Le raton laveur gagne du territoire et perd du capital de sympathie ?

Ce charmant petit mammifère nord-américain au capital de sympathie toujours aussi élevé auprès de diverses personnes amies des animaux (si l’on se réfère à de nombreux commentaires en ligne à son propos) continue sa dispersion dans l’hexagone. Va-t-il conserver longtemps cette appréciation très positive encore bien partagée ?

En effet, certaines de ses populations installées depuis plusieurs décennies dans plusieurs régions semblent montrer d’importants développements, au moins observables par des dommages signalés localement ou par l’augmentation des individus piégés sur certains territoires comme par exemple en Gironde.

Cet extrait de la carte du GBIF (accès du 6 octobre) de la répartition de l’espèce illustre d’ailleurs très bien les zones où des populations sont installées depuis longtemps.

Les regards très composites portés sur cet animal, depuis « animal de compagnie » mignon et intelligent, jusqu’à espèce exotique envahissante pouvant causer des dommages très facilement observables en font un exemple tout à fait particulier d’EEE à gérer, ce qui a même conduit à l’automne 2024 des collègues belges à en faire « un produit d’appel » pour attirer l’attention sur les espèces exotiques envahissantes dans le contexte d’un programme « Stop Invasions » mis en place en Belgique.

Parmi les récentes observations nocturnes de Raton laveur dans l’hexagone figurent celles obtenues fin 2023 dans le parc naturel régional du Lubéron grâce à des pièges photo-automatiques mis en place par Julien Baudat, naturaliste au parc et, plus récemment, le 22 août 2025 dans les Pyrénées Orientales, grâce à une courte vidéo d’une caméra de surveillance dans la Réserve Naturelle Régionale de Jujols (une des réserves catalanes). Deux localisations assez éloignées l’une de l’autre, illustrant la dispersion de l’espèce toujours en cours dans l’hexagone…

Procyon lotor © Charles Lemarchand

Dans les deux cas, la communication qui a suivi ces informations rappelait les risques inhérents à cette espèce exotique envahissante, dont au moins un message clair « ce n’est pas une bonne nouvelle« , et des rappels sur l’expansion de ses populations, sur ses grandes capacités d’adaptation et de compétition avec les espèces locales et les risques sanitaires le citant comme porteur potentiel de maladies (comme d’autres mammifères sauvages indigènes). L’animal est également cité comme porteur spécifique du parasite Baylisascaris procyonis, ou ascaris du Raton laveur, un nématode indigène en Amérique du Nord reconnu comme un risque émergent en Europe et détecté chez des ratons laveurs au Luxembourg.

Ces deux informations se concluaient par des appels à la transmission des observations de l’animal, soit à l’Office Français de la Biodiversité (pour le Lubéron) soit à soit à une adresse spécifique des Réserves Catalanes

Une des populations de raton laveur bien installée dans l’hexagone se situe en Nouvelle-Aquitaine aux alentours de l’agglomération bordelaise où le piégeage de l’espèce est engagé depuis 2007, par exemple en Gironde par l’Association départementale des piégeurs agréés de la Gironde (ADPAG).

Un retour d’expérience de gestion de l’espèce avait été élaboré avec cette association puis mis en ligne fin 2017 sur le site du CDR EEE. Entre autres informations recueillies de 2007 à 2017, le nombre d’animaux capturés annuellement ne dépassant pas 10 jusqu’en 2012 montrait ensuite une forte augmentation pour atteindre 91 pour la campagne 2016-2017.

Cette augmentation du nombre d’animaux piégés s’est depuis largement poursuivie puisque le bilan des prises de la saison 2022/2023 fait état de 188 individus alors que, selon une information datant du 19 mai 2025, 206 ratons laveurs ont été piégés en Gironde entre juin 2023 et juin 2024. Cet article intitulé « On en est à 14 en trois semaines » : le raton laveur s’installe en Gironde présente surtout des dégâts causés par des ratons laveurs aux arbres fruitiers et des attaques de poules d’un habitant du sud de l’agglomération bordelaise ayant fait appel à l’ADPAG pour enrayer ces dégâts.

A noter que le nombre total de ratons laveurs éliminés en Gironde lors de la campagne 2022-2023 était en fait de 243 puisque 55 individus ont également été « prélevés » par la chasse.

Fin mai 2025, un autre article au titre également plutôt créateur d’angoisse « Je ne pensais pas que c’était aussi méchant » : des milliers de ratons laveurs envahissent le sud-ouest de la France relançait une information comportant un exposé des dégâts causés à des particuliers dans une commune du Lot et Garonne et des actions de l’ADPAG dans cette situation avec une participation de Fabien EGAL, le chargé de mission de l’association, également co-rédacteur du retour d’expérience de 2017.

Plus récemment encore (début juin), augmentant un peu plus le niveau d’inquiétude sur une situation apparemment ingérable (?) : « On n’a plus rien, ils mangent tout » : dans cette région française, les ratons laveurs se multiplient à toute vitesse et détruisent jardins, potagers, vergers et poulaillers, un article recycle les deux précédents avec des formulations plus agressives et surlignées en gras, avec de plus un sous-titre dramatique Des milliers de ratons-laveurs à l’assaut de cette région française, de gros dégâts et des habitants choqués

Commentaires

Hormis les diverses approximations et les quelques exagérations journalistiques concernant cette espèce et les dégâts qu’elle peut poser qu’ils contiennent, ces derniers articles attirent plus spécifiquement l’attention sur les nuisances et dommages que peuvent causer les ratons laveurs dans les parties du territoire où leurs populations sont bien établies. A ce titre il est possible d’admettre qu’ils ont une utilité informative et peuvent contribuer à mieux éclairer les regards à porter sur l’espèce, en les éloignant de l’image mignonne de l’animal de compagnie.

Il reste cependant que l’évaluation de l’intelligence du raton laveur, faisant partie de son appréciation par les amis des bêtes, mérite toujours une attention particulière. Elle est un des éléments devant faire pleinement partie de l’analyse globale des enjeux et des modalités pratiques de sa gestion.

En effet, cette intelligence lui permet une incontestable débrouillardise. Deux exemples ?

Le 30 juillet 2022, une information signalait « Un raton laveur s’est enfui du parc animalier de Pont-du-Casse », un site proche d’Agen en Lot-et-Garonne, en précisant que l’animal avait profité d’un arrêt des clôtures électriques pour s’échapper. A notre connaissance, l’animal n’a pas été retrouvé.

Dans l’article de fin mai se trouve insérée une courte vidéo montrant la capacité d’un raton laveur à s’échapper en en remontant la porte d’une cage à guillotine dans laquelle il avait pénétré pour se nourrir de l’appât. Il y est également indiqué que l’adjonction à la cage d’un élément métallique « anti-retour » par Fabien Egal et ses collègues n’avait pas suffi.

Peut-être va-t-il être nécessaire de mieux prendre en compte les capacités d’adaptation de l’espèce pour espérer mieux gérer ses populations toujours croissantes…

Rédaction : Alain Dutartre (expert indépendant)

Relectures : Yohann Soubeyran et Camille Bernery (Comité français de l’UICN)

Crédits photo en bandeau : Charles Lemarchand

N.B. : l’article d’octobre 2024, « Le raton laveur, un produit d’appel ?« , a été aussi l’occasion de lister les différentes informations diffusées depuis 2017 sur cette espèce par le Centre de Ressources, ce qui peut permettre de mieux évaluer les enjeux des développements de ces populations. S’y reporter pour en savoir plus…