Des stratégies nationales de gestion relatives aux espèces exotiques envahissantes

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Dans le cadre de l’application de l’action 1.3 de la Stratégie nationale relative aux espèces exotiques envahissantes (SNEEE) qui prévoit l’élaboration de plans nationaux de lutte pour les EEE déterminées comme prioritaires, l’Office français de la biodiversité (OFB) a lancé en 2019 la réalisation de plusieurs Stratégies nationales de gestion (SNG) pour les EEE largement répandues en métropole. Ces documents visent à proposer les interventions à mettre en œuvre pour limiter l’occupation des territoires par les EEE ciblées, réduire leurs impacts, rétablir les usages et préserver la biodiversité, en mettant en place une gestion concertée, pratique et efficace.

Les lignes directrices pour l’élaboration des SNG

1 – Des PNL aux SNG

Les SNG sont comparables en plusieurs points aux Plans nationaux de lutte (PNL) établis dans le cadre de l’action 1.3 de la SNEEE, qui eux-mêmes sont des équivalents aux Plans nationaux d’action (PNA) en faveur des espèces menacées. Les SNG peuvent concerner une ou plusieurs espèces, lorsque celles-ci partagent les mêmes caractéristiques de gestion.

Si les SNG se rapprochent des PNL, elles se présentent néanmoins sous une forme plus synthétique, macroscopique et pragmatique que les PNL existants de l’ONCFS, consacrés à l’Érismature rousse et à l’Écureuil à ventre rouge. Les SNG ne sont pas des décisions actées et à la différence des PNL, elles ne précisent ni les pilotes, les échéanciers et les indicateurs, ni les financements des actions. De plus, ces documents uniquement destinés à la gestion, se concentrent sur la coordination de la régulation et la maîtrise des populations existantes, sans aborder en détail la surveillance, la recherche ou la communication par exemple.

Néanmoins, les SNG suivent les mesures de l’Article L411-9 du Code de l’environnement relatif aux PNL, en étant mises en œuvre sur la base des données des instituts scientifiques compétents et soumises à une consultation du public pendant trois semaines, en plus d’une présentation pour avis auprès du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) du MTES.

Les principales différences entre les PNL et les SNG © OFB

Réalisé sous la supervision du Pôle de coordination des conservatoires botaniques nationaux (PCCBN), un stage de fin d’études à l’AFB (Freudenreich, 2019) a d’abord permis de définir les lignes directrices pour l’élaboration des SNG relatives aux Espèces végétales exotiques envahissantes (EVEE), basées sur les recommandations des PNL et les documents de gestions déjà existants.

Un gabarit commun aux SNG-EVEE (Freudenreich et Albert, 2019) a donc été produit à l’issu de ce travail qui a impliqué de nombreux acteurs et structures tels que l’AFB, le MTES, le Comité français de l’UICN, le CDR EEE et son réseau d’expertise scientifique et technique, l’ONCFS, la Fredon France, ainsi que des membres des CBN et des CEN.

2 – Contenu et objectifs des SNG

Les SNG ont été conçues de manière à répondre aux besoins des gestionnaires et des coordinations régionales en matière de régulation des EEE. Ces documents ont pour objectifs de planifier des mesures de gestion efficaces et coordonnées sur l’ensemble du territoire national, en plus de fournir des éléments de gestion sur lesquels baser les futurs plans de gestion régionaux.

Un gabarit commun en quatre parties © OFB

Constituées de quatre parties, les SNG sont conçues comme des outils d’aide à la décision et à la gestion pour savoir « où intervenir et avec quel objectif », mais également « comment et quand intervenir ». Pour apporter une vision globale de la situation, chaque SNG est accompagnée de cartographies récentes de la distribution de l’espèce sur le territoire national métropolitain et de modélisations climatiques d’établissement permettant d’identifier les régions prioritaires en matière d’intervention. Elles proposent également des outils de cotation des populations (sous la forme d’un tableau contenant des questions fermées associées à des valeurs) et des croisements de données d’occurrences de l’espèce avec la présence de milieux naturels faisant l’objet d’une protection, pour déterminer les secteurs et les populations prioritaires. Les techniques de gestion considérées comme les plus efficaces sont également compilées de manière synthétique et analytique, leurs mises en œuvre étant documentées à partir d’exemples et de retours d’expériences nationaux et européens.

Exemple de contenu des SNG (extrait de la SNG relative à la Berce du Caucase) © OFB

Une rédaction en concertation avec les experts

1 – Pour une gestion des espèces règlementées largement répandues

Dans le cadre du respect des engagements de la France vis-à-vis de l’Union européenne et de la mise en œuvre du Règlement européen sur les EEE de 2014 (Article 19), les SNG se focalisent sur les espèces préoccupantes et règlementées pour l’UE et la France (au nombre de 66 actuellement), et plus particulièrement sur les espèces considérées comme largement répandues sur le territoire national métropolitain. Contrairement aux espèces évaluées absentes ou émergentes, pour lesquelles l’éradication peut être visée à l’échelle nationale, les espèces largement répandues nécessitent la mise en place d’objectifs différenciés visant à la régulation de l’espèce et non plus à son éradication.

Huit espèces végétales et onze espèces animales sont actuellement concernées par des besoins et des attentes en SNG. D’autres stratégies, animales et végétales, pourront voir le jour dans l’avenir, en concertation avec le Comité de suivi de la SNEEE, et elles associeront systématiquement l’OFB pour des raisons d’appui, de qualité et de suivi.

2 – Du côté des plantes

Le Séneçon en arbre (Baccharis halimifolia) est un arbuste d’Amérique du Nord qui a progressivement colonisé les côtes françaises, du Finistère jusqu’aux Alpes Maritimes. © D. Lasne – Collectif anti-baccharis

Suite à l’élaboration du gabarit, un premier travail de rédaction, mené par l’AFB (avec le PCCBN), en partenariat avec le réseau des CBN et le Comité français de l’UICN, avec une collaboration de l’Anses, a abouti en décembre 2019 à la production de trois propositions de SNG relatives à des plantes terrestres exotiques envahissantes : la Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum), le Séneçon en arbre (Baccharis halimifolia) et la Balsamine de l’Himalaya (Impatiens glandulifera). La rédaction d’une SNG relative aux Jussies exotiques (Ludwigia grandiflora et peploides) est également en cours, avec l’appui du CDR EEE.

Chaque SNG s’appuie sur la contribution et la relecture d’une diversité d’experts de l’espèce donnée, avec des botanistes, des chercheurs, des gestionnaires, etc. Chaque SNG fait également état des mesures et des actions déjà mises en place sur le territoire, et fait aussi référence aux guides et aux manuels de gestion déjà disponibles.

3 – Du côté des animaux

Pour les espèces animales, la rédaction des stratégies est actuellement répartie entre l’OFB, par l’entremise de la Direction recherche et appui scientifique (Dras ; Écrevisses exotiques Ouette d’Egypte, Tortue de Floride) et de l’Unité mixte de service Patrimoine naturel (UMS PatriNat ; Frelon asiatique), et le réseau des Fredon (Ragondin et Rat musqué). Leur rédaction s’appuiera sur le gabarit des SNG-EVEE, en l’adaptant à la gestion des espèces faunistiques.

Perspectives pour la suite

1 – Publication des premières SNG

Les propositions des trois SNG végétales ont reçu un avis favorable du CNPN le 28 février 2020 et seront soumises à la consultation du public au cours du mois de mai. Une fois corrigées et validées par l’OFB et le MTES, ces SNG seront publiées dans la collection « Comprendre pour agir » (CPA) de l’OFB, dans laquelle ont déjà été publiés les 3 volumes des guides « Les espèces exotiques envahissantes dans les milieux aquatiques : connaissances pratiques et expériences de gestion ».

La diffusion des SNG sera faite par l’intermédiaire de plusieurs plateformes internet (dont le CDR EEE), normalement au courant de l’été. Elles feront par la suite l’objet de nombreuses communications et conférences afin qu’elles soient mieux valorisées, appropriées et utilisées.

Les SNG devraient être révisées dans la mesure du possible tous les 5 ans, et leur mise en œuvre avec des plans régionaux de gestion (PRG) devrait mobiliser de multiples financements, dont les programmes LIFE européens.

2 – Les PRG, une déclinaison régionale des SNG

Ces SNG ont vocation à être ultérieurement déclinées par les coordinations territoriales et les gestionnaires locaux en Plans régionaux de gestion (PRG) qui devront acter les décisions opérationnelles prises à l’échelle des régions administratives, avec l’appui de divers réseaux d’experts, sur la base des préconisations nationales, et avec l’aide des dispositifs proposés dans les SNG.

En effet, au niveau régional, les différences écologiques et comportementales éventuelles des espèces, tout comme les différences politiques et administratives des régions peuvent justifier la mise en place d’objectifs de gestion adaptés à l’échelle régionale. Les objectifs de gestion préconisés dans les SNG peuvent différer selon les régions, en laissant une flexibilité et une adaptabilité aux collectivités. Les pilotes, les échéanciers et les indicateurs, ainsi que les financements des actions, sont par conséquent laissés à la décision des coordinations régionales et devront être précisés lors de l’élaboration des futurs PRG.

Rédaction : Arnaud Albert, Office français de la biodiversité et Madeleine Freudenreich, Comité français de l’UICN
Relecture : Alain Dutartre, expert indépendant et Emmanuelle Sarat, Comité français de l’UICN

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