Au Québec, laver les embarcations !

Le Québec est un des états canadiens très largement touchés par les invasions biologiques. La multiplicité des lacs et des milieux humides de son territoire en font des sites d’accueil très favorables à des espèces végétales d’origine européennes comme la Châtaigne d’eau (Trapa natans), le Myriophylle à épis (Myriophyllum spicatum) ou la sous-espèce européenne du roseau commun (Phragmites australis ssp. australis) qui pose de nombreuses difficultés ailleurs, dans le sud du Canada et dans une grande partie des USA, y compris pour son identification, par rapport aux espèces indigènes de Phragmites.

 

En octobre 2018, son gouvernement signalait la mise en place d’un financement important pour un programme de lutte contre les plantes exotiques envahissantes d’une durée de 5 ans mais des efforts de prévention de la dispersion de ces espèces étaient déjà en place depuis de nombreuses années.

Une des démarches de biosécurité permettant de lutter contre la dispersion de ces espèces particulièrement signalée est le lavage ou nettoyage des embarcations avant leur mise à l’eau : une démonstration en vidéo...

Cette intervention à réaliser pour tout usager désireux d’accéder à un plan d’eau peut être considérée comme une contrainte, aussi est-il devenu nécessaire de l’encadrer à la fois par de la sensibilisation ou de l’incitation mais également par une règlementation pouvant permettre de la mettre en place de manière organisée sinon systématique.

Par exemple, une notice de 3 pages établie en mars 2019 par le Conseil québécois des espèces exotiques envahissantes donne des éléments généraux sur la règlementation relative à l’obligation de nettoyage des embarcations. Y sont par exemple indiquées les modalités de certification du lavage (certificat ou vignette pouvant présenter une date d’expiration) et la possibilité d’un renouvellement de cette certification si l’embarcation n’a pas quitté le plan d’eau.

Un tableau indicatif cite les montants des amendes pour infractions, de 100 à 2000 $, en identifiant personnes physiques et personnes morales, et ceux pour une première infraction et d’autres, plus élevés, en cas de récidive.

A titre d’exemple précis sur ce sujet, les informations sur les activités nautiques et leur réglementation dans la municipalité de Saint-Donat, située au nord de Montréal,  comportent les élément suivants :

une carte des accès publics à certains des lacs,

– des rappels sur la règlementation mise en œuvre depuis 2010 par la municipalité pour éviter l’introduction d’espèces indésirables dans les plans d’eau, permettant de différencier à l’aide de permis d’accès aux lacs, les embarcations des résidents de celles de visiteurs extérieurs. Pour ces visiteurs, un permis spécial d’accès et un certificat de lavage de leur embarcation est obligatoire.

Un dépliant de 5 pages actualisé en 2023 rappelle les objectifs de préservation des lacs, l’espèce exotique cible (le Myriophylle à épis), les conditions d’accès et leur tarification selon les types d’embarcations, et se termine par un texte présentant un code d’éthique des plaisanciers.

Il est également rappelé la présence d’une patrouille nautique permettant de faire respecter cette réglementation.

N. B. : Le Myriophylle à épis (Myriophyllum spicatum) est apparemment l’espèce qui cause actuellement les plus importantes nuisances ressenties par les usagers et les structures publiques. A la demande de la Direction générale de la conservation de la biodiversité du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), un guide d’accompagnement portant sur la prévention et la lutte contre le myriophylle à épis a été publié en 2023. Le lavage des embarcations y est présenté de manière argumentée comme une technique efficace. Il y même évoqué l’intérêt d’un lavage de l’embarcation à réaliser lors de la sortie du plan d’eau…

Le développement de cette pratique de biosécurité a également pu s’appuyer sur d’autres démarches collectives dont celle de la société coopérative RAPPEL. Créée en 1997 et établie en société coopérative depuis 2015, pouvant rassembler usagers des plans  d’eau, associations de protection de lacs et cours d’eau, municipalités et autres structures publiques, elle propose conseils et expertises dans différents domaines de la protection des milieux aquatiques.

Pour ce qui concerne la gestion des plantes aquatiques exotiques envahissantes, les interventions de cette structure peuvent porter sur des inventaires de ces espèces, la mise en place de “stratégies de lutte” et des aides pour les demandes d’autorisation, les choix des techniques d’intervention adaptées et le suivi de l’efficacité des interventions réalisées.

Parmi les informations diffusées par la société RAPPEL se trouve un guide d’implantation de stations de lavage. Publié en 2021, ce document présente le contexte de cette démarche, cite trois espèces exotiques envahissantes (le Myriophylle à épis, la Moule zébrée, Dreissena polymorpha, et le Cladocère épineux, Bythotrephes longimanus) et leurs impacts négatifs et rappelle les modalités pratiques de lavage des embarcations. Il développe  de manière très complète l’ensemble des éléments de mise en place et de fonctionnement de telles stations de lavages en signalant l’importance des réflexions stratégiques préalables, sans négliger la campagne de communication devant suivre l’installation.

N. B. : Bythotrephes longimanus, le Cladocère épineux, est un crustacé planctonique de moins de 15 millimètres de longueur, originaire des eaux douces d’Europe du Nord et d’Asie, introduit accidentellement depuis les années 1980 dans la région des Grands Lacs d’Amérique du Nord et maintenant largement répandu dans les régions proches. Consommatrice de zooplancton, cette espèce est aussi en compétition alimentaire avec diverses espèces de poissons et ses impacts sont considérés comme problématiques, ce qui fait qu’elle est l’objet d’une surveillance constante au Québec (voir la fiche du CABI lui est consacrée).

Rédaction : Alain Dutartre

 

Crédit bandeau photo : Radio-Canada / Perrine Bullant