Le raton-laveur, un produit d’appel ?

Une actualité publiée le 25 septembre de cette année sur le site du JDE, journal belge également disponible en version papier, destiné aux enfants “de 9 à 13 ans” pour les aider “à comprendre l’actualité“, présentait une nouvelle exposition “très interactive” mise en place par le centre RIVEO (“Là où les rivières se dévoilent“), le centre d’interprétation de la rivière situé à HOTTON (province de Luxembourg). Intitulée “Stop Invasions”, cette exposition est installée jusqu’à début janvier 2027 dans “sept salles pleines d’activités, de décors et de panneaux d’explication” permettant de “découvrir les espèces invasives (envahissantes) mettant en danger la biodiversité” du pays !

Avec l’impact médiatique tout à fait perceptible de son contenu “Journée internationale du raton laveur : pourquoi est-il une espèce invasive ? “, le titre de cette actualité peut sans conteste attirer l’attention de toute personne, enfant ou adulte, intéressé par l’espèce et le sujet ! De plus l’accès à la page permet de visionner une vidéo de plus de 3 minutes présentée par Philippe STRUYS, animateur au centre RIVEO, mettant en valeur cette exposition et sa thématique.

Cette actualité était clairement une relance informative d’une actualité publiée début juin 2024 sur le site de RIVEO qui annonçait la mise en place de cette exposition en précisant qu’elle était en lien avec une “grande campagne de sensibilisation “Stop aux Espèces Exotiques Envahissantes” lancée le 11 avril 2024 par le SPWARNE (Service Public de la Wallonie, Agriculture, Ressources naturelles et Environnement).

L’accroche médiatique se référant au raton-laveur et à la Journée internationale qui lui est consacrée se référait évidemment aux actions de communications menées en Amérique du Nord sous des titres plus clairement positionnés comme une “Journée internationale pour la reconnaissance du raton-laveur“. La page française indique que cette journée “célèbre tous les animaux mal compris qui sont considérés comme des parasites ou des “animaux nuisibles”, alors qu’ils sont en fait des maillons essentiels de leur écosystème. Les ratons laveurs aux États-Unis ou au Canada en sont un bel exemple”. Elle se termine, comme une évidence, avec la citation du poème “Inventaire” de Jacques Prévert

Au moins trois sites Internet nord-américains sont disponibles sur cette Journée (voir par exemple). Ils présentent le raton laveur de manière positive, des animaux “mignons“, “gentils“, “intelligents“, agiles de leurs pattes, appréciés comme “animaux de compagnie” (cute animals, incredibly smart,  keep raccoons as pets). Ils indiquent que la création de cette Journée date de 2002, à la suite d’une initiative d’une “jeune fille de Californie” (a young girl from California) voulant “mettre en avant les bons côtés du raton laveur plutôt que les mauvais.”

Les informations présentes sur ces sites proposent également visites et actions de découvertes de l’espèce, indigène en Amérique du Nord, en particulier en direction des enfants, mais aussi des recommandations de sécurité et de comportement en matière de contacts avec elle, tenant compte des risques sanitaires (rage) et de morsures.

Le cas du Raton laveur en Belgique ?

Dans la page du JDE, après des éléments généraux sur ce que sont les espèces “exotiques invasives“, le Raton laveur est bien présenté comme un exemple très intéressant “mignon, avec sa petite tête de peluche” mais il est clairement cité comme l’espèce posant le plus de problèmes selon l’article : “Il fait beaucoup de dégâts, entre dans les maisons et détruit des habitats. Il propage des maladies, peut être très agressif, et est aussi un danger pour d’autres espèces. Pour se nourrir, il vide les nids et les mares, se nourrissant des oisillons et des grenouilles.”

Présent en Belgique depuis les années 40, il y pose des problèmes depuis une dizaine d’années avec un développement important faute de prédateurs. L’article rappelle enfin qu’en Wallonie se trouvent “environ 1 500 espèces invasives, dont 150 dites envahissantes“.

Alors, le Raton laveur comme produit d’appel ?

Ainsi, ce charmant mammifère sert-il bien d’accroche médiatique en direction du public d’enfants ciblé par le journal sur cette thématique des invasions biologiques pour aider à la sensibilisation, valoriser l’exposition de longue durée du centre RIVEO et relayer l’information sur la campagne wallonne “Stop aux Espèces Exotiques Envahissantes“.

N.B. : Sur le site Internet de la campagne “Stop aux Espèces Exotiques Envahissantes”, à la rubrique “Matériel de la campagne“, sont indiquées des possibilités de téléchargement ou de commande gratuite de différents outils de communication, tels que affiches, dépliants, etc., sur plantes et animaux.

Pour en savoir plus :

Depuis 2017, l’espèce a fait l’objet de différents articles du CDR, dont deux portant sur les dégâts agricoles en Guadeloupe (l’un en 2017 présentant un projet d’étude, l’autre en 2018 une première évaluation des impacts).

Deux autres articles présentaient des informations sur le régime alimentaire observé en Auvergne (2017) et des résultats de travaux menés par le “consortium Raton laveur” sur l’écologie et l’éthologie de l’espèce (2023).

En 2019, l’animal a été signalé en Haute-Savoie, dans une partie de l’hexagone où, à l’époque, aucune population n’avait été observée, l’article rappelant l’importance de la remontée d’informations sur ces signalements.

En 2020, toujours à propos de la Guadeloupe, un article évaluait le capital de sympathie du Raton laveur, souvent considéré comme une espèce indigène, voire même comme un emblème local, et présenté comme tel dans un ouvrage illustré pour les enfants, alors qu’il est maintenant établi qu’elle est exotique sur ce territoire. Cet article montrait les difficultés de représentations qui peuvent subsister sur des espèces exotiques dans des contextes particuliers.

En 2021, un article présentait un appel à contributions sur les questions de gestion éthique des vertébrés pouvant contribuer aux travaux de l’UICN sur le sujet. Le Raton laveur faisait partie des 22 espèces répertoriées par l’UE et, fin 2022, un article faisant état de la publication d’un manuel destiné à aider les États membres et l’ensemble des gestionnaires dans le choix des mesures les plus éthiques de gestion de ces EEE préoccupantes pour l’Union.

Enfin, en avril 2023, le premier colloque européen consacré à cette espèce a eu lieu à Lyon, il a été suivi de la fondation d’un groupe international de recherche, EURORACCOON. Une deuxième manifestation du groupe s’est tenue en avril 2024 en Italie.

Rédaction : Alain Dutartre, expert indépendant

Relecture : Camille Bernery, Comité français de l’UICN