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Lancement de l’édition 2022 du Prix National du Génie Écologique

Les enjeux actuels de préservation de la biodiversité et de réponse aux changements climatiques nécessitent un développement accru d’actions de génie et d’ingénierie écologiques permettant notamment la conservation des écosystèmes, la restauration de milieux dégradés et l’optimisation des fonctions assurées par ces écosystèmes.

Afin de mettre en lumière ces actions, l’Association fédérative des acteurs de l’Ingénierie et du Génie Écologiques (A-IGÉco) et ses partenaires viennent de lancer la quatrième édition du Prix National du Génie Écologique : http://a-igeco.fr/lancement-pnge2022/

Ce Prix récompensera un projet dans chacune des catégories suivantes :

  • Restauration d’écosystèmes, de populations
  • Gestion des espèces envahissantes
  • Amélioration des trames écologiques
  • Amélioration et/ou valorisation des services liés aux écosystèmes et au sol
  • Pratiques de gestion favorables à la biodiversité

Un Grand Prix pourra être décerné pour récompenser un projet particulièrement remarquable parmi ceux déposés dans l’ensemble des catégories.Plante & Cité est associée à l’édition 2022 pour un prix spécial valorisant le génie écologique en « Milieux urbains ».

Les dossiers de candidatures sont ouverts jusqu’au 31 mai. Les prix seront remis et présentés à l’occasion d’un événement national à l’automne 2022.

Les espèces envahissantes ?

Lors de la remise de la deuxième édition des prix du Génie écologique, à Paris le 5 novembre 2018, se trouvait une nouvelle catégorie récompensée, intitulée “Lutte contre les espèces envahissantes“. Cette catégorie ciblait la gestion des espèces envahissantes, indigènes ou exotiques, pouvant causer des dommages aux écosystèmes.
Le projet qui a reçu le prix 2018 concernait des interventions régulières d’arrachage de Séneçon en arbre (Baccharis halimifolia) menées depuis 2010 sous l’égide du Syndicat mixte de la Ria d’Etel pour réguler la colonisation des prés salés d’intérêt communautaire de ce site Natura 2000 breton.

Lors de la troisième édition de ce Prix en 2020, la catégorie “gestion des espèces envahissantes” (une dénomination plus en phase avec les démarches de génie et d’ingénierie écologiques que la “lutte”) a reçu neufs dossiers, soit près d’un quart des dossiers examinés au total dans toutes les catégories.
Au cours de la réunion du Comité du jury du 9 septembre 2020, il a été rappelé que cette catégorie concernait des actions de gestion des espèces envahissantes (EEE), végétales ou animales, et que si ces problématiques concernaient essentiellement les espèces exotiques envahissantes, des actions concernant des espèces autochtones pouvaient être prises en compte à condition que les impacts sur la biodiversité et/ou les activités et la santé humaine aient été établis.

Pour l’édition de 2020, le jury de cette catégorie était constitué de Valentin Condal (Expert Biodiversité Suez), Christophe Girod (Chef de projet – Botaniste chez Egis Structures & Environnement), Renaud Jaunatre (IRSTEA, maintenant INRAE) et j’y participais au titre du CDR EEE.

Des fiches de présentation détaillée des projets ayant été récompensés en 2018 et 2020, soit respectivement “Mobilisons-nous pour la Ria : Ensemble limitons le baccharis” et “Réduire la dynamique d’invasion de la Jussie“, sont disponibles en ligne sur le Centre de ressources Génie Écologique.

Lauréat 2018

Lauréat 2020

Signalons que si en 2018 l’examen des dossiers s’était avéré relativement simple car cette première édition où figurait cette catégorie avait reçu seulement deux dossiers, il n’en a pas été tout à fait de même pour l’édition de 2020. En effet, ces neuf dossiers rassemblaient une vaste gamme d’objectifs, d’actions et de modalités de mise en œuvre qui ont fait de leur examen un exercice d’analyse et d’échanges entre les membres du jury tout à fait intéressant et éclairant sur la réalité de cette problématique complexe.

Premier élément notable, tous ces dossiers concernaient des espèces exotiques envahissantes et, parmi ces espèces figuraient à trois reprises chacune, les jussies et les renouées asiatiques, des taxons très largement répandus en métropole où ils causent des dommages importants et maintenant bien évalués. Une seule espèce de faune, le Rat noir, était présente dans un des dossiers.

 

Courtes présentations des dossiers de candidatures pour l’édition 2020 :

  •  Restauration d’habitats d’intérêt communautaire et lutte contre les espèces végétales exotiques envahissantes sur l’île de Jarre – Parc National des Calanques (13)

Cette action s’inscrivait dans le cadre du projet LIFE Habitat – Calanques (LIFE16 NAT/FR/000593) ayant pour objectif la restauration des habitats du littoral des calanques. Le programme est piloté par l’ARBE-PACA et associait différents partenaires dont le Conservatoire Botanique National Méditerranéen et le Parc National des Calanques. L’action présentée était une intervention d’arrachage manuel de figuier de Barbarie (Opuntia spp) colonisant l’île de Jarre, réalisée dans des conditions de terrain difficiles et s’inscrivant dans la Stratégie régionale de gestion des EEE. Il s’agissait de restaurer des biotopes pouvant abriter une flore et une faune à très fort enjeu de conservation.

Voir aussi : https://www.habitats-calanques.fr/fr/les-menaces et https://www.habitats-calanques.fr/fr/résultatsattendus

  • Chantier d’éradication d’une plante invasive, la Renouée du Japon, comme levier d’insertion sociale (22)

Organisée conjointement par Saint Brieuc Armor Agglomération, l’Association ADALEA (engagée dans l’hébergement et l’aide socio-éducative aux personnes ou familles en grandes difficultés sociales) et la commune de Plérin (22), le projet avait pour objectif d’éradiquer une colonisation de Renouée du Japon sur un site en zone urbaine d’où l’espèce pouvait se disperser dans des propriétés privés et suivre le cours d’un ruisseau. Les enjeux de sécurité routière étaient également pris en compte. Hormis les enjeux de protection de la biodiversité, un objectif de réinsertion sociale était également poursuivi par la réalisation des travaux par des personnes encadrées et rémunérées.

  • Interventions de gestion de la Balsamine de l’Himalaya sur le bassin versant de la Graine (17 et 86)

Après de premières observations en 2010 de Balsamine de l’Himalaya (Impatiens glandulifera) sur ce cours d’eau d’une trentaine de kilomètres, des interventions régulières d’arrachages ont été mises en place à partir de 2011 par le Syndicat Mixte Vienne Gorre, suivant un protocole établi par le Conservatoire Botanique National du Massif Central. En appliquant une vigilance dans le repérage des plantes et des précautions dans l’évacuation de leurs déchets, ces interventions ont permis de réguler les développements de cette espèce et de restaurer la végétation des berges et les mégaphorbiaies présentes (habitat d’intérêt écologique).

Des opérations de sensibilisation auprès du grand public, des enfants, des agents des collectivités ont également été réalisées et des outils de communication développés dans le cadre d’un Contrat Territorial des Milieux Aquatiques : https://www.syndicat-bassin-vienne.fr/le-ctma-vienne-mediane/

Ces travaux ont fait l’objet d’un retour d’expérience disponible en ligne.

  • Réduire la dynamique d’invasion de la Jussie par l’ingénierie écologique – Marais de Brière (44)

Depuis les années 90, la Jussie (Ludwigia grandiflora) a progressivement colonisé de nombreux sites des marais de Brière, dont des superficies importantes de prairies naturelles humides, ce qui a conduit à de fortes pertes pour les éleveurs utilisant les marais. Porté conjointement par le Syndicat mixte du Parc naturel régional de Brière et le syndicat du Bassin versant du Brivet, ce projet présentait les plus récentes interventions de gestion de cette espèce. Sous l’impulsion d’agriculteurs volontaires, les acteurs locaux se sont collectivement impliqués en 2014 dans un Pacte de Lutte contre le développement de la Jussie. Sur près de 1000 ha de marais, un retour à une salinisation naturelle des canaux en période estivale a également été engagé et évalué dans le cadre de ce projet. Une coopération avec la Fédération départementale de Pêche a en particulier permis des pêches de sauvegarde lors des envois d’eau salée. A l’échelle des parcelles agricoles, des actions et moyens de gestion combinant des techniques de génie écologique sont testés par des agriculteurs volontaires pour éviter son implantation (conservation de bandes de roseau, maintien d’un couvert compétiteur, implantation de ripisylve, …). A propos de la Brière voir aussi la chronique sur l’interaction de la croissance avec les conditions hydrauliques du milieu…

  • Parcelle d’expérimentation de restauration écologique à Saint-Nicolas-de-Port (54)

Proposé par SPIGEst (Synergie Plantes Invasives Grand Est), le projet présentait les résultats d’une expérimentation de méthodes de gestion des Renouées asiatiques sur un site colonisé en bordure de route et proche de l’agglomération où se posent des problèmes de sécurité routière et d’appauvrissement de la biodiversité afin de contrôler la population de ces EEE et de restaurer un écosystème de type prairial. L’expérimentation a débuté en 2015 et des résultats de différents paramètres des suivis sur les caractéristiques des plantes et de leurs rhizomes et d’un suivi floristique étaient joints au dossier.

L’association SPIGEst réunit différents acteurs impliqués dans la gestion des plantes invasives. Elle a organisé en 2015 et 2017 deux rencontres et a également participé à différentes journées techniques sur la gestion des renouées asiatiques.

  • Lutte contre la Crassule de Helms et le grand Lagarosiphon dans une mare communale (27)

La découverte en 2017 de colonisations de Crassule de Helms (Crassula helmsii) et de Grand Lagarosiphon (Lagarosiphon major) dans une mare de la commune de Grossœuvre (Eure) lors d’inventaires effectués par des agents du Conservatoire d’Espaces Naturels de Normandie (CENN) a déclenché des interventions de gestion de ces deux espèces. Elles ont été réalisées en 2019 par une brigade d’intervention sur les EEE créée la même année par le CENN avec des financements de l’Agence de l’eau Seine Normandie et de la région (fonds FEDER). Composée de 3 personnes, cette brigade peut intervenir directement dans la gestion d’EEE par la réalisation et l’encadrement de chantiers et de l’expérimentation. Cette structure très réactive en matière d’intervention est une première en métropole. Voir aussi un entretien avec trois agents du CEN.

  • Construction d’une stratégie de surveillance et de réaction rapide relative aux espèces exotiques envahissantes par le Conseil Départemental de l’Aveyron

A partir de 2011, deux directions du Conseil Départemental de l’Aveyron, “Environnement et Routes” et “Grands Travaux”, ont mis en place une démarche conjointe de prise en compte des plantes exotiques envahissantes sur le réseau routier. Ce projet s’est appuyé sur l’exemple des Renouées asiatiques (Reynoutria japonica, R. sachalinensis, R. x bohemica) encore peu dispersées dans le département mais devant être prises en compte dans les activités d’entretien des bords de route. Il a permis la sensibilisation d’environ 300 personnes (agents du Conseil départemental, élus, collectivités partenaires…), un recensement participatif de 206 sites colonisés sur le réseau routier départemental, une priorisation des interventions et des expérimentations de gestion lors d’un suivi de 2012 à 2016.

Les acquis de cette stratégie de surveillance et de réaction rapide ont été partagés avec l’ensemble des partenaires du Département. Voir les informations concernant une Journée technique sur la gestion de la Renouée du Japon (septembre 2011)

  • Création et mise en œuvre d’une Mesure Agro-Environnementale et Climatique pour une gestion adaptée des prairies à risque important de colonisation par la Jussie dans les marais du lac de Grandlieu (44)

La colonisation progressive des prairies humides du lac de Grandlieu par les Jussies (Ludwigia sp.) cause des dommages à la biodiversité et des pertes dans ces milieux agricoles de gestion extensive. Une Mesure Agro-Environnementale et Climatique (MAEC) pouvant permettre une gestion adaptée de ces prairies pour en restaurer la qualité, reconquérir une activité agricole plus favorable et favoriser la biodiversité des sites d’importance communautaire (Natura 2000, ZNIEFF…) a été mise en œuvre à partir de 2018.

Après une cartographie des sites colonisés par les Jussies, une contractualisation auprès des services de la DRAAF Pays de la Loire a été aidée par les porteurs du projet, le Syndicat de Bassin Versant de Grandlieu et la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, pour des exploitants agricoles dont les parcelles répondaient aux critères d’envahissement ou de risque d’envahissement par la Jussie. Le suivi de l’action est prévu sur 6 années. A titre d’information, voir la notice présentant les MAEC proposées sur le territoire « Marais de Grandlieu »,au titre de la campagne PAC 2020.

  • Restauration écologique de la réserve intégrale de l’île de Bagaud par le contrôle d’espèces exotiques envahissantes : les Griffes de sorcière et le Rat noir (83)

Située à l’ouest de l’île de Port-Cros, l’île de Bagaud classée réserve intégrale dans le Parc National de Port-Cros est inhabitée et interdite d’accès. Dans le cadre d’un programme décennal (2010-2019) alliant restauration écologique et suivis de la biodiversité, des opérations de contrôle ont été conduites sur le rat noir (Rattus rattus) et les griffes de sorcière (Carpobrotus spp.). Si la plante colonisait environ 2 hectares, le Rat noir était présent sur l’ensemble de cette île d’une soixantaine d’hectares.

Mis en place à la demande du Conseil scientifique du Parc national de Port-Cros en 2008, l’objectif de ce programme consistait à éliminer ces EEE et à suivre l’évolution de la biodiversité sur une longue période (10 ans), pour mieux comprendre les processus liés à l’écologie de la restauration dans un contexte de systèmes insulaires méditerranéens.

Ce programme très important et relativement “hors normes” compte-tenu de ses caractéristiques (partenaires, finances, durée de mise en œuvre) qui lui avaient été attribuées avait fait l’objet d’un séminaire scientifique de bilan fin 2019.

 

Quelques commentaires

N.B. : Ces commentaires sont repris et adaptés de la note de bilan élaborée collectivement par les membres du jury de 2020 de cette catégorie et transmis au Comité du jury du Prix : je remercie Valentin Condal, Christophe Girod et Renaud Jaunatre de m’avoir autorisé à utiliser cette note pour le présent article.

Lors de l’examen de ces dossiers par le jury, un balayage des objectifs et des modalités d’action qui y étaient présentés pouvait permettre d’évoquer des “sous-catégories”, comme par exemple deux dossiers portant sur des projets d’éradication d’espèces en situation insulaire (Ile de la Jarre et Ile de Bagaud), deux autres présentant des expérimentations localisées sur les renouées asiatiques avec des modes opératoires différents (sites de Plérin et de Saint-Nicolas-de-Port), deux sites en zones humides comportant des efforts d’intégration “sociale” de certains des usages dans les objectifs de gestion, comme par exemple l’agriculture ou la pêche (marais de Brière et lac de Grandlieu), un programme de gestion localisée régulière d’une espèce végétale (Graine), ou encore deux dossiers faisant état du fonctionnement de réseaux organisés d’interventions à une échelle territoriale définie (département de l’Aveyron et CEN Normandie).
Cette classification en “sous-catégories” ne rend évidemment pas totalement compte de la diversité du contenu des dossiers et, par exemple, un des objectifs du dossier de Plérin portait aussi sur de l’intégration sociale locale…

Noter chacun de ses dossiers en se référant aux critères d’analyses proposés avait permis de produire un premier classement entre ces dossiers. Il a été complété par des échanges entre les membres du jury portant à la fois sur l’analyse des contextes spécifiques de ces différents dossiers et de leur cohérence par rapport aux objectifs affichés. Dans le contexte de chaque dossier, les ressources (humaines, scientifiques, techniques et financières) qui avaient pu lui être allouées, faisaient également partie de critères supplémentaires de comparaison.

Il nous a semblé que tous les dossiers examinés présentaient des intérêts notables par rapport aux questions générales de gestion des EEE auxquelles nos sociétés humaines sont actuellement confrontées. De même, tous nous ont semblé porteurs d’enseignements et, dans leur diversité, ils semblaient même composer un panorama assez complet des réflexions et actions en cours, au moins sur les problématiques de flore exotique envahissante.

Le choix final qui s’est porté sur le projet concernant la Brière et la Jussie a été décidé après des échanges portant plus particulièrement sur l’importance, en complément de la cohérence des projets de génie écologique dans le fonctionnement “naturel” des milieux, de leur intégration dans la “réalité sociale” et des enjeux humains des sites.

Et maintenant ?

Même si le choix parmi elles que devront faire les membres du futur jury restera délicat et ardu (mais au combien intéressant !), il reste à espérer que les candidatures à cette catégorie du Prix National du Génie Écologique 2022 seront de nouveau diversifiées et nombreuses !

Je suis persuadé que nous devons collectivement poursuivre (et aussi le faire savoir par cette manifestation !) ces efforts d’intégration des pratiques de gestion des habitats et des espèces qui nous sont nécessaires pour causer le moins de dommages possibles à une Nature en plein bouleversement et ne plus en rester à des visions risquant d’opposer nos souhaits de conservation à nos besoins de régulation.

 

Rédaction : Alain Dutartre, expert indépendant

Relecture : Madeleine Freudenreich, Comité français de l’UICN