Des tortues exotiques présentes en France

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D’eau douce ou terrestres, les tortues sont des reptiles très appréciés des terrariophiles et aquariophiles. Dans de nombreux pays comme en France, la tortue est assez présente dans les foyers des particuliers comme nouvel animal de compagnie (ou NAC) au même titre que plusieurs espèces exotiques.

L’acquisition d’une tortue n’est pourtant pas anodine en raison notamment de leur longévité faisant de cette acquisition un engagement long terme. La détention d’une tortue peut être soumise à autorisation préalable (déclaration, certificat de capacité, autorisation d’ouverture). Si certaines espèces sont en voie de disparition, d’autres sont exotiques envahissantes.

Le succès de la tortue de Floride

La Tortue de Floride (Trachemys scripta elegans) appelée également Trachémyde à tempes rouges ou encore Trachémyde écrite, a été longtemps vendue comme animal de compagnie. Reconnaissable à ses marques rouges au niveau des tempes, cette tortue ne vit pas naturellement en Floride, mais dans l’est des États-Unis où elle fréquente les eaux stagnantes des étangs et marais et les eaux courantes des rivières et fleuves, notamment le Mississippi. En raison de cas de transmission de la Salmonellose à des enfants, la vente de ces tortues a été interdite aux Etats-Unis en 1975, les entreprises américaines se sont alors tournées vers l’exportation de ces animaux.  C’est ainsi que plus de quatre millions d’individus ont été importés en France entre 1985 et 1994  (Dupré et al., 2006).

Depuis 1997, sa commercialisation est interdite en France, mais l’espèce qui peut vivre jusqu’à 60 ans en captivité s’est bien acclimatée dans son pays d’adoption. Elle continue depuis à faire l’objet de ventes illégales entre particuliers.

Tortues de Floride au Marais des Oiseaux – Ile d’Oléron

Vendues en animalerie au stade juvénile et mesurant entre 3 et 5 cm et un poids de 6 et 10 g, ces tortues peuvent atteindre assez rapidement jusqu’à 2 kg et nécessiter, en rapport avec l’évolution de son gabarit, une adaptation de ses conditions d’accueil. Par ailleurs, leur absence de sociabilité et leur grande longévité n’en font pas des animaux de compagnie particulièrement appréciés sur le long terme. Finalement certains propriétaires choisissent de les abandonner dans la nature au risque de perturber la faune locale (voir partie sur les impacts).

En plus de cette sous-espèce de Tortue de Floride, deux autres ont également été introduites mais de manière plus anecdotique : T. scripta scripta et T. scripta troostii. Aujourd’hui, la Tortue de Floride est présente dans toutes les régions de la métropole (voir sa répartition sur le site de l’INPN), des Antilles, de la Réunion, et a été introduite récemment en Nouvelle-Calédonie. Elle se retrouve régulièrement dans les milieux périurbains (Pascal et al., 2006), où elle peuple les étangs, cours d’eau, marais, etc.

Si les conditions environnementales (température) peuvent limiter le succès des pontes, la reproduction est avérée dans de plus en plus de sites, permettant à la tortue de Floride de s’implanter durablement en métropole ; c’est notamment le cas dans le sud de la France et dans la région d’Orléans.

Mais d’autres aussi…

Après récupération par les agents de l’OFB, la tortue alligator a été transférée dans le centre spécialisé “Village des tortues”. Crédit photo : Concha Agero / OFB

D’autres espèces de tortues exotiques aquatiques et semi-aquatiques sont régulièrement retrouvées dans le milieu naturel, comme en avril dernier où des promeneurs ont découvert un spécimen de Tortue alligator (Macroclemys temminckii) dans l’étang du Parc Naturel départemental de Vaugrenier, en Alpes-Maritimes. Cette espèce est classée comme vulnérable dans la liste rouge de l’UICN, dans son aire naturelle de réparition aux États-Unis, et son commerce est encadré en France (nécessité d’un certificat de capacité attestant notamment des compétences du propriétaire à l’élever correctement). Ses importantes capacités de morsure ont amené son classement dans la liste des espèces dangereuses en France (arrêté ministériel du 21 novembre 1997).

Autre espèce considérée comme dangereuse, une Tortue serpentine (Chelydra serpentina) a été retrouvée aux abords du canal du Midi par la gendarmerie de Haute-Garonne, le 26 mai dernier (article du Midi-Libre). Une enquête nationale réalisée en 2016 avait indiqué la présence de cette espèce américaine dans 29 départements métropolitains, ainsi que sur l’île de la Réunion avec parfois une reproduction avérée (Maucarré, 2016).

Plusieurs autres espèces de tortues exotiques comme celles du genre américain Kinosternon spp., font toujours l’objet de commercialisations et pourraient devenir problématiques à l’avenir si elles se retrouvaient dans le milieu naturel.

Présente également sur le territoire métropolitain, la Tortue Grecque (Testudo graeca), une espèce terrestre, a longtemps été prélevée dans la nature à des fins commerciales de consommation ou comme animal de compagnie. La pression des prélèvements fut si importante qu’elle a fortement régressé dans son aire de répartition naturelle, l’Afrique du Nord. L’UICN la considère actuellement comme vulnérable à l’échelle mondiale. En France, des individus relâchés ou échappés se rencontrent occasionnellement et parfois même se reproduisent (Dupré et al., 2003 ; Thévenot, 2014).

Quels impacts ?

Les individus présents dans le milieu naturel sont des animaux échappés de captivité ou relâchés volontairement.
Leur succès de ponte est essentiellement dépendant des facteurs climatiques et sous les latitudes méridionales, la tortue de Floride se reproduit. Le réchauffement climatique serait donc de nature à favoriser l’éclosion sous des latitudes plus nordiques.

  • Déséquilibre du milieu d’introduction

Lorsqu’elles sont présentes en forte densité, leur alimentation est suspectée d’avoir un effet négatif sur la flore et la faune aquatiques, en particulier sur les amphibiens et les invertébrés. Toutefois, leurs impacts sur le milieu naturel restent encore relativement peu évalués et font toujours l’objet d’études.

  • Menace potentielle pour les espèces de tortues protégées

La Cistude d’Europe, une espèce protégée en France – Crédit photo : Thomas Gendre

Plusieurs recherches ont notamment été menées pour étudier de façon expérimentale la compétition entre la Tortue de Floride et la Cistude d’Europe (Emys orbicularis), espèce autochtone protégée en France et dont les effectifs sont en forte régression. Une importante concurrence a pu être observée pour l’accès aux sites d’exposition au soleil, indispensable à la régulation thermique de ces espèces poïkilothermes (c’est-à-dire à sang froid), menant ainsi à une surmortalité hivernale des cistudes dans les bassins fréquentés par les deux espèces (Cadi et Joly, 2003 et 2004). Vorace et agressive, la Tortue serpentine pourrait elle aussi entrer en compétition avec la Cistude d’Europe (Maucarré, 2016)

Dans l’étang de Mauguio, les trachémydes sont suspectées de porter également préjudice à l’Emyde lépreuse (Mauremys leprosa), classée avec la Cistude d’Europe aux annexes II et IV de la directive Habitat-Faune-Flore. Ces deux espèces indigènes font d’ailleurs l’objet de plans nationaux d’actions.

  • Vecteur de pathogènes

L’introduction de tortues exotiques dans le milieu naturel peut également participer à la transmission de parasites et de maladies. Tout comme la Tortue de Floride, la Tortue Grecque présente pour l’humain un risque de contamination sanitaire aux salmonelles, et aux herpès-virus pour les populations de Tortue d’Hermann, seule espèce de tortue terrestre indigène en métropole, dans les zones où les deux espèces sont susceptibles de se rencontrer (Dupré et al., 2003).

En plus de la salmonellose, la Tortue serpentine pourrait être un vecteur du champignon Aphanomyces astaci, responsable de la peste des écrevisses (Maucarré, 2016).

La gestion en France

Dans certains sites naturels, la gestion des tortues exotiques introduites peut s’avérer nécessaire. Différentes méthodes de piégeage et de tir ont été expérimentées : tir à la carabine de calibre moyen, cage Fesquet, pièges à insolation, piège Bolue en Espagne, filets de type verveux, nasse semi-flottante, piège à trappe, etc.

Trachemys sp. - Filet verveux - SYMBO

Trachemys sp. – Capture au filet verveux – SYMBO

Les pièges doivent être adaptés au contexte du site et au comportement de l’espèce. Par exemple la cage Fesquet a montré de bons résultats sur l’étang de l’Or et de Mauguio dans l’Hérault, mais s’est révélée inadaptée pour des interventions similaires dans le Loiret en raison de la capture accidentelle de castors d’Europe.

Liens vers les retours d’expériences disponibles :

 

La règlementation concernant les tortues exotiques

Depuis 1997, la commercialisation de Trachemys scripta elegans a été suspendue en Europe et cette interdiction s’est renforcée récemment avec son inscription au titre d’espèce préoccupante pour l’Union européenne (règlement n°1143/2014). Son introduction dans le milieu naturel a été interdite à partir de 2010.

Les propriétaires  détenant cet animal dit de compagnie avant la mise en place de ce règlement peuvent toutefois le conserver pour un usage récréatif jusqu’à sa mort naturelle mais doivent prendre les mesures nécessaires pour le déclarer, le faire marquer et s’assurer qu’il ne risque pas de s’échapper (voir brochure sur la règlementation des EEE). La reproduction est également interdite chez les particuliers.

Seuls les établissements de recherche et de conservation ex-situ (parcs zoologiques et structures d’accueil) peuvent continuer à en disposer.

En plus de Trachemys scripta, l’introduction dans le milieu naturel de l’ensemble des tortues exotiques des genres Chrysemys spp., Clemmys spp., Graptemys spp., Pseudemys spp. et Trachemys spp est interdite depuis le 30 juillet 2010 par arrêté ministériel. Cette interdiction a été reprise dans l’arrêté du 14 février 2018. Enfin, la détention de ces espèces est soumise au respect de l’arrêté du 8 octobre 2018 qui fixe les règles de détention en France des animaux non domestiques. La déclaration et le marquage de plusieurs d’entre elles ont été rendus obligatoires.

 

 


Que faire à la suite d’une observation de tortue exotique ?

Il est important de faire remonter ses données d’observations sur les plateformes adaptées pour contribuer à mieux connaître la répartition des différentes espèces. En cas d’observation d’espèces exotiques envahissantes, les données peuvent être communiquées via les bases de données en ligne institutionnelle (EEE-FIF de l’OFB/MNHN/CNRS) ou celles des associations naturalistes. Elles peuvent également être directement adressées aux agents départementaux de l’OFB.

La capture et le transport de ces espèces par des particuliers n’est pas autorisée sans encadrement administratif.


 

 

Rédaction : Madeleine Freudenreich (Comité français de l’UICN) et Nicolas Poulet (OFB)

Relecture : Jean-François Maillard (OFB), Emmanuelle Sarat (Comité français de l’UICN) et Alain Dutartre (expert indépendant)

 

Références de l’article :

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