Collaboration avec la Fédération française de voile : bonnes pratiques et mesures de biosécurité en matière de prévention des plantes aquatiques envahissantes

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De premiers contacts

Depuis plusieurs années, des développements croissants d’algues et de plantes aquatiques venant gêner la pratique de la voile ont été constatés dans de nombreux sites aux clubs gestionnaires affiliés à la Fédération Français de Voile (FFVoile).
Source de questionnements sur leurs causes, obligeant dans divers sites à des interventions destinées à maintenir la pratique de la voile dans des conditions acceptables, cette multiplication de difficultés locales pour ce loisir a débouché fin 2018 sur une prise de contact des services techniques de la FFVoile en direction du Centre de ressources EEE. Il s’agissait d’une demande d’aide et d’appui sur un projet d’enquête auprès des clubs de voile ayant pour objectif, dans un premier temps, la réalisation d’un diagnostic général de la situation, pour ensuite envisager une phase de soutien aux clubs de voile concernés par le phénomène.

Créée en 1946, la Fédération Française de Voile est une association loi 1901 reconnue d’utilité publique. Membre de la Fédération Internationale de Voile (World Sailing), elle est délégataire des pouvoirs accordés par le Ministère de la santé et des Sports – Secrétariat d’État aux Sports, pour développer et organiser la pratique de la voile en France.

Elle est représentée dans toute la France par des ligues régionales et des comités départementaux. En 2018, elle rassemblait 270 000 licenciés au sein de 1100 clubs. Dans son “Projet sportif fédéral 2019 – 2024 du rayonnement au développement“, deux des attentes des clubs clairement ciblées comme “en demande d’accompagnement” concernaient la formation des bénévoles et la communication sur les bonnes pratiques.

Enquêter tout d’abord

Un questionnaire en ligne a donc été élaboré. Les questions posées cherchaient à recueillir des informations sur l’évaluation des nuisances ressenties (navigation gênée ou impossible), sur la présence constatée de végétaux depuis au moins une décennie, sur les types biologiques de végétaux observés (émergés, flottants, immergés avec feuilles en surface, totalement immergés, algues…), l’apparition de nouvelles espèces, et sur les interventions de gestion mises en place.
Hormis quelques précisions demandées sur les caractéristiques du plan d’eau (superficie, profondeur, nature des fonds), des questions plus précises portaient sur l’évaluation des nuisances, avec des réponses attendues sur navigation “gênée ou impossible” selon un calendrier mensuel, et sur la présence dans le site de végétation aquatique au fil des années. Sur ce second point, présenté comme un élément global d’analyse de cette présence (cyclique ou non), un tableau étalé de 2000 à 2018 demandait une évaluation annuelle simple de cette présence en quatre classes d’abondance (pas de plantes, peu, moyennement, beaucoup).

A propos des espèces rencontrées, le questionnaire a particulièrement porté sur les types biologiques, assez faciles à discriminer, mais pour le rendre plus attractif des exemples illustrés présentaient diverses espèces indigènes ou exotiques (voir à titre d’exemples, figures 1 et 2).

Figure 1 : Types de plantes aquatiques observées © FFVoile

Figure 2 : Plantes flottant librement à la surface de l’eau © FFVoile

Par ailleurs, comme la voile peut être pratiquée en eau douce comme en mer, une question portait spécifiquement sur des algues marines (ulves et sargasses) (Figure 3).

Figure 3 : Algues marines © FFVoile

Les questions sur les interventions de gestion concernaient leur programmation (passée, en cours ou prévue), leur nature (quelques techniques étaient proposées), leur financeur et l’évaluation de leur efficacité.

Le questionnaire a été mis en ligne fin janvier 2019. Il a fait l’objet mi-février d’une actualité sur le site internet de la FFVoile, d’informations complémentaires en février et mars dans les lettres en ligne du département économique, social et environnemental (DESE) de la FFVoile. Enfin, en avril, après une première analyse des réponses obtenues, des compléments d’informations ont été demandés lorsque cela s’avérait nécessaire.

Analyser les réponses

66 réponses ont été obtenues parmi lesquelles 57 structures signalaient des nuisances. Une analyse statistique de l’ensemble des informations rassemblées a permis la rédaction d’un rapport qui a été transmis aux structures ayant répondu.

Selon ces réponses, les nuisances causées par les développements végétaux peuvent être considérées comme très importantes puisque dans 81 % des cas, les activités de voile étaient impactées de juin à septembre et que la navigation s’avérait même impossible en août dans 41 % des cas (Figure 4). Le cumul des informations recueillies donnerait donc un total annuel théorique de 5 771 jours de navigation gênée par la présence de végétation et de 2 300 jours de navigation impossible.

Figure 4 : Gênes à la navigation © FFVoile

Tous les types biologiques de plantes ont été cités (Figure 5) et deux tiers des réponses faisaient état d’apparitions plus ou moins récente de nouvelles espèces dans les sites.

Figure 5 : Types biologiques de plantes observés (nombre de réponses) © FFVoile

Les réponses obtenues sur l’abondance estimée de végétation aquatique dans les sites au fil des années ont permis de noter un accroissement régulier en une quinzaine d’années du nombre de sites où les plantes étaient citées comme abondantes. Les réponses obtenues ont permis de calculer un indice cumulé de cette présence en attribuant un coefficient de 1 à 3 en fonction de cette abondance : en utilisant les données de tous les sites ayant fait l’objet de renseignements, cet indice inférieur à 15 entre 2000 – 2002 a dépassé 100 depuis 2016 (Figure 6).

Figure 6 : Évaluations annuelles de l’abondance de la végétation aquatique (nombres de sites) et indice cumulé © FFVoile

Parmi les remarques complémentaires à propos de la présence de plantes, ont été signalés des développements jugés préoccupants de cyanobactéries, de ceux d’ulves sans apparemment de nuisance notable et l’impossibilité de gestion des sargasses (pour ce dernier point, les réponses émanaient de clubs en Guadeloupe et Martinique).

Des interventions de gestion de ces plantes étaient citées dans environ deux tiers des sites avec respectivement 23 cas d’interventions passées, 19 en cours et 18 prévues.

Au total, une douzaine de techniques de gestion des plantes a été citée dans les réponses, le faucardage dans 24 cas, l’arrachage dans 10 et l’introduction de “carpe amour” (Ctenopharyngodon idella) dans 6. Les autres techniques (“barrage”, “ramassage”, “roseau”, “oxygénation”, “assec”, “H2O2”, “aspiration vase”, “chaulage”) ont été signalées une ou deux fois, de même que l’application d’herbicides dans deux interventions passées. Le faible nombre de réponses et la diversité de ces interventions n’ont pas permis d’analyse de leur efficacité.

Poursuivre le partenariat…

Ce qui a été réalisé

A l’automne 2019, la présentation du rapport au bureau exécutif de la FFVoile a suscité de nombreuses questions sur ces développements végétaux, leurs nuisances et les moyens d’y remédier.

Un bilan de l’enquête a été diffusé à tous les clubs de voile à l’occasion d’un courrier mensuel.

Par ailleurs, un onglet spécifique sur les informations “algues/plantes aquatiques” a été créé dans les espaces internet individuels des clubs afin qu’ils y aient un accès direct.

Début 2020, une affiche de présentation de bonnes pratiques “Ne dispersez pas les plantes aquatiques envahissantes” a été élaborée en coopération entre les partenaires de la FFVoile et du CdR EEE. Elle a été éditée par la FFVoile en 300 exemplaires papier, dont 250 ont été distribués jusqu’à la fin mars aux référents des ligues régionales pour qu’ils soient ensuite transmis aux clubs. Cette affiche a été très favorablement accueillie, en particulier grâce à la clarté des messages qu’elle porte (lien vers la version pdf de l’affiche). Cette affiche est également en ligne sur “l’espace club” du site internet de la FFVoile pour permettre son téléchargement par les clubs pour diffusion ou impression.

Ce qui est maintenant envisagé

En complément de l’onglet spécifique sur les sites de chacun des clubs, des pages supplémentaires dans le menu général du site FFVoile pourraient améliorer l’accessibilité de ces informations à destination de tous les utilisateurs.

Dans la continuité de développement d’informations sur ces questions de biosécurité, la création et la diffusion de fiches “conseils ” ou “bonnes pratiques” pour éviter de favoriser la propagation des algues et plantes aquatiques pourraient être efficacement relayées par une mise en ligne dans des pages spécifiques du site internet de la FFVoile. D’autres sites internet en lien avec les activités sportives de nature en général (autres fédération, collectivités territoriales, sites touristiques, etc.) pourraient également transmettre ces informations. Enfin, une vidéo spécifique sur les bonnes pratiques en matière de voile et de respect de la nature pourrait être portée par la FFVoile en tant que média à très large diffusion.

En parallèle de ces actions d’informations, la FFVoile porte un groupe projet “Responsabilité Sociale et Environnementale” (RSE) mis en place depuis 2017 pour conduire la politique de la Fédération en matière de Développement Durable. Des liens avec ce groupe pourraient également permettre de relayer ces actions et éventuellement les intégrer dans cette évolution RSE.

Il est maintenant prévu que la collaboration avec la FFVoile prenne la forme d’une veille réciproque sur les évolutions :

  • des méthodes et traitements envisageables dans la gestion des proliférations de plantes aquatiques ;
  • de la règlementation dans ce domaine ;
  • des situations vécues dans les clubs et structures de pratique de voile.

Sur ce dernier point, après cette une première campagne d’informations, certains clubs sont en demande de solutions de gestion les plus adaptées à leur plan d’eau et à leur contexte.

Prendre conscience…

Au départ, les deux axes de travail engagés par la FFVoile portaient, l’un sur l’intérêt de montrer aux clubs les bonnes pratiques à développer au quotidien en matière de biosécurité pour éviter la dispersion et la colonisation des sites de voile par des plantes aquatiques, l’autre sur l’utilité d’une mise en veille régulière sur cette problématique permettant d’informer les clubs sur l’apparition de nouvelles espèces pouvant provoquer des difficultés de pratiques de la voile.

L’enquête a été conçue et utilisée comme une phase exploratoire d’une réflexion globale à mener à l’échelle de cette Fédération nationale sur les questions de gestion des nuisances ressenties par les plaisanciers, dans tous les types de sites où cette pratique peut être installée. L’analyse des informations compilées lors de cette enquête et la réalisation d’une affiche informative en sont les premiers résultats.

Cette courte mais efficace exploration doit donc être considérée comme le début d’une démarche à poursuivre pour aider à la prise de conscience de ces utilisateurs particuliers des milieux aquatiques sur le fait que cette pratique peut provoquer dans ces milieux des impacts écologiques distants dans l’espace et dans le temps, souvent très peu perceptibles immédiatement.

© FFVoile

En tant que plaisancier, faire de la voile c’est utiliser pour son bien-être le vent comme moyen de déplacement et l’eau comme support, mais cette navigation ne s’exerce pas seulement sur un support physique mais bien sur un support de vie complexe et fragile. Dans la situation actuelle où les évolutions négatives de la biodiversité liées aux pressions croissantes sur la nature créée par les activités humaines sont maintenant incontestables et de plus en plus connues du grand public, il semble nécessaire d’intégrer de manière responsable dans nos pratiques des évolutions de comportements permettant de réduire les impacts de nos activités, y compris celles de loisirs.

Il devrait idéalement s’agir d’une prise de conscience s’appuyant sur la responsabilité individuelle que nous devons porter dans le respect et la protection d’un bien commun, partagé entre différents utilisateurs, en l’occurrence ici, le milieu aquatique et ses berges, accueillant l’activité, quel que soit ses dimensions…

La présentation des plantes sur lesquelles portait cette enquête a été intentionnellement faite d’une manière relativement schématique, recherchant surtout une qualité de retours d’informations relativement précise selon les types biologiques (Figure 1), sans vouloir atteindre une qualité de détermination des espèces présentes. Certaines plantes, indigènes ou exotiques, illustrées dans les pages du questionnaire, ont été citées dans diverses réponses mais leur analyse n’a pas été poussée. Si un programme plus vaste et plus complet de recherches d’informations sur ces difficultés de gestion auxquelles la FFVoile va continuer d’être confrontée était décidé, il pourrait s’appuyer pour ces identifications sur des applications numériques de reconnaissances d’espèces, utilisables avec un téléphone portable, dans le contexte actuel des sciences participatives rassemblant de plus en plus de contributeurs.

La demande originelle d’aide et d’appui de la FFVoile ne portait pas spécifiquement sur des plantes exotiques mais sur des nuisances créées par des espèces envahissantes, indigènes ou exotiques. Toutefois, comme elle s’inscrivait explicitement dans une démarche de biosécurité faisant partie des points de priorité actuels des réflexions et travaux du Centre de ressources, la collaboration a pu s’installer sans difficulté.

En matière de gestion des espèces en milieux naturels, ces problématiques de biosécurité sont probablement les futures organisations parmi les plus complexes à développer et à mettre concrètement en œuvre à l’échelle de notre société. En effet, il s’agit nécessairement d’arriver à modifier, quelquefois très fortement, des pratiques et des représentations individuelles ou collectives sur un certain nombre de points concrets et/ou d’actions en lien avec les activités humaines se déroulant en milieu naturel, et ceci en fonction des espèces, des types de milieux et des activités humaines elles-mêmes.

En remettant en question habitudes et comportements routiniers, ces besoins de biosécurité destinés à réduire différents impacts des activités humaines favorisant la dispersion d’espèces, peuvent tout à fait être vus et vécus, au moins dans un premier temps, seulement comme un nouvel ensemble de contraintes.

Vue arienne du port de Cazaux – Auteur : Alain Dutartre

Il va toutefois bien falloir agir, probablement sur du long terme, pour espérer améliorer cette situation. C’est d’ailleurs pourquoi cette problématique a déjà fait l’objet de publications de deux articles du Centre de ressources EEE (Biosécurité et EEE : réinventer l’eau chaude ou comment participer à la prévention des invasions biologiques (2016) et Usagers et biosécurité des milieux aquatiques (2014)) et de l’organisation de journées d’échange transfrontalières les 16 et 17 mai 2019 à Concarneau par le Comité français de l’UICN et l’Agence française pour la biodiversité, co-pilotes du Centre de ressources sur les EEE, et l’Animal & Plant Health Agency de Grande-Bretagne, pilote d’un projet européen LIFE RAPID.

Rédaction : Benoît Cressent et Yann Château, FFVoile et Alain Dutartre, expert indépendant
Relectures : Emmanuelle Sarat et Madeleine Freudenreich, Comité français de l’UICN

Contacter le Centre de ressources EEE

Pour toute information, n'hésitez pas à nous contacter. Vous reviendrons vers vous le plus rapidement possible. Cordialement, l'équipe de mise en oeuvre du Centre de ressources EEE.

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