et en tout cas le taxon peut entraîner des chutes drastiques de la biodiversité là où il a été implanté. En France,  la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) aujourd’hui appelé France Nature Environnement (FNE) – Auvergne Rhône Alpes n’hésite pas à parler de « catastrophe écologique » quand elle cite le genre Pachysandra dans son guide de plantation (FRAPNA, 2015). En effet, le taxon peut former des colonies denses qui supplantent localement les espèces présentes (fig.3).

Fig. 3 : Station de Pachysandra terminalis,« Creusegoutte », Gérardmer (88) © M. Stoecklin OFB88

Ses racines traçantes et ses capacités à drageonner ou se marcotter naturellement (fig.4 et 5) font de lui un compétiteur sérieux pour toute la strate herbacée. Il s’agit pour l’instant d’une reproduction clonale à partir des pieds mère. Dans les pays où ce couvre-sol a été introduit et où il est plus répandu, il pourrait s’être disséminé en nature par les déchets de jardin. La plante ayant tendance à s’étendre, cette dernière est rabattue par les jardiniers amateurs pour être jetée au compost ou dans les milieux naturels.

Fig.4 et 5 : Racines traçantes et drageonnantes de Pachysandra terminalis, Gérardmer © M. Stoecklin OFB88

Le contexte de son implantation dans le département des Vosges

La station désormais répertoriée dans le département des Vosges est située dans la région de Gérardmer à environ 800 m d’altitude (fig.6). L’espèce a été observée aux abords d’une habitation récemment abandonnée sur des terres visiblement remaniées contenant d’anciens gravats aménagés en remblai. La station mesure un peu moins de 30 mètres carrés et elle se développe sous une strate arbustive constituée de saules, noisetiers, bouleaux et jeunes épicéas. Le Pachysandre ou Euphorbe des montagnes japonaises est connu pour être l’un des rares taxons à s’acclimater sous les conifères. Ici à Creusegoutte, il s’accommode même de la ronce (Rubus sp.). Au bord de la station subsiste encore quelques graminées typiques du milieu originel. Il s’agit du pâturin de Chaix (Poa chaixii) et de la canche cespiteuse (Deschampsia caespitosa). Il sera intéressant d’observer l’évolution de ce site et le devenir de ces graminées se trouvant au contact du Pachysandre.

Comme son nom l’indique, le Pachysandre est une plante adaptée au froid, à l’ombre et à la moyenne montagne. Il peut former rapidement des peuplements monospécifiques denses qui excluent la plupart des taxons indigènes.

A l’image de la petite pervenche qui est également présente aux abords de cette habitation, l’impact de son implantation est pour l’heure limité aux abords supposés du site d’introduction. Tout comme la pervenche qui trahit une ancienne occupation humaine, le Pachysandre suit le même cheminement d’implantation. La pervenche est une archéophyte* supposée (d’origine Gallo-Romaine pour notre région), le Pachysandre peut être considéré comme un néophyte** en France.

Archéophyte* : Plante introduite avant l’an 1500 // Néophyte** : introduite après 1500

Fig 6. Paysage forestier où est implanté le Pachysandre dans les Vosges © M. Stoecklin OFB88.

Impacts éventuels d’une naturalisation

La naturalisation d’un tel taxon ou de ses cultivars peut avoir des répercussions sur la diversité biologique indigène (Keller, 2011). L’éventuelle colonisation des forêts de conifères du massif vosgien à partir des lieux d’implantation est pour l’instant peu probable ou en tout cas pas à moyen ou court terme. Cependant la vigilance est de mise. Un autre taxon asiatique invasif commun à l’Amérique du Nord et à l’Europe est là pour le rappeler : Reynoutria japonica.

 

Conclusion

La détection précoce des espèces exotiques potentiellement envahissantes est un élément clé pour la protection de la biodiversité. Aussi, les éléments concernant sa présence en France et les possibilités de gestion de Pachysandra terminalis pourront intégrer à la base d’informations sur les espèces introduites en France du Centre ressources EEE (Comité français de l’UICN et OFB). Le plan d’action 2022/2030 qui vient d’être publié rappelle l’importance de la surveillance (alerte, détection précoce et suivi) pour prévenir l’introduction et la propagation des EEE. La cartographie ci-dessous (fig.7) extraite du système mondial d’information sur la biodiversité (GBIF : Global Biodiversity Information Facility) présentant les données de présence de Pachysandra terminalis en Europe, appelle une vigilance particulière et en tout cas une remontée d’informations sur ce taxon en France métropolitaine.

Fig. 7 : Enregistrements géoréférencés de Pachysandra terminalis en Europe couvrant la période 1861-2022 (Extrait /Source : www.gbif.org)

 

Rédaction : Michel Stoecklin et Nicolas Cormier, OFB – Service départemental des Vosges

Relecture : Madeleine Freudenreich (Comité français de l’UICN) et Alain Dutartre (expert indépendant)

 

Pour en savoir plus :

Bibliographie

  • Agence canadienne d’inspection des aliments. 2008. Plantes exotiques envahissantes au Canada, Agence canadienne d’inspection des aliments, Ottawa, ON. 80 p. En ligne : https://publications.gc.ca/collections/collection_2008/inspection/A104-74-2008F.pdf
  • Desmet P, Reyserhove L, Oldoni D, Groom Q, Adriaens T, Vanderhoeven S, Pagad S, 2021. Global Register of Introduced and Invasive Species – Belgium. Version 1.12. Invasive Species Specialist Group ISSG. Checklist dataset https://doi.org/10.15468/xoidmd accessed via GBIF.org on 2022-12-10.
  • FRAPNA, 2015. Du jardin d’ornement au jardin vivant : Alternatives pour des plantations à intérêt écologique. Disponible en ligne : https://www.biodiversiteetbati.fr/Files/Other/DocComplGTBPU/F12-Guide_plantations_FRAPNA_BD.pdf
  • Keller, R.P., Geist, J., Jeschke, J.M. et al., 2011. Invasive species in Europe: ecology, status, and policy. Environ Sci Eur 23, 23. https://doi.org/10.1186/2190-4715-23-23
  • Muller S. (coord.), 2004. Plantes invasives en France. Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, 168p.
  • Pyle J., 2020. Invasive Species Spotlight: Japanese Pachysandra (Pachysandra terminalis). Brandywine Conservancy. En ligne : https://www.brandywine.org/conservancy/blog/invasive-species-spotlight-japanese-pachysandra-pachysandra-terminalis
  • Tison J.M. & De Foucault B. (coords), 2014. Flora Gallica. Flore de France. Biotope, Mèze,xx+1196p.
  • Verloove F., 2006. Catalogue of neophytes in Belgium(1800-2005) 40 Scripta Botanica Belgica 39 – 2006

Sites internet consultés