L’OFB contribue dans le cadre du consortium européen Biodiversa+ à un projet de recherche-action sur les EEE avec une dizaine d’autres pays européens pour tester des nouvelles technologies innovantes en matière de surveillance de la biodiversité.
Le partenariat européen pour la biodiversité Biodiversa+ a pour objectif d’améliorer les connaissances sur la biodiversité et la surveillance de la biodiversité, par le biais en particulier de la recherche et de l’appui à la recherche, afin d’en augmenter leur impact sur la société et les politiques publiques à travers l’Europe. Cofinancé par la Commission européenne et les partenaires impliqués, il associe la science, les politiques publiques et la pratique sur le terrain pour mettre en place des changements transformateurs. Les 81 partenaires sont des agences de financement de la recherche ou des acteurs des politiques environnementales de 40 pays.
Ce consortium s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de l’Union européenne (UE) pour la biodiversité à l’horizon 2030. Son but principal est d’améliorer, d’harmoniser et de promouvoir la surveillance transnationale de la biodiversité et des services écosystémiques en Europe en définissant des indicateurs communs d’objectifs et en renforçant les réseaux existants ou en développant de nouveaux réseaux de surveillance. Ces réseaux devront s’appuyer sur des outils innovants, accessibles financièrement et faciles à déployer. C’est dans ce cadre que des études dites pilotes sont développées pour tester de tels outils et leur déploiement, et les EEE font partie des thèmes prioritaires vers lesquels doivent se concentrer ces études.
L’étude pilote « surveillance des EEE »
Le projet, piloté par le Danemark, compte 11 pays contributeurs actifs à l’échelle européenne et transnationale. En France, c’est l’OFB, via sa Direction de la recherche et de l’appui scientifique (DRAS), qui est chargé de mener à bien ce projet intitulé « SAI-IAS » (Surveillance par intelligence artificielle des espèces exotiques envahissantes).
Pays européens impliqués dans l’étude pilote « surveillance des EEE » (en bleu, pays ou régions concernés) © Alix d’Audeville
Débutée en janvier 2023 avec une fin prévue en décembre 2024, cette étude se compose de différentes phases – une phase de tests (2023-2024) et une phase de déploiement et de retours d’expériences (2024) – et comporte deux volets, l’un flore et l’autre faune.
Le premier volet porte sur les plantes exotiques envahissantes, le long des grandes infrastructures linéaires de transport, qui sont des corridors importants dans la dispersion de ces espèces, dans l’optique de surveiller pour mieux gérer ces plantes ;
Le deuxième volet porte sur les papillons de nuit exotiques envahissants, dans les parcs, jardins, forêts, pépinières, des lieux où les plantes importées peuvent voyager avec des cortèges d’espèces animales, dans l’optique de surveiller pour mieux connaître ces papillons.
Chaque volet prévoit deux tests :
- Le premier visant à déterminer les outils d’acquisition d’images qui sont adéquats pour obtenir des photographies de qualité pour l’inventaire des espèces ;
- Le deuxième visant à déterminer si le logiciel d’analyse d’images par intelligence artificielle est performant pour identifier automatiquement les espèces.
En matière de surveillance, l’étude pilote permettra dans l’avenir :
- D’une part de suivre les espèces exotiques déjà présentes en France sur la base des tests réalisés en France ;
- D’autre part de détecter les nouvelles espèces exotiques introduites en France par le biais des tests réalisés dans les autres pays européens.
Ainsi, pour la France, elle contribuera à la mise en œuvre de la stratégie nationale relative aux EEE (SNEEE), de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), ainsi qu’au programme national de surveillance de la biodiversité terrestre (PNSBT). Elle pose les jalons pour répondre à différents objectifs :
- Mieux prévenir l’introduction sur le territoire d’EEE ;
- Surveiller l’ensemble du territoire et agir au plus vite en cas de détection ;
- Limiter les populations et les impacts des EEE quand elles sont installées.
Le volet « plantes exotiques envahissantes »
Plantes étudiées
Chaque pays avait 15 espèces à surveiller, parfois similaires. Côté français, 15 plantes terrestres régulièrement observées le long des linéaires de transport (les dépendances vertes) sont surveillées dans le cadre de cette étude : Ailanthus altissima (Ailante glanduleux), Ambrosia artemisiifolia (Ambroisie à feuilles d’armoise), Asclepias syriaca (Herbe aux perruches), Baccharis halimifolia (Séneçon en arbre), Buddleja davidii (Arbre aux papillons), Cortaderia selloana (Herbe de la pampa), Heracleum mantegazzianum (Berce du Caucase), Parthenocissus inserta (Vigne-vierge commune), Phytolacca americana (Raisin d’Amérique), Reynoutria sp. (Renouées asiatiques), Rhus typhina (Sumac de Virginie), Robinia pseudoacacia (Robinier faux-acacia), Senecio inaequidens (Séneçon du Cap), Solidago sp. (Solidages américains), Sorghum halepense (Sorgho d’Alep). Ces espèces disposent également d’attributs variés (types biologiques, densité des feuilles, couleur des fleurs, taille des populations, etc.) permettant d’entraîner l’intelligence artificielle sur différents types de plantes. En comptant les plantes des autres pays européens du projet, ce sont plus d’une cinquantaine de plantes qui devraient pouvoir être prospectées (dont Acer negundo – Erable negundo –, Amorpha fruticosa – Faux indigo –, Datura stramonium – Datura stramoine –, Helianthus tuberosus – Topinambour –, Impatiens glandulifera – Balsamine de l’Himalaya –), permettant donc bien à la fois le suivi de plantes établies et la détection de nouvelles plantes en France.
En plus des plantes terrestres, quelques plantes aquatiques ont été testées en France (pour les dépendances bleues) : Azolla filiculoides (Azolle fausse-fougère), Egeria densa (Egérie dense), Elodea nuttallii (Elodée de Nuttall), Hydrocotyle ranunculoides (Hydrocotyle fausse-renoncule), Ludwigia grandiflora (Jussie à grandes fleurs), Ludwigia peploides (Jussie rampante), Myriophyllum heterophyllum (Myriophylle hétérophylle).
Partenaires et sites prospectés
Les partenaires mobilisés sont la Direction des mobilités routières (DMR) du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT), les Directions interdépartementales des routes (DIR), les Conservatoires botaniques nationaux (CBN) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) pour les routes, ainsi que SNCF Réseau (Société nationale des chemins de fer français), Voies navigables de France (VNF) et les Canaux de Bretagne pour les autres linéaires.
En 2023 et en 2024, le projet s’est déroulé sur les réseaux routiers des DIR. En 2024, il a été étendu sur d’autres grands linéaires comme le long des voies ferrées avec SNCF Réseau et des canaux fluviaux avec VNF et les Canaux de Bretagne. Cette déclinaison permet aussi d’expérimenter le dispositif sur d’autres espèces et d’autres milieux.
Outils testés
Pour les plantes, le principal outil d’acquisition d’images testé est un appareil photo embarqué sur un véhicule, la « CamAlien » , créée par l’entreprise danoise The AI Lab. Cet appareil permet la prise de photos à la perpendiculaire du bord de la voie, en continu et à vitesse normale de circulation (allant jusqu’à 130 km/h). La caméra est alimentée par l’allume-cigares du véhicule (sinon par une batterie mobile).
Cette CamAlien sur voiture est comparée à un autre outil existant déjà utilisé et développé par le Cerema, l’« Isri’Cam » , qui est déployé initialement pour de la sécurité routière mais dont les photos (issues d’une GoPro) peuvent également être utilisées pour la surveillance de la végétation. Pour les voies ferrées et fluviales, les partenaires disposent déjà de photos de leur environnement prises par leurs propres outils (service Imajnet pour SNCF Réseau, partenaire Transoft Solutions pour VNF, prestataire Christophe COURCAUD – consultant Freelance pour Google Map – pour les Canaux de Bretagne). Ces photos sont aussi analysées par le projet pour déterminer si elles sont pertinentes ou non pour ce dispositif de surveillance en comparaison des photos prises par la CamAlien directement installée dans les trains ou encore sur un véhicule sur les chemins de halage. D’autres images d’autres dispositifs et sources, comme celles de Google Street View, pourraient également servir au projet.
La CamAlien, une caméra embarquée sur voiture, pour surveiller les plantes. © Alix d’Audeville
Pour le logiciel d’analyse d’images par intelligence artificielle, le projet est mené en partenariat étroit avec l’équipe française de PlantNet (CIRAD, INRIA, INRAE, IRD, Fondation Agropolis), dont l’algorithme développé semble être le plus performant sur le marché dans ce domaine avec les plantes.
D’autres applications auraient pu néanmoins être utilisées et testées comme Google Lens ou iNaturalist.
Méthodes déployées
Afin d’entraîner l’intelligence artificielle à identifier les espèces recherchées, par des processus d’apprentissage numérique (« deep learning »), la phase de test a consisté à « taguer » (labelliser) en direct sur le terrain grâce à une télécommande les images prises avec la CamAlien sur lesquelles une plante exotique envahissante est visuellement reconnue (une visualisation sur téléphone en direct est possible par une connexion par wifi à l’ordinateur de l’appareil).
Cette phase de terrain n’a pas été conduite de manière aléatoire. Pour mieux repérer les populations de plantes, elle s’appuie sur les recensements existants avec des populations maintenant connues, dont l’inventaire réalisé entre 2017 et 2020 par les DIR et les CBN et coordonné nationalement par la DMR et l’OFB (qui coordonne les CBN). Celui-ci avait été mené sur les 12000 km de Réseau routier national (RRN) non concédé pour quatre plantes exotiques envahissantes d’intérêt national pour les DIR (Ailante glanduleux, Ambroisie à feuilles d’armoise, Berce du Caucase, Renouées asiatiques) . Le projet permettrait donc dans l’avenir de perpétuer cet inventaire avec cette fois-ci l’emploi d’une technique novatrice complémentaire des techniques conventionnelles de surveillance utilisées actuellement. Ce travail a aussi pu s’appuyer sur les données d’observation des espèces d’OpenObs et de l’INPN (notamment pour les 11 autres espèces du projet).
Chaque pays contributeur au projet devait capter 10 h de prises de vue en 2023 le long des routes en juillet et en août (pendant la période végétative). Sur cette durée, il fallait photographier les 15 plantes terrestres ciblées, tout en filmant également des tronçons non envahis, servant de témoins pour entraîner l’intelligence artificielle. La CamAlien est capable de prendre 5 images par seconde et de stocker quelques heures en continu de prise d’images géolocalisées par GPS (intégré à l’appareil) aux formats JPEG et TIFF sur un disque dur externe. Une fois de retour au bureau, il est nécessaire de vérifier et d’annoter les labellisations des plantes exotiques envahissantes pour garantir un référencement précis de la banque d’images utilisée pour entraîner l’intelligence artificielle.
Premiers résultats
Ces résultats portent sur la campagne de terrain de 2023.
En matière de production d’images, environ 12 h d’enregistrement d’images ont été réalisées et environ 2200 km ont été parcourus, ce qui représente 14 To de données qui ont été collectées au total (plus de 600000 photos), dont 13 % sont des photos labellisées avec des espèces ciblées. Toutes les espèces ciblées ont été observées sauf l’Herbe aux perruches et la Berce du Caucase. Les secteurs prospectés étaient notamment la N171 entre Nantes et Saint-Nazaire, l’E60 entre Nantes et Brest, l’E3 entre Nantes et Rennes, l’E606 entre Angoulême et Bordeaux, la N7 entre Lyon et Valence, et le périphérique parisien, afin de pouvoir apercevoir au maximum l’ensemble des plantes visées. Les photos acquises par la CamAlien sont de qualité et de résolution suffisantes, tandis que celles de l’Isri’Cam semblent moins nettes et plus sombres (surtout lorsque la voiture roule à plus de 70 km/h).
Raisin d’Amérique (Phytolacca americana) capté par la CamAlien. ©AI Lab.dk
Population d’intérêt d’Ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) captée par la CamAlien. ©AI Lab.dk
En matière de traitement d’images, l’algorithme de reconnaissance automatique des espèces de PlantNet fonctionne d’une part en extrayant du paysage les populations d’intérêt et d’autre part en comparant les motifs visuels identifiés, grâce à la base de données d’images déjà existante puis amendée par le projet. Un pourcentage de probabilité d’identification est alors attribué à chaque espèce labellisée sur les photos. Si le score de certitude est supérieur à 50 %, alors l’identité de l’espèce est confirmée. Les premiers tests révèlent que l’intelligence artificielle dispose d’une bonne reconnaissance des plantes ligneuses, mais est moins performante pour les plantes herbacées, possiblement plus difficiles à percevoir dans un paysage végétal qui peut être dense et dont les motifs de formes et de couleurs peuvent se confondre.
Seuils d’identification pour Ailanthus altissima pour les pays qui ont suivi l’espèce (l’identification est validée si le score est supérieur à 0.5 / 50%). © Aarhus University
Missions en cours
Ces missions portent sur les travaux prévus en 2024.
En matière d’acquisition d’images, pour les trois types de voies (routières, ferrées, navigables), il est prévu de nouveau de collecter 10 h de prises de vues tous réseaux confondus. Pour les routes, la nouvelle campagne se concentrera sur les mêmes tronçons mais à d’autres périodes de l’année, comme les mois de mai et juin, afin d’obtenir d’autres stades phénologiques des plantes pour alimenter la base d’images et entraîner l’intelligence artificielle. Pour les voies ferrées, le travail sera réalisé en Champagne-Ardenne dans des TER qui circulent jusqu’à 160 km/h sur le Réseau ferré national (RFN). Pour les voies navigables, le travail sera réalisé en Bretagne, en Bourgogne et en Champagne-Ardenne avec une voiture circulant sur les chemins de halage jusqu’à 50 km/h.
Par ailleurs, l’étude de comparaison entre les outils se poursuivra, afin de déterminer lesquels sont les plus appropriés, en termes d’avantages, d’inconvénients, d’efficacité, de faisabilité et de coût.
En matière d’analyse d’images, le travail à réaliser devra permettre d’automatiser le traitement des photos géolocalisées, de leur acquisition sur le terrain jusqu’à leur visualisation sous forme cartographique, en passant par une reconnaissance automatique des espèces sur toutes les photos collectées (labellisées ou non). A l’avenir, toute personne souhaitant utiliser ce dispositif pourra le faire de manière opportuniste au cours de ses missions habituelles. Il suffira d’installer l’outil d’acquisition sur son véhicule et de laisser l’appareil filmer en continu, sans se préoccuper d’observer et de labelliser. Les photos pourront ensuite être téléchargées et traitées par l’API (interface de programmation d’application) de PlantNet (avec un abonnement/contrat dédié à définir).
D’autres objectifs restent à développer :
- la bancarisation des images dans un système d’information (SI) puisqu’actuellement les photos sont stockées sur des disques durs externes ;
- la diffusion et la valorisation des données auprès des systèmes d’information sur les occurrences des espèces, comme le SINP en France (Système d’information de l’inventaire du patrimoine naturel), EASIN en Europe (European alien species information network) et le GBIF à l’échelle mondiale (Global biodiversity information facility) ;
- le développement de la caractérisation (longueur, largeur, densité, etc.) des populations, le logiciel actuel ne permettant de définir que la présence ou l’absence de l’espèce.
Finalité opérationnelle
Comme expliqué dans le préambule, l’objectif global de ce volet est de surveiller les plantes exotiques envahissantes pour mieux les gérer par la suite. Ce projet a aussi pour ambition de proposer un outil d’aide à la décision aux gestionnaires d’infrastructures qui leur permettrait de prioriser les populations à gérer sur leurs réseaux et de déterminer les objectifs de gestion de ces populations. Un tel outil d’accompagnement s’appuierait sur l’outil de surveillance pour le recensement des populations issu de l’étude pilote.
Le volet « papillons de nuit exotiques et/ou envahissants »
Lépidoptères étudiés
Les 12 espèces d’insectes visées sont : Araeopteron ecphaea (Nigériane), Cathayia insularum (Teigne du dattier des Canaries), Clepsis peritana (Tortue de jardin), Cydalima perspectalis (Pyrale du buis), Diplopseustis perieresalis (Hydrocampe de Perieres), Earias roseifera (Halias de l’Azalée), Epiphyas postvittana (Epiphyas d’Australie), Lymantria dispar (Bombyx disparate), Plesiomorpha flaviceps (Phalène du Houx japonais), Spodoptera littoralis (ver du cotonnier), Thaumetopoea pityocampa (Processionaire du pin), Thaumetopoea processionea (Processionaire du chêne). Ce sont des lépidoptères nocturnes exotiques qui sont déjà observés en France hexagonale. Avec les autres pays européens impliqués dans l’étude, ce sont au moins une trentaine de ces espèces qui pourront être inventoriées dans l’avenir par le développement de l’outil de surveillance, en mode suivi ou en mode détection.
Partenaires et sites prospectés
Les partenaires scientifiques et techniques de ce volet sont le réseau Oreina et l’association Noé.
En 2023 et en 2024, en France, les pièges photos sont localisés dans trois sites différents d’étude : un jardin avec le Jardin des plantes de Nantes, une pépinière avec les Pépinières du Val d’Erdre, et une forêt avec la forêt privée de Grand’Landes. Ces sites accueillent différents types de plantes importées (espèces tropicales, espèces horticoles, espèces sylvicoles, etc.) pouvant être des sources d’introductions biologiques involontaires.
L’AMI-Trap, la caméra utilisée pour les lépidoptères nocturnes. © Alix d’Audeville
Outils testés
Pour les insectes, l’outil d’acquisition d’images testé est une caméra autonome fixe type piège-photo lumineux, l’ « AMI-Trap » (« automated monitoring insects trap »), développée par le Centre d’écologie et d’hydrologie du Royaume-Uni (UK Centre for Ecology & Hydrology, UKCEH), qui se déclenche dès qu’un insecte se pose sur le support devant la caméra . La caméra fonctionne de 23h à 3h du matin le lendemain, avec une lampe (LépiLED) réglée sur des longueurs d’ondes attractives pour les lépidoptères. Les trois caméras utilisées sont alimentées en électricité soit par une prise classique soit par un panneau solaire.
Aucun outil comparable déjà utilisé en France n’est testé par l’OFB, à l’instar de la CamAlien pour les plantes. Des rapprochements sont effectués avec le programme Lépinoc de l’association Noé , dont les objectifs principaux sont d’améliorer l’état des connaissances sur les papillons nocturnes et de sensibiliser aux enjeux de protection de la biodiversité nocturne. Le programme Lépinoc s’appuie sur un projet de science participative à destination des gestionnaires d’espaces verts et naturels reposant sur un dispositif de suivi automatisé des papillons nocturnes par attraction lumineuse et capture photographique.
Pour le logiciel d’analyse d’images par intelligence artificielle, l’Université d’Aarhus, coordinatrice du projet, a développé un algorithme informatique nommé « Moth Classification and Counting » (MCC) basé sur du « deep learning » qui permet de reconnaître les taxons au rang de l’ordre (et non jusqu’à l’espèce précisément).
Derechef d’autres outils de photo-interprétation pourraient être utilisés en test et en comparaison, comme Google Lens ou iNaturalist comme précédemment cités.
Méthodes déployées
Chaque pays contributeur a testé trois caméras disposées chacun dans un site sélectionné entre août à octobre 2023. Les photos sont prises automatiquement dès qu’un insecte se pose devant la caméra, mais des photos dites « snapshots » sont également prises automatiquement toutes les 10 minutes.
Le travail de reconnaissance s’est pour le moment concentré sur les « snapshots ». Le logiciel MCC est déjà capable de repérer et de délimiter les spécimens présents dans des « boîtes » sur les images, puis de déterminer et de classer les « ordres » des taxons. Par la suite, des experts naturalistes français du réseau Oreina et des experts d’autres pays européens sont mobilisés pour déterminer jusqu’aux espèces afin d’entraîner l’algorithme à identifier jusqu’à ce rang taxonomique.
Boîte de détermination de la Pyrale du buis (Cydalima perspectalis) détectée par le logiciel MCC à partir d’une photo de l’AMI-Trap. © UKCEH
Premiers résultats
Ces résultats portent sur la campagne de terrain de 2023.
En matière de production d’images, plusieurs milliers de photos ont été prises, mais seulement 1 des 12 espèces ciblées a pu être observée (Pyrale du buis – Cydalima perspectalis) car seuls les snapshots ont été analysés cette année.
En matière de traitement d’images, une première constatation montre que les espèces de macrolépidoptères sont identifiables par l’intelligence artificielle, alors que les espèces de microlépidoptères sont moins identifiables sur les photos, de par leur résolution, plutôt nettes mais pas encore assez pour permettre la détermination des caractéristiques des microlépidoptères. Le nombre important de photos prises sur un court laps de temps lors des déplacements des insectes sur le support permet parfois de préciser ces déterminations.
Missions en cours
Ces missions portent sur les travaux prévus en 2024.
En matière d’acquisition d’images, le même travail qu’en 2023 sera poursuivi en 2024, dans les mêmes sites, mais pendant des périodes différentes (mai à août), pour compléter les données sur la saison manquante. Un inventaire de terrain des espèces végétales présentes autour des appareils dans des rayons de différentes tailles sera réalisé pour caractériser les habitats, afin de mettre en évidence de possibles corrélations entre la présence des insectes et la présence des végétaux. Par ailleurs, tous les pays contributeurs devraient pouvoir mettre en place les caméras ce qui n’avait pas été le cas l’année précédente avec certaines difficultés techniques rencontrées.
En matière d’analyse d’images, les nouvelles photos prises avec leur interprétation par les experts permettront de continuer d’alimenter l’apprentissage numérique de l’algorithme informatique pour qu’il puisse reconnaître et classer automatiquement les taxons visés par l’étude et cela presque tout au long de l’année. Par ailleurs, les mêmes autres missions que pour le volet végétal s’appliqueront pour le volet animal, avec la nécessité de développer un « pipeline » avec logiciel en ligne pour permettre une autonomie des utilisateurs du dispositif, ainsi qu’avec un travail sur la bancarisation (SI) et la transmission (GBIF) des données.
Finalité opérationelle
Comme expliqué dans le préambule, l’objectif global de ce volet est de détecter de nouvelles espèces et de surveiller les papillons nocturnes exotiques envahissants pour mieux les connaître par la suite. En plus d’essayer de comprendre l’écologie des espèces inventoriées avec le lien entre leur présence et des variables biotiques (végétation alentour), le projet pourrait également s’intéresser à des données météorologiques, notamment grâce au modèle numérique AROME de Météo France, puisque l’observation des espèces visées semble beaucoup varier en fonction de la météo. Un module supplémentaire intégré à la caméra pourrait éventuellement acquérir en même temps ce type de données météorologiques en temps réel.
Pour conclure
En 2024, deuxième et dernière année de l’étude pilote, un guide de retour d’expérience pour mettre en place cette surveillance nationale des espèce exotiques envahissantes sera développé avec des aspects prospectifs sur ces 2 outils pour leur déploiement national.
L’étude pilote permettra également d’améliorer les appareils photographiques, par exemple en termes de luminosité pour la CamAlien ou de réactivité pour l’AMI-Trap.
Par ailleurs des rapprochements avec le projet MAMBO pour les plantes (Modern approaches to the monitoring of biodiversity) et avec le projet SPRING pour les insectes (Strengthening pollinator recovery through indicators and monitoring) seront à mettre en place. Des comparaisons avec les systèmes similaires pour les animaux tels que les mammifères, comme les pièges-photos et l’initiative DeepFaune du CNRS, seront également à organiser.
Enfin il est à noter que d’autres espèces (par exemple protégées et patrimoniales), d’autres véhicules (comme les drones et les bateaux), et d’autres technologies (télédétection), nécessiteraient également des études consacrées.
Rédaction : Alix d’Audeville (OFB) et Arnaud Albert (OFB)
Relecture : Mathieu Basille (OFB), Camille Bernery (Comité français de l’UICN), Yohann Soubeyran (Comité français de l’UICN)
Pour en savoir plus
- Partenariat Biodiversa+ : https://www.biodiversa.eu/
- Rapport intermédiaire de mi-parcours de l’étude-pilote sur les EEE : https://www.biodiversa.eu/wp-content/uploads/2024/01/D2.11_IAS-Pilot-Midterm-Report.pdf
- Vidéo LinkedIn sur la CamAlien : https://www.linkedin.com/posts/alix-d-audeville_ofb-biodiversaplus-camalien-activity-7091801350556037120-I-ZS?utm_source=share&utm_medium=member_desktop
- Portail technique de l’OFB avec une page dédiée au partenariat Biodiversa+ (dont les études pilotes) : https://professionnels.ofb.fr/fr/Biodiversa-plus-partenariat-europeen-pour-biodiversite
- Stratégie nationale biodiversité 2030 : https://biodiversite.gouv.fr/la-strategie-nationale-biodiversite-2030