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2017 : une année atypique pour le développement de la jussie en Brière ?

Les marais de Brière et du Brivet, avec leurs réseaux de chenaux et de fossés, leurs plans d’eau peu profonds et leurs prairies humides, sont particulièrement favorables au développement de la Jussie à grande fleurs, Ludwigia grandiflora. Observée dans ces sites depuis le milieu des années 90 et malgré les interventions de régulation mises en place depuis de nombreuses années, cette espèce y poursuit sa colonisation et y cause toujours des difficultés. C’est d’ailleurs ce qui a conduit en novembre 2014 à la signature d’un pacte local de gestion de cette espèce impliquant les organismes locaux, collectivités et associations, sous la co-présidence du syndicat mixte du Parc naturel régional de Brière (PNRB) et de la Sous-préfecture de Saint Nazaire.

Une surveillance annuelle du développement de l’espèce est réalisée par le PNRB afin d’évaluer la dynamique de sa colonisation et d’organiser la mise en place des interventions de régulation. Les observations de 2017 ont montré suffisamment d’éléments inhabituels par rapport aux années antérieures pour qu’un rapport précisant ces observations et évaluant leurs caractères singuliers soit élaboré. Rédigé par Jean-Patrice Damien, chargé de mission biodiversité et espèces invasives au PNR de Brière, et illustré de photos, ce rapport présente diverses informations sur les superficies colonisées (comparaison 2016 – 2017), des retards de développement de la plante de 2 à 4 mois, la réduction apparente de la production de biomasse et des emprises des colonisations de plusieurs sites en prairies humides.

Evolution de la colonisation de la Jussie sur le marais de Brière entre 2016 et 2017.
Evolution du recouvrement de la Jussie sur le canal de Rozé. En 2016 à gauche, en 2017 à droite. En rouge : herbiers continus, en orange : herbiers discontinus, en jaune : herbiers dispersés. © J-P. Damien, PNR Brière.

Quelle explication de cette dynamique inhabituelle ?

Cette dynamique végétale est très différente de celles observées depuis au moins une décennie. Dans la mesure où elle a présenté des caractéristiques très similaires dans tous les sites, indépendamment de leur historique de colonisation, cette dynamique ne semble pas strictement liée à des modifications locales mais probablement à des évolutions à grande échelle de certains paramètres. Il peut s’agir en particulier de conséquences du déficit pluviométrique constaté durant l’hiver 2017, conduisant à la réduction des apports en eau douce, à un abaissement des niveaux d’eau hivernaux dans les zones humides, permettant une exposition au froid plus important pour les plantes, ainsi qu’à une salinisation relativement plus importante des eaux, facteurs environnementaux auxquels les jussies sont sensibles.

Chronique de développement de la Jussie en 2014 (haut) et 2017 (bas) pour les mois d’avril, mai, juin, juillet et août (de gauche à droite) au Millau (Saint-Joachim) © J-P. Damien, PNR Brière.

L’intérêt évident d’une telle chronique d’observations

Ces suivis ne permettent pas de discriminer les contributions respectives de tels facteurs globaux ou de paramètres plus locaux comme la topographie, la nature du sol ou l’historique de la colonisation. Ils ont toutefois pour principal intérêt de montrer la grande importance de chroniques régulières d’observations, même minimales telles qu’un observatoire photographique, permettant de conserver des informations pouvant aider à une meilleure compréhension des processus de colonisation.

L’auteur note qu’à plus long terme des suivis complémentaires réguliers (chronique de développement, production végétale annuelle, taux de recouvrement, degré d’hétérogénéité, diversité floristique…) seraient nécessaires pour mieux cerner la dynamique de colonisation et sa dépendance à des facteurs naturels ou anthropiques. Il rappelle également que ce rapport est une “transcription” d’observations de terrain et non “une étude aboutie de la dynamique végétale” et que, dans ces conditions, tout en permettant de relativiser certaines déclarations locales concluant à “une disparition de la plante“, il ne permet pas de proposer des hypothèses étayées sur les causes du phénomène observé.

Il nous paraît toutefois constituer une très utile trace écrite d’une chronique bien construite d’observations en nombre important. De même, les commentaires qui en sont issus sont une contribution pertinente et argumentée sur les questions de variations interannuelles de développement de certaines plantes invasives qui font tout à fait partie des aléas de la gestion de ces espèces.

Rédaction : Alain Dutartre
Relectures : Jean-Patrice Damien, PNR de Brière, et Doriane Blottière, Comité français de l’UICN

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