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Intervention rapide et coordonnée suite à la première observation de Limnobium laevigatum en métropole

Répartition et contexte de sa détection en métropole

Originaire d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, Limnobium laevigatum a été introduite en dehors de son aire d’origine dans plusieurs localités à l’échelle mondiale, notamment en Californie, en Australie, au Japon, en Indonésie, au Zimbabwe et en Zambie (CABI, 2019). En Europe, cette plante a été observée ponctuellement en Belgique, en Hongrie et en Pologne. En 2021, deux individus ont été identifiés pour la première fois dans la province de Córdoba en Andalousie (Martínez-Sagarra et al., 2021), constituant le deuxième signalement de cette espèce pour la Péninsule Ibérique. Cette détection récente a fait l’objet en octobre 2021 d’un article « Premier signalement de Limnobium laevigatum pour la flore andalouse » dans la rubrique A surveiller du Centre de ressources afin d’appeler à la vigilance quant à cette nouvelle occurrence sur le continent.

Localisation de la détection de L. laevigatum Source : EPTB Eaux & Vilaine

N‘ayant été jusque-là pas encore détectée en métropole, cette plante aquatique flottante a été identifiée le 28 mai dernier par Joseph Villiermet et Pauline Guillaumeau sur la commune de Brécé (Ille-et-Vilaine). Cette observation s’est déroulée dans le cadre d’un inventaire floristique organisé initialement pour l’amélioration des connaissances de la flore de la commune. En effet, d’après l’observatoire e-Calluna (application développée par le Conservatoire botanique national de Brest pour consulter la répartition géographique des plantes à fleurs et fougères dans l’ouest de la métropole), la commune n’avait plus fait l’objet d’observations floristiques actualisées depuis 2010, motivant ainsi des prospections dans ce secteur. C’est donc dans un affluent direct de la Vilaine en amont du bassin versant, qu’une petite population de L. laevigatum a été détectée. L’espèce était localisée dans une petite retenue créée par un seuil. Le ruisseau prend sa source dans une zone industrielle au sud de la commune, traverse des lotissements et rejoint la Vilaine au nord. L’identification de l’espèce a été confirmée par le CBNB, qui a alerté l’OFB, le MNHN, l’ANSES et le CBN Alpin quant à cette première mention pour la métropole.

Plus communément appelée Grenouillette ou Petit nénuphar américain, L. laevigatum est commercialisée et détenue en Europe comme plante ornementale pour l’aquariophilie ou les étangs d’agréments. Un rejet d’aquarium pourrait être à l’origine de son introduction dans ce ruisseau.

Description de l’espèce

L. laevigatum © EPTB Eaux & Vilaine

Limnobium laevigatum est une hydrophyte flottante de la famille des Hydrocharidacées. Ses feuilles sont subcirculaires, flottantes, glabres et brillantes au-dessus, avec une épaisse couche de tissu spongieux rempli d’air en dessous. La base des feuilles est arrondie ou légèrement cordée. Son système racinaire est flottant. Les plantes juvéniles poussent en rosettes de feuilles qui s’aplatissent à la surface de l’eau. Un tissu d’aérenchyme spongieux est présent sur la face inférieure de leurs feuilles. A maturité, les plantes peuvent atteindre une taille de 50 cm. Leurs feuilles émergentes de 2 à 3 cm de longueur sont portées sur des pétioles grêles. Les fleurs sont petites, blanches et unisexuées, avec un ovaire infère chez les femelles. Le fruit est une capsule charnue de 4 à 13 mm de longueur et de 2 à 5 mm de diamètre, portée par un pédicelle recourbé. La reproduction de L. laevigatum peut être sexuée par graine et végétative par ramification de stolons. Les graines et les fragments de stolons peuvent être dispersés par le vent, l’eau, les oiseaux et les embarcations.

 

Organisation d’une intervention rapide suite la détection

L. laevigatum associé à Lemna spp. et Spidodela polyrhiza le 28/05/2022 © P. Guillaumeau

La première observation de cette espèce sur le territoire le 28 mai 2022 faisait état de la présence d’une trentaine de nénuphars américains en association avec des lentilles d’eau (Lemna spp. et Spidodela polyrhiza). La superficie colonisée semblait suffisamment limitée (entre 0,1 et 0,2 m²) pour envisager d’intervenir pour freiner sa propagation voire éradiquer la population.

Dans cet objectif, un premier chantier de gestion a été organisé le 7 août par les deux personnes à l’origine du signalement. Lors de cette opération, soit deux mois après sa détection, L. Laevigatum occupait déjà une superficie supérieure à celle estimée en mai puisque la population comptait déjà entre 500 et 1000 plants, recouvrant toute la portion lentique disponible en amont du seuil (soit 15m²). Quelques individus étaient également présents en aval au niveau de l’entrée d’une buse permettant la circulation de l’eau vers la Vilaine. Le caractère flottant et non enraciné de l’espèce a permis d’extraire les plantes du cours d’eau à l’aide de filets à papillons, les densités étant trop importantes pour une intervention uniquement manuelle. Les trois quarts des plants ont pu être retirés, le quart restant étant localisé dans des portions du ruisseau difficilement accessibles ou  entremêlés avec d’autres espèces végétales (iris, roseaux, carex). Les plants extraits ont été stockés sur les berges pour être ramassés dans un second temps par les services techniques de la mairie.

Invasion de L. laevigatum 7/08/2022
©  P. Guillaumeau

Stockage des déchets issus de l’intervention le 7/08/2022          © P. Guillaumeau

L. laevigatum à proximité de la buse le 7/08/2022      © P. Guillaumeau

Compte-tenu de l’expansion rapide de L. laevigatum, une prospection a été effectuée le jour de l’intervention pour vérifier son absence en aval de la buse. Aucun plant n’a été observé entre la buse et la Vilaine. Toutefois, les opérateurs ont alerté les services de l’Etat et de la commune quant à la nécessité de poursuivre rapidement les opérations pour éviter la dispersion ultérieure de l’espèce vers le fleuve.

Informés de la situation, des agents de l’EPTB Eaux & Vilaine ont visité le site le 29 août afin d’organiser un deuxième chantier visant à l’éradication de la population. La rencontre fortuite sur le terrain avec un élu de la commune a accéléré l’organisation de l’opération qui s’est tenue deux jours plus tard. Ainsi des agents de l’EPTB Eaux & Vilaine et du service technique de la commune ont procédé à l’extraction manuelle et à l’aide d’épuisettes de tous les individus restants, y compris ceux entremêlés dans les roseaux. Lors de cette opération, la superficie traitée était de 20 m² et le volume extrait de 0,016 m3. Les déchets végétaux issus de l’intervention ont été séchés et ramassés par la mairie afin d’être intégrés à une filière de compostage.

Extraction manuelle et à l’épuisette de L. laevigatum le 31/08/2022 © EPTB Eaux & Vilaine

Cette action fut l’opportunité de former les agents de la commune à la reconnaissance de l’espèce pour qu’ils puissent être acteurs de la surveillance à venir et faciliter la réalisation d’intervention en cas de futures observations. Un suivi devra être mis en œuvre afin de confirmer l’éradication ou d’organiser une nouvelle opération si l’espèce se développe à nouveau à partir de plants non retirés.

Un appel à la vigilance

Ce chantier constitue un exemple d’intervention rapide et coordonnée suite à la détection d’une EEE nouvelle pour la métropole. Tous les individus observés de cette espèce ont pu être retirés du site lors des deux interventions successives. Un suivi régulier du site devra être mis en place dès le prochain printemps pour évaluer le succès de l’opération et éventuellement confirmer l’élimination de cette population de L. laevigatum.

La décision d’intervenir aux premiers stades de l’invasion a facilité le déroulement des interventions tant du point de vue technique que financier. Le contexte de cette détection de L. laevigatum témoigne une fois de plus de l’intérêt d’observatoires tel que e-Calluna, multipliant les observateurs et secteurs prospectés, contribuant à l’amélioration de la surveillance des espèces exotique sur le territoire. L’inventaire floristique réalisé en mai a par ailleurs permis de signaler pour la première fois sur la commune de Brécé, la présence de la Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) sur laquelle la FREDON a pu ensuite intervenir.

Une action de communication au sujet de ces chantiers de gestion doit être organisée par la commune pour sensibiliser le grand public à la problématique des invasions biologiques et aux bonnes pratiques afin d’éviter les introductions volontaires et involontaires d’EEE dans les milieux naturels.

 

Pour en savoir plus :

Références :

 

Rédaction : Clara Singh (Comité français de l’UICN) et Benjamin Bottner (EPTB Eaux & Vilaine)

Relectures et contributions : Alain Dutartre (Expert indépendant), Madeleine Freudenreich et Yohann Soubeyran (Comité français de l’UICN)