Lors de la remise des trophées tenue au Salon des Maires à Paris le 20 novembre, la 5ème édition du Prix national du Génie écologique a décerné neuf Prix dont deux portent de manières très différentes sur les EEE et leur gestion :
- Le lauréat de la catégorie “Pratiques de gestion favorables à la biodiversité (dont la lutte contre les espèces exotiques envahissantes)” est un projet porté par le CIRAD : “Projet intégré de restauration des milieux naturels de l’île de La Réunion“.
Ce projet de territoire réuni de nombreux partenaires dans un groupe de travail ayant identifié 55 000 ha de zones à enjeux de conservation nécessitant des actions de lutte contre des invasions végétales et de restauration des milieux, au sein d’un programme organisé jusqu’en 2028.

Le lauréat du “Prix Expérimentation et recherche appliquée” est le projet intitulé “Programme REEVES (Recherches sur les Espèces Exotiques Végétales EnvahissanteS)” porté par SNCF Réseau.
Le projet est de développer une solution de gestion durable de cinq plantes invasives, arbustives et arborescentes, dans le contexte des infrastructures linéaires de la SNCF, par la restauration des talus ferroviaires avec des espèces indigènes concurrentes et des recherches fondamentales sur les interactions de ces espèces dans l’environnement menées dans de nombreuses stations expérimentales d’un consortium de laboratoires.
Dans une actualité du 17 juin 2024, l’A-IGÉco signalait “un record en termes de quantité et qualité des dossiers déposés” en précisant que 55 candidatures éligibles lui avaient été proposées (38 en 2020 et 18 en 2022).
Les projets 2024 ont été classés dans quatre catégories : “Restauration des milieux (écosystèmes, populations)“, “Amélioration des continuités écologiques (trames verte, bleue, noire, brune, turquoise ou blanche)“, “Pratiques de gestion favorables à la biodiversité (dont la lutte contre les espèces exotiques envahissantes)” et “Amélioration des services rendus par les écosystèmes et les sols“. Parmi ces projets, 4 faisaient partie de la catégorie “Pratiques de gestion…” incluant les EEE.
5 des 9 Prix décernés concernent ces catégories, avec deux ex-aequo pour “Amélioration des continuités écologiques“. Les quatre autres comportent un Prix Spécial, un Grand prix, un Prix spécial du jury et le Prix “Expérimentation et recherche appliquée” déjà cité. Pour tous les découvrir, vous pouvez consulter l’actualité du 26 novembre.
Pour mémoire "EEE et Prix du Génie Ecologique" :
Deux Prix en lien avec les EEE et leur gestion ont été décernés lors des deuxième et troisième éditions de cette manifestation en 2018 et 2020. Aucun lauréat de la catégorie “Gestion des espèces envahissantes” n’a été désigné dans l’édition de 2022, comme dans deux autres catégories sur les huit prévues, en lien avec le nombre peu important de projets déposés, ce que l’A-IGÉco attribue à un “effet Covid”.
Le projet lauréat de 2018 s’intitulait “Mobilisons-nous pour la Ria, ensemble contre le Baccharis“. Il récompensait un programme d’une durée de 3 ans (2017 – 2019) d’interventions régulières d’arrachage du Séneçon en arbre (Baccharis halimifolia) sur des prés salés d’intérêt communautaire de La Ria d’Etel, un site Natura 2000. Les travaux antérieurs avaient fait l’objet d’un retour d’expérience mis en ligne et figurant dans le deuxième volume de retours d’expérience du guide de gestion des EEE édité en 2018.
En 2020, le choix du Jury s’était porté sur un projet ayant pour objectif de “Réduire la dynamique d’invasion de la Jussie par l’ingénierie écologique – Marais de Brière (44)“.
Depuis les années 90, la colonisation progressive de nombreux sites des marais de Brière par les Jussies a conduit à la mise en place en 2014 d’un Pacte de Lutte contre le développement de la Jussie. Sur près de 1000 ha de marais, un retour à une salinisation naturelle des canaux en période estivale a également été engagé et évalué dans le cadre de ce projet. A propos de la Brière voir aussi la chronique sur l’interaction de la croissance avec les conditions hydrauliques du milieu…
Quelques informations complémentaires sur ces deux lauréats du Prix du Génie Ecologique 2024
A propos du projet porté par le CIRAD sur la restauration des milieux naturels de l’île de La Réunion”, un retour d’expérience mis en ligne en octobre 2022 présentait la démarche préalable de priorisation spatiale de la gestion des plantes exotiques envahissantes de l’île. Y figurent de nombreuses informations sur la cartographie générale, les données sur le patrimoine naturel, les évaluations du degré d’invasion et des enjeux de conservation pour définir des zones prioritaires de gestion.
En avril 2023, un article rappelait la démarche de gestion de son domaine forestier mise en place par l’ONF par l’identification d’Aires de contrôle intensif (ACI), couvrant une diversité de milieux représentative de l’ensemble des écosystèmes de l’île, faisant état des dernière études engagées et des bilans établis. Les résultats des travaux de cartographie des zones prioritaires pour la gestion des plantes exotiques envahissantes portés par le CIRAD montraient les intérêts de ce réseau d’ACI et permettaient de le compléter avec de nouveaux secteurs.
Le programme REEVES mis en place par SNCF Réseau en 2019, prévu pour une durée de 4 ans, a fait l’objet de trois articles d’informations sur le site du CdR.
Le premier, daté de septembre 2020, en faisait une présentation générale, citant les cinq espèces végétales cibles et précisant les deux objectifs poursuivis, c’est-à-dire “mieux comprendre les mécanismes de développement des plantes EE sur les infrastructures ferroviaires” et “identifier une méthode de gestion utilisant le principe de rétablissement d’une concurrence sur les ressources naturelles du milieu par la restauration d’une strate végétale sur les zones colonisées“.
En avril 2021, le deuxième article consistait en un rapport d’étape sur les travaux préparatoires de plantations de végétaux destinées à tester les possibilités d’activités biologiques de ces plantations pouvant concurrencer les espèces exotiques (allélopathie, champignons mycorhiziens) et sur des essais en laboratoire pour évaluer ces possibilités de concurrence en conditions contrôlées.
Le troisième article présentait en juin 2022 de premiers résultats encourageants concernant en particulier les taux de reprise élevés des végétaux plantés et de premières identifications de plantes indigènes montrant en laboratoire des influences significatives sur les espèces exotiques cibles. Il rappelait également la valorisation des résultats à venir par des publications scientifiques.
N. B. : une vidéo d’un peu plus de 6 minutes de septembre 2023 fait état du programme après 3 années de recherche et un dossier de presse édité en août 2024 présentant réalisations, acteurs, résultats acquis et perspectives du programme, est également disponible.
Rédaction : Alain Dutartre (Expert indépendant)
Relecture : Camille Bernery (Comité français de l’UICN)