L’Herbe à Alligator, Alternanthera philoxeroides (Mart.) Griseb. (Amaranthaceae), est une plante amphibie, vivace à stolons, originaire d’Amérique du Sud. Devenue envahissante dans les régions tropicales et subtropicales d’Australie, de Nouvelle-Zélande, d’Asie et des Etats-Unis, l’espèce a également été inscrite en 2016 sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union Européenne, suite à une analyse de risque menée par l’OEPP. Elle est donc interdite en France d’introduction dans les milieux naturels, de vente, d’utilisation, de transport, etc.
En France, l’espèce a été antérieurement introduite pour l’aquariophilie et l’ornement de bassins aquatiques, et les premières observations en milieux naturels datent des années 1960 (Dupont, 1984, 1989), dans le bassin versant de la Garonne, d’abord dans le Lot-et-Garonne puis en Gironde. Dans les années 2000, l’espèce semblait alors se cantonner le long des corridors fluviaux et sa dynamique apparemment stable n’avait pas justifié la mise en place d’interventions de gestion (voir l’article de Guillaume Fried et ses collaborateurs en 2016). Elle présente néanmoins ces dernières années une plus importante dynamique de colonisation, facilitée par une croissance rapide, une capacité d’enracinement et une reproduction végétative très efficaces, même si aucune production de graine viable n’est jusqu’à aujourd’hui constatée dans son aire d’introduction (Sainty et al.,1997, In Cottaz, 2019).
Confusions possibles
L’Herbe à Alligator peut être confondue avec l’Eclipte prostrée (Eclipta prostrata), astéracée annuelle originaire d’Asie qui fréquente les mêmes types de milieux. Cette espèce a été introduite accidentellement dans les semences riz pour les cultures et serait arrivée de cette manière en Camargue (Jauzein, 1991). Les cartes de répartition disponibles mentionnent sa présence dans les Bouches-du-Rhône dès 1991 et elle est également mentionnée sur la Dordogne en 2015 (SIFlore ; Caillon, comm. pers. 2019). Consultez la description botanique de cette espèce sur Pl@ntNet. |
Une colonisation récente mais rapide dans le Sud-Est
En 2013, l’espèce a été découverte sur l‘Ouvèze à Sorgues (Vaucluse) et a fait l’objet d’une note d’alerte du Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles (CBN Med) (Farsac, Terrin, 2014) et de l’ANSES (2014). Cette station fait depuis 2014 l’objet d’expérimentations de gestion (arrachage et bâchage) dans l’objectif de déterminer la meilleure méthodologie applicable pour arriver à l’éradication de l’ensemble de la station (Cottaz et al., 2018). Un retour d’expérience de gestion est en cours de rédaction par le CBN Med et sera diffusé à l’échelle nationale via le Centre de ressources EEE.
En septembre 2016, 110 km en aval de la station de Sorgues, l’espèce a été découverte sur le Petit-Rhône, dans le département des Bouches-du-Rhône, sur la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer. L’unique spécimen observé a été immédiatement arraché dans une démarche de détection précoce et d’éradication rapide (Cottaz, 2019), l’espèce ayant été classée parmi les espèces émergentes dans la stratégie régionale espèces végétales exotiques envahissantes de la région PACA.
En janvier 2019, un suivi par le CBN Méditerranéen et le PNR de Camargue a été réalisé dans l’objectif de confirmer l’éradication de l’espèce dans cette station. Un linéaire de 500 m a été prospecté sur le cordon littoral et la présence de plusieurs zones envahies d’Alternanthera philoxeroides a été notée sur une distance d’environ 100 m (11 zones pour un total d’environ 450 m²). Deux zones ont fait l’objet d’un arrachage méticuleux (5 m² ont été traités au total). Pour les autres zones colonisées, l’équipe de prospection a jugé préférable de mettre en place une stratégie de gestion adéquate prenant en compte les spécificités du terrain (surface colonisée relativement importante et espèce présente en mélange avec deux espèces de jonc (Juncus acutus et Juncus maritimus) rendant la pose de bâche et l’arrachage plus complexe) et qui comporterait des objectifs adaptés à l’état de colonisation de la zone (éradication pour les petites populations dispersées et possiblement un confinement pour les populations plus denses). Un état des lieux le plus exhaustif possible sera également réalisé en 2019 le long du Petit Rhône pour déterminer si d’autres populations ont pu s’établir entre les stations de Sorgues et de Saintes-Maries-de-la-Mer.
Toute nouvelle observation de l’espèce est à signaler à Cyril Cottaz, référent espèces exotiques envahissantes (CBNMed) : c.cottaz@cbnmed.fr. |
Une progression régulière sur les rives de la Garonne?
En parallèle de cette colonisation récente et rapide en région Méditerranéenne, l’Herbe à Alligator semble également progresser sur les rives de la Garonne. Elle a été observée depuis 2002 dans trois communes du Tarn et Garonne. L’espèce est d’ailleurs spécifiquement présentée, comme une espèce “émergente”, avec un appel aux observations, dans la fiche 2017 du Conservatoire Botanique National Pyrénées et Midi-Pyrénées consacrée à ce département.
En Nouvelle-Aquitaine, 64 données de présence de l’espèce sont actuellement recensées dans les départements du Lot-et-Garonne et de Gironde (sur la Garonne de Saint-Sixte en amont à Saint-Estèphe, une station située dans l’estuaire de la Gironde ; une station est également notée sur la Dordogne à Saint-Avit-Saint-Nazaire en Gironde) (voir la carte ci-contre) (Caillon, comm. pers. 2019). Sur ces sites, l’espèce fleurit abondamment et peut présenter des morphes terrestres (haut de berges, pelouses humides) adaptées à un assèchement de plus longue durée (Caillon, comm. pers. 2019).
En 2014, une station d’Herbe à Alligator a été découverte à Agen, sur les berges de la Garonne à proximité de la Réserve Naturelle Nationale de la Frayère d’Alose. Formant un peuplement très localisé, l’espèce a été arrachée afin de prévenir toute éventuelle progression (voir l’article de Guillaume Fried et ses collaborateurs en 2016). Sur cette station, le suivi réalisé l’année suivante identifiait de nouveau un pied d’Herbe à Alligator et une seconde station étaitdécouverte sur le territoire de la réserve naturelle (Kordek, 2018). En 2016 et 2017, d’autres stations ont été à nouveau repérées et confirment l’implantation de l’espèce sur ce territoire (voir la frise chronologique ci-dessous).
En 2016, des interventions d’arrachage ont été organisées, mais ont été rendues difficiles par la présence de rhizomes de Paspalum distichum, autre plante exotique envahissante colonisant les zones de limons et graviers émergées. Les interventions prévues en 2017 n’ont pu être réalisées faute de moyens humains et financiers. En 2018, les conditions hydrologiques de la Garonne ont même rendu impossibles les opérations d’arrachage (débits et niveaux d’eau trop élevés). L’espèce reste ainsi présente sur la totalité des sites identifiés, à l’exception d’un site, où la population aurait été ensevelie par des dépôts d’alluvions limoneuses (cette hypothèse reste néanmoins à vérifier). Les prospections des berges, la poursuite d’une vigilance accrue et les interventions d’arrachage seront maintenues en 2019. Un suivi plus complet des populations permettrait d’améliorer les connaissances sur l’écologie de cette espèce et de mieux caractériser sa dynamique de colonisation.
Toute nouvelle observation de l’espèce est à signaler à : – Pour la région Nouvelle Aquitaine : Aurélien Caillon, référent espèces exotiques envahissantes (CBN Sud Atlantique) : a.caillon@cbnsa.fr – Pour la région Occitanie : Jérôme Dao, référent espèces exotiques envahissantes (CBN Pyrénées et Midi-Pyrénées) : jerome.dao@cbnpmp.fr |
Rédaction et relectures : Emmanuelle Sarat (UICN France), Alain Dutartre (expert indépendant), Cyril Cottaz (CBN Med), Aurélien Caillon (CBNSA), Guillaume Fried (ANSES), Juliette Kordek (Réserve naturelle de la Frayère d’Alose), Arnaud Albert (AFB-DRED).
En savoir plus :
Consultez les ressources disponibles sur cette espèce dans la base d’informations sur les espèces exotiques introduites et leur gestion
ANSES. 2014. Fiche d’alerte. Nouveau foyer d’Alternanthea philoxeroides, une plante aquatique envahissante, 1 pp.
Aniotsbehere J.-C. – 2009. Les plantes aquatiques et des milieux marécageux de Gironde. Mémoires de la Société Linéenne de Bordeaux. Tome 12. 28 pp.
CBNPMP et URCPIE Occitanie. Les indicateurs de l’OM BP. Chiffres clés en Tarn et Garonne. 4 pp.
Cottaz C. 2019. Note d’alerte. Redécouverte d’une station d’espèce végétale exotique envahissante en région PACA : l’herbe à Alligator (Alternanthera philoxeroides (Mart.) Griseb. 1879). Conservatoire botanique national méditerranéen. 17 pp.
Cottaz C., Paquier T. et Diadema K. 2018. L’Herbe à Alligator, Alternanthera philoxeroides. Expérimentation de gestion d’une espèce exotique envahissante émergente en région PACA, sur l’Ouvèze (Sorgues, 84). Conservatoire botanique national méditerranée de Porquelrolles. 47 pp.
EPPO (2015) Pest risk analysis for Alternanthera philoxeroides. EPPO, Paris.
Farsac L, Terrin E., 2014. Note d’alerte. Détection d’une nouvelle espèce végétale exotique envahissante en région PACA : l’Herbe à Alligator (Alternanthera philoxeroides (Mart. )Griseb.) CBN Med, 16 pp.
Kordek J. 2018. Localisation et évolution de l’Herbe à alligator (Alternanthera philoxeroides (Mart.) Griseb. 1879) sur le territoire de la Réserve naturelle de la Frayère d’Alose et des sites associés. RNFA 22 pp.
Kordek J. 2017. Plan d’action relatif à l’Herbe à Alligator (Alternanthera philoxeroides (Mart.) Griseb. 1879) au sein de la Réserve naturelle de la Frayère d’Alose d’Agen. RNFA 27 pp.