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Aponogeton distachyos

(vanille d’eau, plante-épée, aponogéton odorant, aponogéton à deux épis)

Une plante ornementale très appréciée

Aponogeton_distachyos
Aponogeton distachyos. A. Dutartre

Dès que ses fleurs sont bien développées, cette plante devient très visible : blanches, de forme très particulière, odorantes, ces fleurs sont d’ailleurs son principal intérêt pour les amateurs de plantes de bassin. Rien de surprenant donc à ce qu’une consultation sur internet utilisant son nom latin ou son nom vernaculaire permette d’accéder à une très longue liste de sites de ventes ou de forums sur les plantes ornementales. Appartenant à la famille des Aponogétonacées, cette espèce originaire d’Afrique du Sud est une des 47 espèces appartenant au genre Aponogeton.

C’est une plante présentant des feuilles flottantes, oblongues à lancéolées, pouvant atteindre 8 cm de largeur et 25 cm de longueur, pouvant les faire confondre avec les feuilles de certains potamots indigènes tels que le potamot de rivières (Potamogeton nodosus). Les inflorescences émergées à quelques centimètres au-dessus de la surface des eaux sont très parfumées. Elles peuvent mesurer de 4 à 10 cm d’envergure. Leurs deux épis terminaux disposés en « Y » rendent l’espèce très facilement identifiable.

Une large dispersion

Cette espèce a été largement dispersée en dehors de son aire d’origine pour des raisons ornementales. Elle est présente aux USA (Californie), au Pérou, en Australie (divers états du sud est et la Tasmanie) et en Nouvelle Zélande (où elle est largement dispersée : http://www.niwa.co.nz/sites/niwa.co.nz/files/sites/default/files/pest_guide_potrt_feb_2013.pdf)

En Europe, elle est présente au Royaume Uni, en Belgique, aux Pays-Bas et en France.

Selon les cartes de répartition disponibles, A. distachyos est présente en métropole dans un nombre réduit de sites naturels et dans la plupart des cas en de faibles nombres de pieds. Par exemple, dans le sud-ouest, à part un développement de plusieurs centaines de m² dans un fossé de drainage des Landes (ce qui a conduit en 2012 à l’élaboration d’une fiche d’alerte du Conservatoire Botanique Sud-Atlantique http://www.cbnsa.fr/delta/fichiers/envahissantes/pdf/document_d_alerte_aponogeton_distachyos.pdf), les quelques observations faites sur les lacs aquitains correspondaient à des pieds isolés ou des groupes de quelques pieds. L’espèce n’a d’ailleurs plus été observée dans certains de ces sites.

Un exemple dans les Deux-Sèvres

Quelques pieds fleuris de cette espèce ont été découverts début 2014 lors d’une prospection amphibiens par deux bénévoles de terrain dans une mare forestière située sur le bassin versant de La Boutonne dans le département des Deux-Sèvres. La détermination confirmée par le CBNSA a conduit à des échanges de courriels en avril-mai 2014 entre divers membres du réseau régional de personnes travaillant sur les questions de plantes envahissantes (dont les naturalistes découvreurs de l’espèce) pour définir la stratégie de gestion à mettre en place dans ce cas particulier. Il est à noter que l’alerte a été rapide puisqu’il a fallu seulement une semaine pour que l’information passe du local, au régional pour revenir ensuite au technicien local : c’est un délai très correct !

Lors de ces échanges, deux propositions ont été discutées. Liée à des inquiétudes vis-à-vis de la colonisation du site et des risques de dispersion de l’espèce dans des sites favorables proches, la première proposait de tenter d’éradiquer l’espèce en procédant immédiatement à un arrachage. S’appuyant à la fois sur l’insuffisance des connaissances sur l’espèce, sur la formulation de la fiche d’alerte du CBNSA (qui précisait  » Espèce à surveiller afin de détecter toute dynamique d’envahissement éventuelle »), sur le faible nombre de pieds observés dans le site, et sur la distance notable séparant la mare du cours d’eau le plus proche (600 m) la seconde proposait la mise en place d’un suivi comportant plusieurs campagnes d’observations annuelles sur deux années pour évaluer les capacités de colonisation de l’espèce et réévaluer la stratégie, et la confirmation de son absence dans les plans d’eau proches. Son objectif était clairement de tenter d’évaluer les potentialités invasives de cette espèce exotique.

Ce suivi « renforcé » du site et de l’espèce a finalement fait l’objet d’un accord, ce qui a conduit à l’élaboration d’une fiche présentant les caractéristiques du site, le calendrier des observations et la proposition de gestion. Début juillet 2014, les quelques pieds de l’espèce avaient disparus de la mare, probablement arrachés (par une personne qui n’a pas été identifiée). A posteriori, il a semblé que la fiche présentant la situation était trop précise et l’information trop sensible pour être diffusée aussi précisément, aussi a-t-il été convenu que seule la commune serait mentionnée à l’avenir, à l’instar de ce qui se pratique pour les espèces protégées.

Un passage récent (fin juin 2015) sur cette mare a permis d’observer de nouveau cette espèce mais dans un état relativement endommagé. Les contacts locaux restés vigilants et passant régulièrement sur le site ont été relancés par le Forum des Marais Atlantiques (une des structures en charge de l’animation de l’ORENVA), pour que la fiche soit actualisée.  Le site a également fait l’objet d’une sortie terrain lors d’une récente formation sur la reconnaissance botanique de ces plantes émergentes, servant ainsi de support de sensibilisation des agents de terrain à la détection précoce des espèces exotiques, et aux intérêts du fonctionnement en réseau et de la poursuite de l’acquisition d’information sur les potentialités de colonisation de cette plante aquatique.

Une espèce invasive ? Quel statut lui attribuer ?

Aponogeton distachyos n’apparait pas dans les listes de l’Organisation Européenne et Méditerranéenne pour la Protection des Plantes (OEPP) : http://www.eppo.int/INVASIVE_PLANTS/ias_lists.htm#IAPList, ni dans celles de l’ISSG (Invasive Species Specialist Group) : http://www.issg.org/database/welcome/.

Sur le site de l’INPN, elle est citée comme une espèce introduite, « non règlementée » et faisant partie de la liste rouge mondiale de l’UICN (évaluation 2010) avec le critère « LC » (préoccupation mineure ».

La fiche d’alerte diffusée par le CBNSA la présente comme une « Plante exotique envahissante émergente » et dans la « liste grise » des espèces invasives en Limousin (mars 2008), elle est citée comme invasive potentielle.

Une évaluation de risque utilisant l’analyse du risque phytosanitaire de l’OEPP (http://archives.eppo.int/EPPOStandards/pra.htm) a été réalisée en 2014 en Irlande par le Service des Pêches Intérieures : http://nonnativespecies.ie/wp-content/uploads/2014/03/Aponogeton-distachyos-Cape-Pond-Weed1.pdf.

Elle débouche sur l’attribution d’un risque « faible à modéré » pour cette espèce en précisant que le niveau de confiance de cette évaluation est « faible« . Les auteurs signalent que les informations manquent pour une évaluation précise (« There is a paucity of information available to assess this in detail« ) et que l’absence d’impact signalé en Irlande est peut être lié à la faible dispersion de l’espèce (« Lack of impact thus farr in this country may be a function of its confined distribution »). Ils remarquent également que l’espèce est susceptible de s’installer en abondance dans un grand plan d’eau (Derreen Gardens, Co. Kerry).

Ainsi, « espèce invasive émergente », « invasive potentielle » et risque « faible à modéré », « insuffisance d’information », il semble bien que cette espèce doive faire l’objet d’une attention particulière et d’investigations complémentaires pour que nous soyons à même, le moment venu et avec un bien meilleur argumentaire, d’établir le niveau de risque à lui attribuer.

Une plante consommable ?

Aponigeton distachyos est citée comme cultivée en Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie et Lybie), en Afrique du Sud (sa région d’origine) et en Australie(http://www.ars-grin.gov/cgi-bin/npgs/html/taxon.pl?404193).

Robert W. Pemberton (2000) présente l’utilisation de l’inflorescence de l’espèce en tant que source de nourriture dans la province du Cap. Originellement cueilli dans la nature comme un légume traditionnel connu sous le nom de « waterblommetjie », l’espèce a été mise en culture comme une plante vivrière au cours des vingt dernières années car les populations sauvages déclinaient. Selon cet auteur, la culture de l’espèce, sa commercialisation et sa popularité sont toujours présentes en Afrique du Sud (« the general popularity of this unique food continues in the Mandela Era of South Africa »).

La consommer ? Une recherche internet sur ce sujet permet de tomber sur des recettes de ragoût utilisant apparemment les inflorescences comme ingrédients secondaires. Les informations n’en précisent pas le goût.

Peut-être serait-ce un moyen supplémentaire de réguler cette espèce en métropole, à condition, bien sûr, que cela ne déclenche pas une mode et une dispersion gastronomique de l’espèce !