De très nombreuses espèces de fourmi ont bénéficié des échanges intercontinentaux des humains pour se déplacer sur la planète et coloniser de nouveaux territoires. Extrêmement agressives, certaines de ces fourmis dénommées « fourmi de feu » attaquent en masse et leurs piqures occasionnent des brûlures et démangeaisons très douloureuses, qui peuvent provoquer des allergies chez les personnes sensibles allant jusqu’à causer la mort par choc anaphylactique dans certains cas. Dans les zones infestées, elles empêchent la pratique d’activités d’extérieur (activités sportives, pique-nique, jeux pour enfants, etc.) mais leurs impacts sur les écosystèmes et l’agriculture sont également très importants.
Deux informations récentes provenant du Pacifique illustrent les enjeux de leur gestion et les moyens mis en œuvre pour les contrôler, l’une en Australie, l’autre à Tahiti.
Prolongation du plan d’éradication australien
Originaire d’Amérique du Sud, la fourmi de feu Solenopsis invicta, « red imported fire ant » en anglais, a été introduite dans plusieurs régions du monde via le transport de marchandises par avion ou par bateau. Elle est aujourd’hui considérée comme l’une des espèces les plus envahissantes au monde en raison de son impact très important sur les écosystèmes, l’agriculture et la santé humaine.
Ces fourmis entrent en compétition avec les espèces locales, consomment de nombreuses espèces d’insectes, notamment pollinisateurs, et sont également susceptibles d’attaquer reptiles, oiseaux et mammifères. Elles peuvent conduire à l’extinction locale d’espèces indigènes et pourraient provoquer de profondes modifications des écosystèmes.
Leur consommation de graines et de fruits d’espèces cultivées, ainsi que l’endommagement des racines des plantes, peuvent entraîner de lourdes pertes économiques agricoles. Elles causent également des dommages sur le bétail, en particulier sur les nouveau-nés : en s’attaquant aux muqueuses, elles peuvent rendre les animaux aveugles, ou entrainer la mort par asphyxie lorsqu’elles s’attaquent aux voies respiratoires.
Aux États-Unis, où l’espèce a été introduite en 1930 depuis le port de Mobile en Alabama, le coût annuel des dégâts causés par la fourmi de feu est estimé à 7 milliards de dollars, et elle serait responsable d’une douzaine de décès humains.
En Australie, l’espèce a été détectée pour la première fois en 2001 dans les environs de Brisbane, mais aurait probablement été présente plusieurs années avant sa détection. Suite à cette découverte, un plan d’éradication a été mis en place (National Red Imported Fire Ant Eradication Program) et plusieurs autres zones d’introductions ont été découvertes dans le Queensland et la Nouvelle-Galles du Sud. Si plusieurs populations ont pu être éradiquées, l’expansion de la population le sud-est du Queensland pose aujourd’hui problème, les modèles de dispersion ayant montré que l’espèce pourrait théoriquement s’étendre sur tout le territoire, pouvant ainsi engendrer de lourdes conséquences tant environnementales qu’économiques.
Le 26 juillet 2017, lors du 5e congrès ministériel de l’agriculture, le Gouvernement Australien a annoncé une extension du programme d’éradication dont le montant sur les 10 premières années (2001 – 2012) s’élève déjà à plus de 411 millions de dollars australiens, ce qui en ferait la 2e plus grande opération de biosécurité de l’histoire du pays, après l’éradication de la tuberculose bovine (démarrée en 1970, l’opération avait pris près de 30 ans).
La détection des fourmis est organisée au sol par des agents équipés de longs bâtons, aidés par des chiens renifleurs capables de détecter les phéromones des insectes jusqu’à 40 m de distance. Un système de caméras thermiques embarquées à bord d’hélicoptères a également été développé pour détecter les fourmis depuis les airs.
Lorsque les nids sont repérés, une injection d’insecticide y est effectuée et le nid en est noyé. Ces opérations sont complétées par la dissémination de morceaux de maïs imprégnés d’un régulateur de croissance dans les zones colonisées. La consommation de ces appâts entraine la stérilisation des reines et l’extinction de la colonie en quelques semaines. Sur de grandes étendues, ces appâts sont largués par hélicoptère, en laissant une zone tampon autour des zones habitées et des réservoirs d’eau, bien que les insecticides utilisés, le S-méthoprène ou le pyriproxyfène, soient déclarés non dangereux pour l’homme et l’environnement et très spécifiques de l’insecte ciblé.
Afin d’éviter la dissémination des fourmis de feu, des zones de biosécurité ont été définies et des contrôles sont effectués sur les transports de matériaux susceptibles d’en abriter. La contribution des citoyens est demandée, avec la mise en place d’une sensibilisation importante des populations, d’un numéro de téléphone pour tout signalement de présence de fourmis de feu, ainsi que d’un appel aux volontaires pour les opérations d’éradication.
En savoir plus :
https://www.daf.qld.gov.au/plants/weeds-pest-animals-ants/invasive-ants/fire-ants
https://www.theguardian.com/environment/2017/jul/26/biosecurity-blitz-to-target-red-fire-ants-that-threaten-australian-way-of-life
Hafi, A. et al. 2014. Cost-effectiveness of biosecurity response option to red imported fire ants in South East Queensland. Australian Government, department of agriculture. 52 pp.
En Polynésie française, un drone pour traiter les zones inaccessibles
En Polynésie, c’est une autre espèce, la petite fourmi de feu (Wasmannia auropunctata), également classée parmi les espèces les plus envahissantes au monde, qui pose problème. Signalée pour la première fois à Mahina en 2004, elle a depuis envahi les îles de Tahiti, Moorea, Raiatea, Bora Bora et Rurutu.
Outre ses nuisances sur les activités humaines, elle représente une menace pour les espèces endémiques, dont certaines sont déjà particulièrement menacées. La Société Ornithologique de Polynésie-Manu a mis en place un plan d’éradication à l’entrée des vallées de Paea et Punaauia pour tenter d’en préserver le Monarque de Tahiti (Pomarea nigra), oiseau endémique dont ne subsistent actuellement qu’une cinquantaine d’individus. Les importants moyens mis en œuvre ont permis de gagner du terrain face à la fourmi, cependant le site présente une grande falaise, inaccessible à l’homme. C’est donc à l’aide de drones que l’insecticide (le S-méthoprène, également utilisé en Australie) a été répandu en août 2017. Deux journées ont été nécessaires pour traiter la zone de 11 hectares.
Source : Lettre d’information Espèces exotiques envahissantes outre-mer, UICN France
En savoir plus :
http://www.tahiti-infos.com/Manu-attaque-la-petite-fourmi-de-feu-par-drone_a164221.html
http://www.tahiti-infos.com/Petite-fourmi-de-feu-est-il-deja-trop-tard_a163040.html
http://www.environnement.pf/la-petite-fourmi-de-feu
Rédaction : Doriane Blottière, 13 novembre 2017.