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Jeux d’indicateurs sur les EEE de l’Évaluation nationale des sites humides emblématiques (2010-2020)

Depuis les années 1990, le Ministère en charge de l’environnement assure un suivi de l’état et de l’évolution des milieux humides emblématiques en France via une évaluation décennale à dire d’expert. Cette évaluation est réalisée grâce aux réponses à un questionnaire en ligne envoyé à un ensemble de référents de sites préalablement identifiés par l’Observatoire national des zones humides. Selon les auteurs de l’étude, la période de 10 ans est considérée comme suffisamment longue pour suivre les évolutions tendancielles d’un site humide et les contraintes qui pèsent sur lui, telle que la présence d’EEE.

Faisant suite à celle de 2000-2010, la dernière évaluation nationale des sites humides emblématiques, couvrant la période 2010-2020 vient d’être publiée. Diverses observations ont été mises en ligne sur le portail environnemental du gouvernement et le Site de visualisation des données de l’Évaluation nationale des sites humides emblématiques (2010-2020).

 

86 % des sites humides évalués sont concernés par la présence d’EEE.

Au total, pour cette nouvelle étude, 165 sites humides (140 en métropole et 25 en outre-mer) ont été évalués sur la question des espèces exotiques. Les réponses obtenues indiquent que les EEE exerceraient une pression dans  86 % des sites considérés.

Cette estimation a été calculée en arrondissant les résultats et les réponses de l’enquête à la question « « Entre 2010 et aujourd’hui, est-ce que les EEE ont exercé une pression sur le site ? ». Les réponses « Ne sais pas » et « Non renseigné » ont été retirées de ce premier calcul. En consultant l’outil de visualisation des données élaboré dans le cadre de l’évaluation, il est possible d’examiner plus précisément les réponses et, par exemple, l’estimation de 88 % pour la métropole correspond effectivement à 78,3 % de réponses positives (Fig. 1).

(Réponses obtenues pour la métropole)

(Réponse obtenues pour l’outre-mer)

Fig. 1 : Part des sites humides confrontés à des espèces exotiques envahissantes. (Source : Évaluation nationale des sites humides emblématiques (2010-2020), janvier 2020 ; Traitements : CGDD/SDES, mars 2020)

D’après les résultats de l’étude, la présence d’EEE concernerait principalement les sites humides de plaines intérieures (100 %) et de vallées alluviales (96,4 %), qui sont particulièrement touchés par cette problématique. A l’inverse, les sites de massifs à tourbières semblent plus épargnés avec seulement 41,7 % des sites concernés par la présence d’EEE (Fig. 2).


Fig. 2 : Part des sites humides confrontés à des espèces exotiques envahissantes par typologie. (Source : Évaluation nationale des sites humides emblématiques (2010-2020), janvier 2020 ; données extraites d’après les traitements Dataviz de mars 2020)

Une analyse selon le type d’espèces présentes (animales ou végétales) a également été réalisée :

  • Les sites de vallées alluviales et du littoral atlantique, de la Manche et de la mer du Nord sont ceux qui abritent les plus grands nombres d’espèces exotiques animales et végétales (Fig. 3).
  • Le texte d’accompagnement indique qu’en moyenne 9 EEE animales et 6 végétales sont présentes sur les sites de métropole évalués, contre 5 en outre-mer. Par rapport à l’évaluation de 2000-2010, une légère hausse est constatée en métropole puisqu’à l’époque, 8 espèces animales et 5 espèces végétales avaient été recensées.

 

Fig. 3 : Nombre moyen d’EEE (arrondi à l’unité supérieure) rencontrées entre 2010 et 2020 sur les sites humides emblématiques. (Graphique issu du Portail environnemental)

 

Une pression croissante pour les sites ultra-marins, mais en légère baisse en métropole.

En métropole, sur les 140 sites évalués, les résultats de l’enquête indiquent que 18 sites n’abritent pas d’EEE. Lors de la précédente campagne de 2000-2010, cette proportion était plus importante, avec 97 % des sites concernés, contre 88 % en 2020.

À l’inverse, l’évaluation signale que les sites ultramarins semblent connaitre une pression croissante puisque si 52 % des sites d’outre-mer étaient concernés par cette problématique en 2010, ce chiffre est passé à 80 % en 2020. En effet, en outre-mer, sur les 25 sites évalués sur cette thématique, seuls cinq sites indiquent être épargnés par les EEE : la vasière des Badamiers et Baie de Boueni (Mayotte), Basse Mana (Guyane) et l’étang des Salines et les zones humides d’altitude de la caldeira de la Montagne Pelée (Martinique).

La baie de Saint-Vincent (34 espèces), Gouaro-Déva (32 espèces) ou encore les baies du Carénage et de Prony (24 espèces) abritent le plus d’EEE. Les sites avec le plus grand nombre d’EEE animales sont les lacs du grand Sud (Nouvelle Calédonie) avec 23 espèces, les baies du Carénage et de Prony (Nouvelle Calédonie) avec 14 espèces, suivis des 14 Étangs de Saint Martin (Saint Martin) et de l’étang St Paul (La Réunion), avec 13 espèces chacun.

En métropole, le marais de Brière, la Somme (du côté amont d’Amiens, jusqu’à Voyennes) et l’Ile d’Oléron sont les sites qui abritent le plus grand nombre d’EEE animales, avec une quarantaine d’EEE présentes.

 

Les principales espèces concernées 

En métropole

Parmi les espèces animales les plus citées, se trouvent le Ragondin, Myocastor coypus, (98 sites concernés), l’Écrevisse américaine, Orconectes limosus, (69 sites) et l’Écrevisse de Louisiane, Procambarus clarkii, (59). Chez les végétaux, les espèces les plus fréquemment citées sont les renouées (75 sites), les jussies (62 sites) et le Robinier faux-acacia, Robinia pseudoacacia (58 sites). Interrogés sur la dynamique des espèces entre 2010 et 2020 (question : « quelle sont les espèces EE (déclinaison faune et flore) qui a (ont) proliféré et dont l’expansion a menacé et/ou menace toujours les écosystèmes, les habitats, les espèces indigènes (présentes naturellement sur un milieu) voire les activités humaines ?) », l’article indique que les référents estiment que la majorité des espèces animales a régressé sur les sites humides évalués.

 

Fig. 4 : Nombre de sites métropolitains abritant les 20 espèces animales exotiques envahissantes les plus fréquentes en 2020 et catégorisation de leur répartition à l’échelle des sites évalués. (Graphique issu du Portail environnemental)

 

Fig. 5 : Nombre de sites métropolitains abritant les 20 espèces végétales exotiques envahissantes les plus fréquentes en 2020 et catégorisation de leur répartition à l’échelle des sites évalués. (Graphique issu du Portail environnemental)

Parmi les plantes exotiques envahissantes de métropole, certaines, comme le Robinier faux-acacia et le Buddleia (Buddleja davidii) ont régressé entre 2010 et 2020. Les efforts de gestion d’autres espèces restent toutefois nécessaires sur d’autres espèces comme les Solidages et l’Élodée dont la dispersion se poursuit (voir le graphique en ligne). Selon les référents interrogés, la Renouée semble avoir été régulée durant ces dix dernières années.

 

En outre-mer

Pour les EEE de la faune ultramarine (Fig. 6), les rongeurs sont les plus fréquemment cités par les référents, avec le Rat noir (14 sites sur 25), le Rat surmulot (9 sites), la Souris grise (9 sites) et le Rat du Pacifique (8 sites).

Fig. 6 : Nombre de sites ultramarins abritant les 10 espèces animales exotiques envahissantes les plus fréquentes en 2020 et catégorisation de leur répartition à l’échelle des sites évalués. (Graphique issu du Portail environnemental)

 

Le Bringellier marron (Solanum mauritianum), le Faux mimosa (Leucaena leucocephala), la Jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes) et le Tulipier du Gapon (Spathodea campanulata) sont les espèces végétales les plus mentionnées pour l’outre-mer (Fig. 7).

Fig. 7 : Nombre de sites ultramarins abritant les 10 espèces végétales exotiques envahissantes les plus fréquentes en 2020 et quantification relative de leur extension parmi ces sites. (Graphique issu du Portail environnementall)

 

Une partie de l’analyse évalue également la présence d’espèces indigènes à fort développement comme une pression exercée sur les sites humides. Selon cette approche, 57 % des sites ont été confrontés entre 2010 et 2020 à au moins une espèce indigène à fort développement. Les sites de métropole sont les plus touchés, avec 63 % de constats positifs sur ce point et seulement 17 % pour les sites ultramarins (3 réponses positives pour les 18 sites). Le Sanglier est l’espèce la plus présente sur les sites métropolitains. L’article indique que plus le nombre d’espèces animales et végétales exotiques envahissantes et indigènes à fort développement est élevé sur un territoire, plus l’état des espèces communes et à forts enjeux tend à se dégrader. Ainsi, la présence de ces espèces constituerait bien une menace pour la préservation du bon état de conservation des sites humides emblématiques.

La dernière partie du rapport concerne la mise en place d’interventions de gestion sur les EEE et les espèces indigènes à fort développement. Ces interventions font généralement suite à l’observation de compétition entre ces espèces dites problématiques et les autres espèces présentes sur le site. La perturbation directe des écosystèmes et la fermeture du milieu ont constitué les deuxième et troisième causes d’intervention (respectivement 50 % et 45 % des sites). La gestion des espèces animales et végétales problématiques sur les sites humides emblématiques au cours de ces dix dernières années a comporté trois principales modalités : « l’arrachage, le fauchage et le brûlage » (67 % des cas), « le piégeage et le tir de régulation » (59 % des cas) ou encore « la battue et la chasse administratives » (45 % des cas).

Si la problématique des EEE n’est qu’une des diverses pressions qui s’exerce sur les milieux humides, l’évaluation sur la période 2010-2020 porte sur d’autres jeux d’indicateurs. En moyenne, 11 causes principales de dégradation de l’état des sites ont été recensées en milieux d’eau douce (ou dulçaquicoles) et 8 en milieux saumâtre. Par ailleurs, le rapport de décembre 2020 indique que les eaux stagnantes et courantes douces (comme les étangs, les lacs et les rivières) et les milieux palustres (marais), sont les plus menacés et cumulent entre 18 et 22 pressions différentes. Sur cette période d’évaluation, selon les indicateurs utilisés, l’état de 41 % des sites évalués s’est dégradé. Enfin, à l’horizon 2030, il ressort de ces travaux que seuls 25 % des sites sembleraient avoir une évolution favorable de leur état et que 9 % présentent déjà une évolution défavorable.

 

Pour aller plus loin :

 

Rédaction : Madeleine Freudenreich, Comité français de l’UICN
d’après la fiche thématique du portail notre-environnement (version du 25 mai 2021).

Relecture : Alain Dutarte (expert indépendant) et Emmanuelle Sarat (Comité français de l’UICN)