Un cas d’éradication de Cabomba caroliniana en Suède ?

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Mi-novembre, un courriel transmis par Shyama Pagad du groupe d’experts des espèces envahissantes de l’UICN transférait un retour d’expérience en provenance de Suède présenté comme un “cas d’éradication de Cabomba caroliniana“.

Le court document envoyé par Cajza Eriksson du Service de l’Environnement du comté de Skåne (la Scanie, au sud de la Suède) comporte deux pages de texte et 5 pages de photos du site et des interventions.

 

Description et répartition de l’espèce

Cabomba caroliniana ou “éventail de Caroline” est une plante immergée au feuillage très esthétique qui en a fait longtemps une espèce appréciée en aquariophilie. Ses indéniables capacités de colonisation de nouveaux milieux aquatiques ont cependant été suffisamment reconnues pour qu’elle fasse partie de la première liste d’espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union Européenne établie en 2016 à la suite de la mise en œuvre du règlement UE No 1143/2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes.

Originaire d’Amérique du Nord et du Sud, l’espèce est largement répandue en Asie, Australie et en Europe, ainsi que le montre ci-dessous la carte du réseau GBIF (Global Biodiversity Information Facility).

Du Sud au Nord, sa répartition européenne actuelle s’étend de la métropole jusqu’au sud de la Suède. Elle est particulièrement répandue aux Pays-Bas et en Belgique, où elle montrait récemment une très rapide dispersion dans les réseaux belges de canaux, inquiétant les gestionnaires concernés.

En métropole, elle est actuellement repérée dans quelques sites dispersés sur le territoire (carte de l’INPN) mais sa première observation date de 2005 dans le canal de Bourgogne où elle contribuait très fortement à la colonisation du canal, y gênant la navigation. De même, observée depuis 2009 dans le canal du Midi à Toulouse et à proximité, elle semble également y présenter une dynamique d’expansion notable.

 

Cabomba caroliniana en Suède

La carte du GBIF montre quelques sites, tous situés dans le sud du Pays. La note de Cajza Eriksson indique que l’espèce était signalée dans quatre sites en Suède. Toutefois, un seul de ces sites présentait une présence continue de l’espèce depuis 1997 dans un plan d’eau de carrière d’une réserve naturelle proche de Simrishamn dans le sud-est de la Scanie, en bordure de la mer Baltique.

Signalée à plusieurs reprises depuis 1997, C. caroliniana y occupait environ 20 m² en 2004 et, à partir de 2010, des rapports indiquaient un fort développement. Au printemps 2020, alors que la plante occupait l’ensemble du site et créait des risques de dispersion vers des plans d’eau proches, une décision d’éradication été prise.

 

Interventions successives sur le site de Simrishamn

Un premier essai a consisté en une tentative de mise en assec pendant l’été mais le flux permanent d’alimentation en eau n’a pas permis de suffisamment assécher le plan d’eau.

Une autre tentative a été le recours à un traitement à l’eau bouillante, apparemment déjà testé en Suède, mais le mélange de Cabomba au sein d’un peuplement assez dense de prêle des eaux (Equisetum fluviatile) colonisant le plan d’eau n’a pas permis de la détruire.

Le protocole d’intervention qui a ensuite été mis en œuvre après discussion comportait un creusement du plan d’eau et la pose d’un revêtement de fond. Les travaux sur les rives les ont aplanis pour favoriser les amphibiens et le revêtement a été choisi dans une matière non toxique, dégradable et perméable.

Les travaux débutés fin novembre 2020 ont duré une semaine au total. Ils ont été réalisés en eau et des terrassements ont concerné des zones d’accumulation de matières organiques. Le revêtement a été installé avec un chevauchement des lais de 20 à 30 cm et fixé sur les rives du plan d’eau avec une couche de granulats. A la fin des travaux, les machines ont été nettoyées à haute pression et transportées pour un nettoyage ultérieur.

 

Évolution du milieu

Début 2021, le plan d’eau s’est rempli et aucun pied de C. caroliniana n’y a été observé en 2021 et 2022, ce qui conduit Cajza Eriksson à estimer que l’éradication est apparemment réussie (“an seemingly successful eradication”).

Quelques commentaires terminent la note à propos des amphibiens, présentés comme un autre enjeu de gestion du milieu : en 2021, après des observations d’œufs (“a larger amount of amphibian eggs“) au printemps et, plus tard, celles d’adultes de tritons (Triturus cristatus, Lissotriton vulgaris) et de grenouilles à longues pattes (Dana dalmatina), la note se termine par un constat sur l’absence d’observations d’amphibiens en 2022 probablement en lien avec une introduction de poissons dans le plan d’eau à l’automne.

 

Extrait des illustrations jointes à la note

Vue du plan d’eau juste avant l’essai de mise en assec. La colonisation par la prêle des eaux, Equisetum fluviatile, est très visible

Autre vue du plan d’eau avec un aperçu de la colonisation de C. caroliniana entre la rive et les prêles.

Vue du plan d’eau durant l’essai de mise en assec

Creusement du plan d’eau avec une zone plus profonde

Installation du revêtement

Plan d’eau en cours de remplissage

Quelques commentaires

Le courriel de Cajza Eriksson (cajza.eriksson@lansstyrelsen.se) se terminait par une invitation à la contacter pour en savoir plus. Rien que de très normal car la note transmise est en effet une présentation très succincte de l’ensemble des informations qui seraient nécessaires à une personne confrontée à l’espèce et soucieuse d’intervenir pour réaliser une telle intervention dans des conditions efficaces intégrant, en particulier, les enjeux de protection de la biodiversité.

Une demande de compléments qui pourrait lui être faite comporterait nombre de points portant à la fois sur les aspects organisationnels, techniques et financiers des interventions et sur les enjeux environnementaux concernant ce petit plan d’eau, à l’instar de ce qui constitue le cadre rédactionnel des retours d’expérience mis à la disposition des utilisateurs du site internet du Centre de Ressources. En revanche, par cet envoi vers le réseau UICN, notons que Cajza Eriksson a très bien su tenter de valoriser à l’échelle internationale le cas qu’elle présente !

Cette note donne cependant quelques indications sur des pratiques de gestion qui ne semblent pas très éloignées de celles qui sont encore quelquefois rencontrées en métropole, et sans doute ailleurs… En effet, constater la présence d’une espèce exotique déjà connue comme envahissante, observer la progression de sa colonisation dans le plan d’eau et attendre près d’une décennie que l’occupation soit totale avant de décider d’intervenir, est une phase de latence sinon d’inertie encore observée, hélas, dans certaines situations avant que nous nous décidions enfin à agir…

Rédaction : Alain Dutartre
Relecture :  Camille Bernery (UICN) et Yohann Soubeyran (UICN)

 

Crédit du bandeau : Leslie J. Mehrhoff

 

Pour en savoir plus : 

 

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