Cette page a été publiée dans le cadre d’un article de synthèse sur les spirées ornementales échappées en France métropolitaine (M. Vuillemenot, 2021)
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Spiraea alba Du Roi / Spirée blanche
Répartition et statuts
L’espèce est originaire d’un grand quart nord-est de l’Amérique du Nord. Comme pour les autres taxons de spirée, son succès ornemental a toutefois conduit à sa très large dispersion sur la planète et à la création de nombreux hybrides horticoles, issus de croisement et de sélection entre des variétés naturelles et parfois d’autres espèces. Ainsi, les plantes cultivées et échappées dans la nature sont rarement identiques aux descriptions types de l’espèce. De nombreuses discussions existent à ce sujet.
En France, Spiraea alba est donnée comme occasionnelle à naturalisée (Tison & de Foucault, 2014). D’après FCBN (2016), cette espèce est surtout recensée dans le Massif Central (Puy-de-Dôme en particulier) et dans le Massif vosgien (Haute-Saône et Vosges). Des données éparses l’indiquent également dans les Ardennes, en Haute-Marne, en Saône-et-Loire et en Isère.
En Lorraine, Parent (1995) cite également des populations naturalisées, dans des marais pour certaines, en Moselle et en Meuse.
En Auvergne, Spiraea alba est considérée comme parfois plantée dans les haies d’où elle s’échappe et peut devenir subspontanée ou naturalisée (Antonetti et al., 2006). Elle est évaluée comme non envahissante, étant considérée comme un taxon introduit de longue date (50-100 ans) et ne présentant pas de comportement envahissant (Bart et al., 2014).
En Champagne-Ardenne, les spirées (Spiraea spp) sont reconnues comme des espèces invasives émergentes, à gérer prioritairement pour la conservation des milieux naturels (Weber, 2011). Les données contemporaines en milieu naturel sont rapportées à Spiraea alba. Ce taxon est considéré comme émergent à tendance invasive, sa présence est ponctuelle et il s’agit d’une espèce exotique reconnue comme envahissante en territoire voisin (Saint-Val, 2017).
En Franche-Comté, Spiraea alba correspond presque à la moitié des stations identifiées de spirées ornementales. Considérant la naturalisation avérée de cette espèce, son dynamisme dans la plupart de ses stations, son aptitude à former fréquemment des populations denses et à se développer dans des milieux naturels ou semi-naturels, ce taxon a été qualifié d’espèce exotique envahissante (Vuillemenot et al., 2016). La rareté régionale de cette plante a cependant conduit à la situer parmi les espèces émergentes. Très localement, dans le Territoire de Belfort, des actions d’arrachage de spirée blanche ont été entreprises afin d’anticiper l’envahissement d’une prairie hygrophile et mésotrophile. Si leurs résultats se montrent positifs, des interventions similaires pourraient être envisagées dans d’autres sites patrimoniaux ou présentant des risques de dispersion de la spirée.
En Belgique, Verloove (2006) considérait la spirée blanche comme naturalisée. Depuis, Branquart et al. (2010) placent cette espèce sur la liste noire des plantes invasives de ce pays, parmi les espèces ayant un impact élevé et une distribution localisée. Ses communautés arbustives très denses peuvent s’étendre sur de grandes superficies et concurrencer la flore indigène.
La stabilité de ces massifs empêcherait la régénération forestière. Enfin, les massifs de vieilles tiges desséchées seraient vulnérables aux incendies. En Suisse, Eggenberg et al. (2018) considèrent Spiraea alba comme une plante néophyte uniquement cultivée.
Écologie
En France, Tison & de Foucault (2014) situent Spiraea alba dans les haies et les ourlets méso à hygrophiles. Julve (2017) l’indique dans les saulaies arbustives pionnières des bords de rivière du Salicion triandrae.
Les habitats occupés en Franche-Comté correspondent prioritairement à des lisières ou des clairières d’aulnaies-frênaies (Filipendulo ulmariae – Alnetum glutinosae, Pruno padi – Fraxinetum excelsioris), de chênaies pédonculées (Carici brizoidis – Fraxinetum excelsioris) et de communautés de manteaux et de haies des sols relativement humides (Frangulo alni – Salicetum cinereae, Rhamno catharticae – Viburnetum opuli). Ces végétations d’ourlets frais et de mégaphorbiaies sont nitrophiles et hémihéliophiles. Elles sont eutrophiles neutroclinophiles (Aegopodion podagrariae, Convolvulion sepium) à acidiclinophiles (Achilleo ptarmicae – Cirsion palustris : Polygono bistortae – Scirpetum silvatici, Achilleo ptarmicae – Filipenduletum ulmariae). La spirée blanche colonise aussi des prairies mésotrophiles et acidiclinophiles mésohygrophiles (Junco conglomerati – Scorzoneretum humilis) et mésophiles (Danthonio decumbentis – Cynosurenion cristati) et des queues d’étangs (Caricion gracilis, Phragmition communis).
En Lorraine, en dehors des friches, la spirée blanche se situe majoritairement à proximité de zones humides et de cours d’eau (saulaies) et en milieux para-tourbeux (Duval, comm. pers.). Localement, elle borde des habitats patrimoniaux, notamment des berges exondées à pilulaire (Pilularia globulifera) et flûteau nageant (Luronium natans).
En Belgique, les localisations et les observations stationnelles sont semblables à celles constatées précédemment. La plante est observée le long d’éléments linéaires (routes ou cours d’eau), dans des prairies humides, des marais, des fossés, des bordures d’étangs, mais aussi parfois dans des haies, des forêts (alluviales), des lisières et des coupes forestières de saulaies et d’aulnaies (Branquart et al., 2010 ; Duvigneaud, 1975 ; Halford et al., 2010a). Spiraea alba est qualifiée d’espèce pionnière nécessitant la pleine lumière pour croître de manière optimale, fleurir et fructifier. Elle se maintient bien en sous-bois mais surtout à l’état végétatif.
Article complet : Les spirées ornementales échappées en France métropolitaine : synthèse des connaissances sur leurs comportements et leurs statuts (lien)
Références bibliographiques :
- Antonetti P., Brugel É., Kessler F., Barbe J.-P. & Tort M., 2006. Atlas de la flore d’Auvergne. Conservatoire botanique national du massif central, 984 p.
- Bart K., Antonetti P. & Chabrol L., 2014. Bilan de la problématique végétale invasive en Auvergne. Conservatoire botanique national du Massif central / Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne, 34 p.
- Branquart É., Dupriez P., Vanderhoeven S., Van Landuyt W., Van Rossum F. & Verloove F., 2010. Invasive alien species in Belgium, Species List : Spiraea alba, Spiraea douglasii, Spiraea tomentosa, Spiraea ×billardii. http://ias.biodiversity.be/species/all (novembre 2018).
- Eggenberg S., Bornand C., Juillerat P., Jutzi M., Möhl A., Nyffeler R. & Santiago H., 2018. Flora helvetica, guide d’excursions. Info Flora (Hrsg.), Haupt, 1ère éd., Bern, 813 p.
- FCBN, 2016. Système d’information national flore, fonge, végétation et habitats, données du réseau des CBN en cours d’intégration et de qualification nationale. http://siflore.fcbn.fr/ (janvier 2019)
- Parent G.-H., 1995. Études écologiques et chorologiques sur la flore lorraine. Note 9 : Quelques taxons cormophytes nouveaux ou méconnus de Lorraine française. Données rassemblées depuis 1972. Arch. Trimestrielles Inst. Grand-Ducal Luxembourg, Sect. Sci. Nat. N.S. 41 (1985-1994) : 117-175.
- Saint-Val M., 2017. Liste hiérarchisée des plantes exotiques envahissantes avérées, potentielles et émergentes en Champagne-Ardenne (V2: avril 2017). Conservatoire botanique national du Bassin parisien, délégation Champagne-Ardenne, 1 p.
- Tison J.-M. & de Foucault B. (coords), 2014. Flora Gallica. Flore de France. Biotope, Mèze, XX + 1196 p.
- Verloove F., 2006. Catalogue of neophytes in Belgium (1800-2005). Scripta Botanica Belgica, vol. 39. National botanic garden of Belgium, Meise, 89 p.
- Vuillemenot M., Ferrez Y., André M., Gillet F., Hendoux F., Mouly A., Thiery F., Tison J.-M. & Vadam J.-C. 2016. Liste hiérarchisée des espèces végétales exotiques envahissantes et potentiellement envahissantes en Franche-Comté et préconisations d’actions. Conservatoire botanique national de Franche-Comté – Observatoire régional des Invertébrés, 32 p. + annexes.
- Weber É., 2011. Observatoire régional des plantes invasives en Champagne-Ardenne ; état des lieux des connaissances et des acteurs en 2010. Conservatoire botanique national du Bassin parisien, délégation Champagne-Ardenne, 142 p. + annexes.